
Le jeune phénomène du hip-hop US retrouve le Zénith de Paris pour une unique date française de sa grande tournée européenne. Et c’est très bien éclairé et entouré des projecteurs choisis par Jason Bullock, designer lumière du show, qu’il vient enflammer la scène parisienne.
Accrochés derrière Wiz le prodige, on découvre des MagicPanel Ayrton, nouveaux tout beaux, coup de cœur du designer, qui semblent avoir été conçus pour accompagner le rappeur à coup de bumps et autres blinders puissants.
Installés en matrice, ils dominent le kit lumière, pourtant peu avare de belles lyres Spot et Wash, et démontrent encore une fois, que l’avenir se trouve bien dans la Led.
Du sang frais, une belle énergie, un éclairagiste passionnant et de la lumière qui prend le pouvoir, il ne nous en fallait pas moins pour avoir envie de vous faire découvrir les coulisses de ce show à l’efficacité redoutable.
Si Jason est plutôt un designer lumière Rock ‘n’ roll (ses collaborations avec de nombreux artistes issus de la scène métal, industriel en attestent), se retrouver aux lumières d’un génie du rap US n’a pas refroidi ses ardeurs comme en témoigne son kit lumière, fourni pour cette date parisienne par Régie Lumière.
Des grosses lyres, essentiellement accrochées en hauteur sur trois ponts s’avancent tels des doigts au dessus de la scène. Des modules au sol relèvent les quelques rescapées dévolues à l’arrière du plateau, et des choix musclés avec pas moins de 24 stroboscopes (ici des X5 SGM à led qui viennent remplacer les Atomic Martin utilisés pendant la tournée US) et beaucoup de fumée. Il faut dire que cette scène accueille aussi des musiciens en plus du rappeur sautillant et très peu de décor, c’est la lumière qui s’en charge, sans beaucoup d’effort d’ailleurs !
En l’air on retrouve une armée de Spot et Wash Martin, des MAC III Profile aux MAC 2000 Wash XB en passant par les très puissants Mac Viper chargés des latéraux. L’alternance effets/bâtons des ponts fait cohabiter Wash Martin et Spot Clay Paky (qui remplacent sur la tournée européenne les VLX Vari*Lite) pour du faisceau et de la couleur avant tout.
C’est qu’il faut du lourd pour répondre aux matrices de 16 MagicPanel Ayrton, ici au nombre de deux (4×4 projecteurs) mais normalement ce sont 4 pods qui encadrent la scène et, il faut le reconnaître, mènent la danse d’un design très vivant !
Jason nous parle de son coup de cœur pour les derniers bébés carrés de chez Ayrton autour desquels s’articule sa conception.

Les MagicPanel, maîtres de cérémonie du kit lumière
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SLU : Jason, tu signes le design de la tournée 2013 de Wiz Khalifa, et tu es aussi présent pendant les dates européennes aux côtés de Upstaging (qui équipe la tournée mondiale). Comment as-tu découvert les MagicPanel ?
Jason Bullock : Il y avait une vidéo des MagicPanel présentés au ProLight & Sound, et un de mes amis me l’a montrée en me disant : ”Mec, ils sont faits pour toi !”
Et quand je l’ai vue, j’ai pensé : “Oui, je dois les avoir !” Cette tournée devait avoir lieu juste quelques mois après, alors j’ai parlé dit à Upstaging : “C’est bon les gars, vous réglez ce problème, j’ai besoin de 64 d’entre eux, peu importe comment vous les obtenez, y en aura-t-il assez ?”. Ainsi, après pas mal de péripéties, ils ont dit : “Nous en aurons juste assez. N’est-ce pas formidable ?”
SLU : Pourquoi y en a-t-il seulement 32 ici à Paris ?
Jason Bullock : Parce que c’était juste trop coûteux d’emmener les 64 MagicPanel répartis sur 4 pods ici.

