Les gens de la lumière sont dans leur mode de vie des marins, loin de leurs familles et de leurs terres ils se partagent des histoires d’initiés au fond d’un verre, s’abreuvent des récits rocambolesques des anciens. Dans ces mers oniriques, naviguent des légendes de chair et de sang. Le capitaine, Jean-Philippe Bourdon, en est une. Sa discrétion et son parcours forcent le respect de beaucoup.
Le mur vidéo se lève à notre arrivé, au loin les Mythos nous saluent.
Au moment d’accoster au Zénith de Toulouse, siège de l’édition 2017 des Enfoirés, l’émoi se mêle à l’effervescence. Mesures de sécurité draconiennes, contrôle de nos qualités de journalistes dûment accrédités. Nous pénétrons dans le paquebot par la cale. Les coulisses arrière sont gorgées de matériel et de décors, minutieusement délimité par un impressionnant bardage de Layher.
Dans ces gigantesques cages d’acier, chaque place est investie par un corps de métier. Là les postes des micros HF, avec les habilleurs de son, hommes et femmes séparés pour préserver leur intimité. Nous progressons pour grimper d’un étage, jusqu’à un dédale de décors, un envahissement de rangées de murs peints, de lits fleuris, d’engrenages géants et autres accessoires improbables ou incompréhensibles tant qu’ils sont démontés. Les machinos remplissent leurs conduites par scènes, en révisant comme des bacheliers.
Une partie de l’escadron des Mythos en salle. Les ampoules blanches dans les gradins sont … les issues de secours. Au premier plan, une poursuite en attente au pied du plateau.
Nous accédons à l’immense plateau, presque 50 m de large, divisé en 3 parties. Au centre une scène en hexagone sera le siège principal des artistes. Vingt mètres de large, 15 de profondeur, séparée du public par un proscenium de circulation avec deux passerelles avancées pour se mêler à la foule.
L’arrière est cloisonné par les modules vidéo, vaste tapisserie de leds en forme de pyramide Inca dont la pointe culmine à neuf mètres. Le portail qui nous a donné accès depuis les coulisses est un bloc de 16 m2, capable de s’envoler à plus de 10 mètres pour laisser entrer les vastes décors. Un cadre de pont réservé à la machinerie est en attente au-dessus du plateau, des filins pendent, un acrobate teste le système d’envol avec un Mickael Youn rigolard.
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Quatre Mythos en « pack ACL » sur un des ponts du public.
De chaque côté, deux autres scènes nous surplombent. La première est pour les musiciens, adossés à un grand décor assez consensuel, comme une maison composée de larges briques laiteuses séparées par d’épais colombage. La deuxième est le plateau « Talk », identique dans l’esprit, avec de nombreuses portes et fenêtres de boulevard. Jeff Panacloc vient de terminer sa répétition, Michèle Laroque s’y prépare, le côté cour commence à ressembler à La Classe.
Face à nous, trois gigantesques pinces de métal flottent au-dessus des gradins, par phalanges de quatre, soixante-douze Mythos nous toisent comme des aviateurs. Les ailes écartées, ils remplissent le Zénith. Une constellation de 78 Mac Quantum Wash se tiennent aussi en salle, partout où nos regards se tournent ils éclaboussent les sièges d’un bleu sidéral.
Nous nous retournons. Le fond de scène est interminable. Sur toute la largeur et la hauteur de la salle se déploie un treillis tout en courbes polies. L’image qui me vient à l’esprit est celle d’une ancienne carte du monde dépliée par un géant, labourée de méridiens et parallèles. Les continents ont disparu, seuls demeurent l’océan infini et des centaines d’ilots scintillants. C’est dans cette construction phénoménale que s’intègrent les trois matrices fondamentales du kit lumière.
Toute la scène déployée devant nous. Les faisceaux bleus proviennent des Mythos, en latéral, des Pointe et des BMFL Blase tout en haut..
La plus évidente est celle constituée de 25 Q-7 SGM (flood, blinder/strobe), réglés droit vers le public, séparés en deux grandes vagues plongeant de jardin à cour. Souvent utilisée en aplat de couleur, cette mosaïque de Q-7 donne de la profondeur à la scène centrale. De rares explosions de strobes interviendront sur les musiques les plus énervées ou pour accompagner un effet sonore.
Parfaitement imbriqués dans cette première matrice, on identifie trente-neuf MagicDot-R Ayrton, supportant sans frémir la proximité avec les Q-7. On les découvre comme des boules de lumière scintillante dans les airs. Ils peuvent aussi déployer leurs faisceaux vaporeux à travers le maillage du décor.
Détail des matrices de Robe Pointe, Ayrton MagicDot-R et SGM Q-7 au bout de leurs mats d’artimon, derrière les entrelacs d’acier du décor de fond.
Un nombre impressionnant de Pointe Robe compose le dernier canevas de projecteurs en fond de scène, les 50 beams prennent le relai sur le haut et les extérieurs du décor, en quatre cerces concentriques. Leur capacité à monopoliser l’attention est évidente.