SLU : Donc sur toute la tournée européenne, il n’y aura que deux pods ?
Jason Bullock : Oui dans toute l’Europe, car nous faisons beaucoup de salles de petite capacité. Les pods sont montés sur roulettes, donc facile à déplacer sur scène.
De plus, la configuration de scène que nous avions en tête était semblable à celle de la tournée d’été, mais avec des projecteurs différents, spécifiques à l’Europe. Je ne suis pas vraiment difficile tu sais… Tant que je peux apporter les MagicPanel.
C’est la première fois que nous n’avons rien apporté de plus, ni audio ni consoles son. Nous avons juste pris les deux pods de MagicPanel et le back line, car ça aurait été trop cher de tout expédier… Aujourd’hui à Paris, j’aurais pu utiliser les 4 pods mais dans beaucoup d’autres petites salles européennes, 2 pods éblouissent déjà tout. Quand j’avais les 64 unités au complet cet l’été, elles brûlaient tous les autres projecteurs du système.
SLU : Que penses-tu de leur fiabilité
Jason Bullock : Je les adore. Pendant la totalité de l’été, nous n’en avons remplacé qu’un seul ; je pense que c’était parce qu’il avait subi un choc et qu’un de ses connecteurs s’était desserré. Il a été remis et c’était OK. Ils sont absolument merveilleux. On les a allumés ce matin, après un voyage en bateau dans un container. Nous avions mis des morceaux de mousse devant et dans le dos du panneau juste pour le stabiliser, nous l’avons déballé, branché et “pzzzt”, aucun problème.
SLU : Que penses-tu de sa puissance lumineuse ? Est-elle suffisante ?
Jason Bullock : Oh oui… il est bien assez brillant. Et même si les MagicPanel rayonnent littéralement, ils ne sont pas seuls sur scène et doivent s’intégrer à un kit faisant la part belle aux grosses sources lampées du moment.

Le pixel gagnant
SLU : Tu as accroché un certain nombre de projecteurs et de sources différentes. Est-ce que les sources led (Osram 15W RGBW) des MagicPanel s’adaptent à l’ensemble du kit ?
Jason Bullock : Comparé à n’importe quel projecteur ici, ils sont incroyables. Je veux dire que même si tu mets un MAC III d’un côté et un MagicPanel de l’autre, l’émission de lumière de ce dernier va battre le premier. Il émet beaucoup plus de lux, particulièrement parce ce que son angle de diffusion est serré.
Notre ingénieur du son, Kevin, avait l’habitude de rigoler car à chaque fois que je les allumais en arrivant, tout en testant l’ensemble du système, tous en blanc (que ça soit les 4 pods avant, ou aujourd’hui avec les 2 pods) en les pointant vers le public, en full et que je le regardais, il disait juste “Whoa mec, tu me fais encore ça!”, il ne pouvait plus voir les boutons de sa console, il était littéralement aveuglé. Mais, le truc cool, c’est que quand tu les joues en effet, que tu les pilotes en bitmap, tu les “calmes”, et du coup ils deviennent moins éblouissants.
Tu sais le Showpix et les autres prédécesseurs à led n’avaient pas vraiment de réelle puissance lumineuse. On avait une chouette petit tête mais pas de définition de faisceau. Alors, Upstaging est arrivé avec son traceur. C’était un bon début, mais il est gros, lourd et il a 4/5 ans déjà. Donc je leur ai dit :”Si vous étiez vraiment cool, vous feriez un RGB unique dans une lyre”. Ils ont essayé plusieurs lyres pour supporter le poids de la tête.
Mais non…ça pesait trop lourd ! Alors nous nous sommes dits “ Nous allons simplement mettre de côté cette idée pour le moment et nous y reviendrons plus tard”. Et nous allions en reparler cet été, mais Ayrton a fait les MagicPanel…et nous nous sommes dit : “Ha, tant pis, quelqu’un a trouvé la solution…” Et c’est excellent, vraiment excellent.


Le mouvement sans limites
SLU : Que penses-tu de ses mouvements et en particulier de la fonction de Pan/Tilt infini ? L’utilises-tu sur ce show ?
Jason Bullock : Ils sont incroyablement précis en ce qui concerne le maintien de leur position par le contrôle DMX. Il y a cependant un petit défaut sur lequel Ayrton pourrait se pencher, car quand tu actionnes le mode de rotation continue, puis que tu veux reprendre ta position DMX initiale, il peut se produire une légère secousse.
En dehors de cela, les MagicPanel sont super… La possibilité de les faire tourner en continu a surpris beaucoup de gens, surtout parce que pendant les concerts, il y a une ou deux chansons en particulier où j’utilise cette option, et tout le monde me demandait : “Tu les as réinitialisés à chaque fois ?” (rires)
De la nouveauté oui, mais encore faut-il avoir les bons outils pour piloter ces projecteurs afin qu’ils obéissent au doigt et à l’œil du designer. Et quand on sait qu’en mode étendu, 160 canaux DMX sont nécessaires pour piloter un seul MagicPanel 602, on imagine mal comment un gros système équipé de quelque 32 unités peut être envisagé sans mapping.
Des effets au matriçage…