Que ce soit en palette pure, en couleur, en gobo ou en prisme, ils dévorent l’espace. Leurs faisceaux redessinent la salle et la scène au gré des constructions géométriques proposées par Jean-Philippe Bourdon. Pour éclairer le tramage d’acier de cette mappemonde colossale, 25 Quantum Wash Martin occupent 3 ponts alignés au lointain, répartis tous les 2 mètres.
Tandis qu’au-dessus les Mac Quantum wash arrosent les arches du fond, les Mac Aura du premier plan s’occupent du décor des scènes extérieures.
Grâce à eux, le décor d’acier prend une dimension surnaturelle. Chaque teinte rebondit sur les arches avec vigueur, la matière et la lumière se renforcent mutuellement. Pour étudier le reste de l’implantation, nous descendons en salle, dans la fosse aux caméras.
Cela nous donne le recul tout juste suffisant pour compter les ponts au-dessus de la scène. Au plus loin s’étend donc un pont sur toute la largeur, charnière entre le fond de scène et les arches lumière, occupé par les dernière Pointe et Q-7 SGM. Vient ensuite le linéaire pour les Quantum Wash du décor ; puis enfin les 7 ponts d’éclairages principaux, berceaux des 54 BMFL Blade Robe préposés à l’illumination de la scène centrale.
Moins spectaculaires dans leur utilisation, ils sont cependant la pièce maitresse pour la captation télévisuelle. Ils assurent les faces des artistes, leurs contres, et l’éclairage des dizaines de décors et d’accessoires de chaque scène. Dans ce dernier cas, leur module de couteaux s’avère indispensable pour éviter les débordements lumineux. Souvent aussi ils complètent les tableaux graphiques en renfort des Pointe.
Le plafond technique au-dessus de la scène principale, un arsenal de projecteurs : BMFL Blade, Mac Quantum Wash, Mac Aura….
Répartis sur ces ponts, 37 Mac Aura assurent la continuité avec les Quantum Wash destinés au public et habillent l’image lorsque les cadreurs, de par leur position au sol, filment le plafond technique. Assez versatiles, ils nappent aussi le plateau en complément des BMFL.
L’envers du décor, l’halogène est toujours présent
Nous glissons ensuite alternativement vers les scènes rehaussées de bâbord et tribord, à jardin celle des musiciens et à cour la scène dite « Talk, traitées avec des VL3000, des Mac Aura et 6 BMFL Blade à la face. De chaque côté, sur des ponts en « L », sont installés 23 Mac Aura pour colorer les fenêtres de calques du décor.
Des ampoules tungstène pendent derrière chaque fenêtre, tandis qu’au sol une douzaine de Cyclocolor prennent le relai des Mac Aura. Des PAR Led Zoom servent à l’éclairage des colonnes.
Trois des MagicBurst dans leur livreé blanche, prêt à tonner
Nous reculons maintenant jusqu’à buter sur le gradin. Les bords de scène accueillent encore une vingtaine de Robe Pointe, le plafond montre une douzaine de Mac Quantum et 8 BMFL se retrouvent à cheval entre l’éclairage du public et de scène, et 12 MagicBurst, les stroboscopes bibliques d’Ayrton, sont disséminés dans les hauteurs du kit.
Matrice de 64 (!) strobes led montés sur lyre infinie, ces panneaux aveuglant attendent de nous foudroyer. Plus attendus encore, deux cadres de 20 MagicPanel-FX sont installés dans les extrêmes latéraux.
Les dix MagicPanel-FX côté jardin. Zoom resserré le faisceau devient « carré », marque de fabrique de la gamme des MagicPanel
Ce renouveau du MagicPanel, avec ses 25 optiques bombées si particulières et son zoom 3,6°- 53 ° nous rend impatients.
Capable de passer d’un bâton extrêmement lumineux à une source protéiforme, ce projecteur imite à la perfection un blinder, un panneau graphique, un wash ou un stroboscope à led : les rotations pan/tilt infinies ne sont plus qu’un détail devant l’éventail des possibilités qu’il offre.
Un des deux poursuiteurs acrobates, rejoint son tapis volant.
En grimpant jusqu’à la régie on passe sous le pont des deux poursuiteurs en baquet, en saluant leur abnégation à passer plusieurs heures suspendus à leur Ivanhoé Robert Juliat.
Deux poursuites Cyrano 2,5 kW sont installées dans les gradins, au-dessus des régies, et six autres sur la passerelle en fond de salle, suivant un arc.
On aperçoit, surpris, encore quatre Ivanhoé en bas des gradins et en devant de scène. On nous apprend qu’elles sont réservées aux interventions en salle.
Rencontre de Jean-Philippe Bourdon
Enfin nous voilà au poste de pilotage de cet immense paquebot de lumière. En plein centre, coincé entre la GrandMA lumière et les retours vidéo, nous retrouvons Jean-Philippe Bourdon, devant son indémodable pupitre trad Jester. Il nous reçoit avec un grand sourire. Notre rencontre commence.
Rencontre avec le capitaine. Jean Philippe Bourdon, Directeur Photo du spectacle des Enfoirés.