SLU : Est-ce que tu utilises les macros internes
Jason Bullock : Oui je les ai trouvé très pratiques… Dans la première chanson, j’utilise les effets de chenillard natifs dans l’appareil, et je fais tourner un bitmap en dessous. Donc, on voit seulement des morceaux du carré ressortir et il fonctionne très bien comme une couche en masque . Tu peux exécuter des effets de couleur et par dessus l’utiliser comme un filtre black out, tout en conservant la figure jouée.
Les Smileys que nous utilisons pour “Young, Wild and Free” – une chanson qui parle tout simplement de boire et de s’amuser – je les ai trouvés en me baladant dans les macros. J’ai vu les petits visages souriants (Smiley) et je me suis dit : “Oh, j’ai juste la chanson pour ça !” Je n’avais que très peu de cues programmées pour cette chanson, j’ai donc enregistré le smiley dans la première cue. Enfin, après avoir programmé toute la set list, j’ai ressorti cette cue et c’était juste 64 Smiley qui se tournaient vers le public… Oh, ouais… C’est ça que j’attendais !
Les macros des MagicPanel sont absolument géniales, et elles simplifient beaucoup de choses, parce que si tu avais tout à programmer pour chaque appareil, ça prendrait une éternité : Pixel 1 et 5 et 4 et 9… Oohhh, surtout , avec autant d’unités. Dans un premier temps, parce que je ne connaissais pas tous les effets préprogrammés, j’ai dessiné l’ensemble des pods sur quatre feuilles de papier millimétré collées entre elles. J’ai dessiné la grille entière de toutes les led – 2304 pixels. Ensuite, bien sûr, j’ai vu les macros et j’ai pensé: “Oh, je n’ai même pas besoin de ça. Tout va bien ! » Et il est en plus intéressant d’avoir à la fois des figures statiques et mobiles. Cela offre une très grande variété. Je pense que c’est merveilleux.
La ChamSys, compagne idéale des MagicPanel

SLU : La programmation a t’elle été longue ?
Jason Bullock : C’était un challenge de les configurer… Je sais que les gens les pilotent avec des consoles MA2 mais je ne suis pas un pupitreur sur MA2. J’avais l’habitude de travailler avec les consoles Flying Pig dans les années 90 quand je vivais à Londres. J’aime programmer mes propres effets, et faire mes propres séquences. Mais il y a beaucoup de canaux employés ici, spécialement avec le bitmap de chaque pixel de chaque projecteur. La solution est que le pupitre ChamSys intègre un moteur bitmap. Tu dessines une grille, tu places le projecteur dessus, et il est patché dans le média serveur interne de la ChamSys.
SLU : Il y a combien de layers dans la ChamSys?
Jason Bullock : j’utilise 4 layers séparés de bitmaps tous faits dans la console. Tu peux prendre une vidéo et la convertir en CMV puis l’uploader dans la console. Donc, beaucoup de ces textures sont en fait des films qui sont colorisés et sont tous dans la console.
Je n’ai pas de serveur séparé. Tout est dans la console. Il y a en plus un canal entier pour les lignes horizontales et verticales…et tu peux contrôler leur densité, leur vitesse et les fondus enchaînés. Donc tu peux avoir des lignes horizontales pour commencer puis les faire disparaître, les épaissir ou les affiner, ou changer leur façon d’apparaître ou de disparaître, tout est intégré dans la console.

SLU : Donc la Chamsys est parfaite pour piloter le MagicPanel
Jason Bullock : Oui elle est parfaite! La chose bien c’est qu’en raison de la façon dont le bitmap fonctionne dans cette console, je peux allumer en bleu le projecteur et couper le bitmap à son sommet. C’est pourquoi beaucoup de ces layers multiples sont en une seule couleur dans le projecteur et c’est le bitmap qui fait ses propres effets de couleurs….Je pense qu’on peut utiliser 8 ou 10 layers au max.
Je n’en ai que 4 ici, parce que c’était tout ce dont j’avais besoin. Mais c’est tout simplement un appareil virtuel qui fait un bitmap générique et tu peux faire jusqu’à 20 grilles et figures différentes, toutes en couches (layer) dans la console. Toutes les lettres et les trucs que vous avez vus pendant le show, ça n’est qu’une seule couche. Je l’ai appliquée à une lettre, dimensionnée, mise en mouvement et c’est fait! Aucun serveur séparé n’est nécessaire…
SLU : Comment sont-ils commandés, par quel protocole ?
Jason Bullock : Dans ce cas particulièrement nous avons fait courir un câble optique depuis ma console jusqu’en backstage. La fibre passe dans un séparateur. Le séparateur redistribue les données par un câble Cat 5. Ainsi on a un câble Cat 5 et un Socapex pour l’alimentation vers chaque pod de MagicPanel, et en plus un boîtier Martin Ether2-8 ArtNet to DMX sur le dessus des pods. On enfiche juste le Cat 5 dedans. Puis un DMX 5 broches en sort. C’est très fiable, nous n’avons jamais eu de problèmes.


SLU : pas de problème de câble ou de connexion ?
Jason Bullock : Juste deux câbles par jour! (rires). Tu sais, pour toutes ces lyres et ce matériel, les gens se disent : “Comment ça, il y a seulement deux câbles ?”
SLU : Tant mieux car la tournée dure 20 jours avec un show chaque jour !
Jason Bullock : Oui, en réalité nous n’avons que 4 jours de repos sur les trois prochaines semaines…
Organiser ses mémoires mais aussi son temps !


SLU : Ca demande de l’organisation !
Jason Bullock : Oui c’est vrai! Mais j’ai besoin de ce matériel pour travailler. J’en ai besoin pour faire ce que je suis sensé faire. Heureusement, il le fait! La console fait aussi du clonage et du morphing, remplace les Spot par des “Hard edge”. Elle permet de suivre toutes les infos des cues.
Nous jouions dans un club en Suisse, et le kit devait être de 12 Wash et 12 “Hard edge” et j’ai posé les pods au sol et à l’allumage tout le monde s’est dit “Oh mon dieu, qu’est ce qu’il vient de se passer ?” Les MagicPanel sont remarquables à chaque fois que je les ai vu assemblés en pod ou en rangs, pour peu que vous vous retourniez la tête pour les programmer ! Et encore j’utilise le bitmap… Je connais des types, d’autres programmeurs, qui utilisent des média serveurs, des Mbox et toute cette merde et je leur disais : “Personne n’a jamais essayé le pupitre ChamSys, mais si vous le faisiez, vous vous en sortiriez et n’auriez plus besoin de toutes ces merdes.” Mais tu sais comment les gens sont avec leur console ! Il n’aiment que ce qu’ils connaissent.
J’utilise la ChamSys parce que c’est facile, rapide, à cause de tout ce qu’elle peut faire, à cause du bitmap, des profils de projecteurs que nous avons édités directement dedans, pas besoin de le faire en ligne. Nous avons pu configurer des choses comme : si j’assigne toutes les couleurs au noir par défaut, quand je coupe le bitmap, il fait un fondu. Quand j’ai conçu ce spectacle, j’étais encore en Europe, finissant le tournée de Korn et enchaînant avec tous les gros festivals. J’ai du m’envoler dans la foulée pour Upstaging à Chicago et j’ai eu seulement 48 heures pour programmer le show avant le chargement des camions, 2 jour à la maison, et véritablement découvert le show lors de notre premier montage. 2 jours de répétitions et nous avons commencé la tournée, c’était comme ça que ça devait se passer.
SLU : tu es un peu magicien !
Jason Bullock : J’aime ce que je fais… On l’a bien compris le show lumière imaginé par le magicien Jason Bullock exploite à fond les ressources et qualités de ses piliers les MagicPanel, tout aussi jeunes et innovants que l’artiste qu’ils accompagnent. Mais justement, Wiz Khalifa suit-il les coups de cœur de son designer ?
Toujours surprendre ses artistes

SLU : Wiz Khalifa a-t’il des demandes particulières en lumière ?
Jason Bullock : Non, pas vraiment, parce que le style de musique dont il est issu, le Hip Hop, R&B est incroyablement compétitif. Il y a des artistes comme JayZee ou Kanye West et tout le monde veut le truc le plus récent, le plus génial et le plus cool. Et nous avons eu la chance de l’avoir sur ce show. Nous sommes maintenant au niveau. On peut commencer à défier ces gars, à leur montrer quelque chose de différent, et c’est le MagicPanel.
Quand les gens de l’équipe de production sont venus assister au premier show, ils se demandaient pourquoi on ne pouvait pas avoir plus de machines. Et Wiz était très excité de participer à ça, de voir tout ce nouveau matos.
C’est le genre de mec qui dit : “Mec, fais un truc cool”. Et quand j’en avais fini avec la programmation, la veille du premier concert, nous nous sommes assis, nous avons passé en revue toutes les cues et il a dit : “J’adore, on se voit plus tard.” Et je ne l’ai jamais revu. Tu sais, si il a une idée dingue, il va venir me voir et dire “Oh Jason, je pensais, tu pourrais me faire un flash tourbillonnant ?” “Je ferais tout ce que tu veux mec, pas de soucis”. Mais généralement, il veut juste être impressionné, il veut voir quelque chose qui n’a jamais été fait.
SLU : Est-ce que tous les artistes dont tu es le concepteur lumière veulent être impressionnés ?
Jason Bullock : Oui, oui, oui, ils veulent définitivement être impressionnés.
Pas juste un designer, mais un «type de la lumière»

SLU : Tu mets tout en œuvre pour satisfaire tes artistes ?
Jason Bullock : J’essaie. Mais tu sais, c’est aussi beaucoup pour ma satisfaction personnelle. Au fil des années, j’ai travaillé pour beaucoup de gens, programmé pour beaucoup de designers.
C’est ce que j’ai fait pendant près de 12 ans. J’avais un ou deux petits groupes donc je signais mes propres designs, et puis j’ai eu la tournée Gloria Estefan avec 4 stades en Amérique du Sud : super ! Il y avait 20 univers DMX et une vieille Hog II avec un système de données infernal !
C’était bien avant le ArtNet… J’ai vu ce qu’on pouvait faire, mais j’ai aussi vu les gens devenir fous, dire : “tout va bien, on a 150 points de charge et on ne va utiliser l’ensemble du kit lumière que sur une ou deux chansons !” Et toi tu te dis : “Okay mec, on parle d’un montage de 15 heures pour un concert de 2 heures !!!”.
Les gens deviennent fous. J’appelle ça le “click happy” (clic heureux). Le mec est assis devant son ordinateur faisant des » copier-coller , copier-coller , copier-coller » et… « Attendez une minute, si vous deviez dessiner chacun de ces projecteurs à la main vous en auriez 6 ici pas 35 !”. Revenons à l’époque où tout le monde dessinait ses plans à la main et réfléchissait un peu plus à ses réels besoins.

Le grand système que nous avons mis en place cet été pour Wiz khalifa, avec les ponts, tous les projecteurs montés dessus, et les 4 pods de MagicPanel, ça suffisait ! On commence à monter à 9h30, et tout doit être installé en 1h30. Quand on fait 6 spectacles d’affilée par semaine, on a besoin de fonctionner comme ça.
Nous avons tous bossé sur des concerts où l’on commence le montage à 5 h du matin et que à 17 h nous sommes encore en train d’essayer de faire fonctionner le kit. Désolé mais j’ai été technicien pendant de nombreuses années, j’ai été le gars qui tire les câbles, je refuse d’infliger ça à mes gars. Ce n’est pas nécessaire. Tu sais, si un designer dit : “Accrochons 7 projecteurs là-bas.” Que tu as envie de lui dire : “Oui mais le câble Socapex n’a que 6 circuits”. Mais que tu dis : “je comprends que vous vouliez vraiment 7 projecteurs et en tant que technicien je vais le faire car c’est votre show, mais…”
Maintenant que je suis designer, je comprends mieux. Pourquoi faire courir un câble supplémentaire juste parce que tu penses avoir besoin d’une lumière de plus ?. Les designers ne pensent pas à ça. Beaucoup d’entre eux, et surtout beaucoup de jeunes designers n’ont pas passé beaucoup de temps à charger du matériel, à tirer des câbles.
Un grand nombre de programmeurs sont des gens qui viennent de l’école, avec un bon talent pour la programmation mais sans n’avoir jamais eu à pousser un camion à cinq heures du matin sous la pluie battante, pas une seule fois dans toute leur vie. Ils entrent, portant belles chaussures et de belles tenues. Ils vont, ils viennent. Et tu voudrais leur dire : “Vraiment, vous n’avez aucun respect pour les gens qui sont là-bas qui se tue au travail pour vous satisfaire !”
Un des gars a perdu aujourd’hui un strobe sur l’un des côtés du pont, et m’a dit : “Mec, je suis tellement désolé. Nous avons perdu un strobe.” J’ai répondu : “J’en ai 30 là-haut, ça ne va pas être la fin du monde si il en manque un sur le côté.” Je ne vais pas le faire monter, descendre en rappel du plafond pour changer un strobe ! C’est absurde, c’est tout simplement absurde ! Si encore nous filmions, je pourrais être un peu inquiet, mais dans ce cas, personne ne va remarquer que l’un des stroboscopes ne marche pas ! Il y a un grand fossé entre les gens qui sont assis aux consoles et les gens qui sont en coulisses. Je pense que beaucoup de programmeurs ont une très haute opinion d’eux-même et ne veulent pas s’abaisser à tirer du câble ou autre chose.

Aujourd’hui, j’étais dehors pour le déchargement du camion, et les mecs de l’équipe française ont été surpris quand je les ai aidés à tirer le câble d’alimentation et que j’ai dit : “Oh, donne-moi ça.” Et il m’a dit : “Non, non, ce n’est pas grave.” Et j’ai répondu : “Je suis planté là. Vous faites tomber le câble, je le ramasse. Ce n’est pas un problème, mec”.
Mon conseil aux jeunes designers serait de se salir les mains ! Impliquez-vous parce que :
a) Vos gars vous respecterons d’autant plus,
b ) Si quelque chose foire, vous saurez d’où ça vient et quelle boîte ou câble débrancher pour régler le problème. Parce que je l’ai tiré ce satané câble, je sais où va le matos. Je n’ai aucun respect pour les designers qui ne savent même pas comment une ligne est tirée. C’est pour ça que je leur dit : “Il faut se salir les mains. Impliquez-vous. Pourquoi pas ?”. Et ils répondent : “Eh bien, vous savez, je suis le programmeur. Je ne fais pas ça”. “Stop ! Vous n’êtes pas juste un programmeur. Vous êtes une personne de l’éclairage. Il faut être une personne de l’éclairage !”
Conclusion

Un designer qui se salit les mains, complètement plongé au cœur de sa lumière, de sa scène, derrière et devant la régie, prêt à tirer des câbles, qui connaît parfaitement ses projecteurs, même les tout nouveaux et programme sa console avec engagement.
Un designer qui s’enthousiasme aussi pour des projecteurs, comme le MagicPanel Ayrton qu’il exploite au maximum dans une conception aux petits oignons pensée pour son artiste, et un peu pour lui même aussi.
Une passion qui, forcément est visible sur scène avec des effets incroyables produits par les matrices de Panel, boules à facettes du futur déployant chacune ses 16 projecteurs carrés comme autant de miroirs, balançant une puissance lumineuse de dingue et des couleurs d’une richesse indiscutable.
Souvent primaires et monochromes, une des nombreuses signatures du designer, elles fournissent des tableaux archi saturés, inimaginables il y a encore quelque temps avec de la led. Grâce au contrôle indépendant de chacune des 36 diodes du projeteur, des effets de mapping tout aussi dingues apparaissent sous nos yeux émerveillés, relayés par du faisceau juste et très rock, et de bons gros blinders qui éclatent la scène. Alors on pourra justement s’interroger sur le rythme de la lumière proposée par Jason, très au dessus du tempo et presque trop gourmande en strobes qui nous rapproche plus d’un concert de métal que de rap.
Ça bouge, ça vit, c’est malin et festif, c’est de la lumière qui fait danser et chanter, au service d’un jeune rappeur si talentueux qu’il est largement à la hauteur de ce design ambitieux.
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