SLU : Jean-Philippe, peux-tu nous expliquer ton cheminement pour concevoir la lumière d’un show télévisé comme celui des Enfoirés?
Jean-Philippe Bourdon : “Au début je m’intéresse plus à l’histoire du spectacle qu’à la captation. Je connais le métier de la télé assez bien maintenant pour pouvoir m’adapter, une fois ma base pour le spectacle construite, en gardant à l’esprit la multiplication des axes, et le public, qui m’imposent pas mal de machines en salle et de poursuites. En général je commence par un gros désordre, j’ai plein d’idées, j’en mets partout.
Ensuite j’épure suivant les emplacements et les conditions d’accroche. Je collabore avec Pascal Maillet, le directeur technique, qui a lui des impératifs de décors et de charpente : ici au Zénith de Toulouse, nous sommes arrivés avec huit tonnes en trop ! On a donc dû ranger un peu notre chambre (sourire). Ma conception n’est jamais figée, je me laisse la souplesse de changer ou de déplacer des machines, y compris pendant le montage si je me suis trompé. Pas évident pour les gars mais j’ai la chance d’avoir une équipe qui me suit avec bonne humeur (rires) !
L’équipage de la régie. De gauche à droite Serge Blin, chef poursuiteur, Cédric Parent, opérateur GrandMA2, Eve Ledunois, assistante lumière, Jean-Philippe Bourdon, directeur Photo et Cédric El Ghamraw, opérateur GdMA2 vidéo.
SLU : Sur ce show des Enfoirés, qu’as-tu comme prérogatives et comme défis ?
Jean-Philippe Bourdon : C’est moi qui choisis les projecteurs et leur implantation. Par contre il y a énormément de contraintes liées aux nombreux décors, qui prennent beaucoup de place, mais la conception est complétement libre dans la mesure où personne ne me donne de limites, artistiques ou techniques, hormis financières bien entendu.
Ensuite la deuxième contrainte est liée au fait que ce n’est pas le spectacle d’un seul artiste, mais un spectacle collégial avec des tableaux très différents.
Il faut implanter un système avec des possibilités très diverses pour pouvoir passer de l’intimiste au plein feu, et servir divers styles musicaux. Pour cela, il faut se donner un maximum de « crayons de couleurs », ce qui implique, sur cette scène de 50 mètres d’ouverture, beaucoup de projecteurs, contrairement à un spectacle plus ciblé musicalement. Enfin il y a la contrainte de la télévision. Nous avons 17 caméras, ce qui n’est vraiment pas commun et m’oblige à déployer le kit sur de nombreux axes. Donc humainement c’est libre, mais pour faire quelque-chose de cohérent il faut savoir travailler avec tout le monde et s’adapter aux contraintes à la fois du spectacle et de la télé.
Premier tableau sur fond révolutionnaire, explosion de lumière dans la salle et sur scène. Les Q-7 et les MagicBurst tonnent, les Quantum saturent le public, les Pointe tirent à blanc et à rouge, accompagnés par quelques BMFL Blade et des MagicPanel-FX ultra-concentrés. Les MagicDot-R résistent à cet assaut et font le lien avec le décor des scènes extérieures.
SLU : Es-tu libre de tes choix de projecteurs ?
Jean-Philippe Bourdon : Oui, et pour cette émission, on travaille très en amont pour assurer la disponibilité du matériel. D’habitude c’est une période calme mais cette année, avec l’approche des élections, c’était une horreur (rire). Mais nous avons réussi à bloquer les projecteurs par quantités. En plus les fournisseurs nous donnent un vrai coup de main et jouent le jeu des Resto du Cœur en nous prêtant du matériel, comme Axente avec Ayrton cette année. J’ai eu la chance de pouvoir découvrir leurs projecteurs pendant des démos privilégiées, dans des conditions optimum de noir, avec un opérateur pour répondre à mes demandes et du temps…
SLU : Tu as une relation particulière avec Ayrton ?
Moment collégial, sur fond de cirque et d’étoiles, avec des faisceaux moins graphiques et les premiers effets dans les Magic Panel.
Jean-Philippe Bourdon : Leurs projecteurs sont toujours particuliers, là où les autres fabricants suivent les tendances. Tout le monde a fait des Beams, puis des leds, maintenant des hybrides… Ayrton me surprend toujours avec ses produits comme les MagicPanel, les MagicDot ou les barres… , oui, les MagicBlade… qui permettent de faire plein choses… Alors quelquefois on cherche comment les utiliser, mais c’est tout l’intérêt. C’est plutôt atypique, mais ça répond toujours à des besoins au fond. Leur spécialisation dans la led, leurs idées plutôt originales… Cette entreprise a une gamme qui me plait beaucoup. Et puis avec des petites maisons à la Ayrton, on arrive à garder le contact, à proposer des idées. On peut manger avec eux, discuter, ce qui n’est plus le cas avec les grands groupes industriels.
SLU : Tu as pu intégrer leurs nouveaux projecteurs dans ton plan de feu cette année…
Jean-Philippe Bourdon : C’est exact. J’ai eu la chance d’utiliser vingt du dernier MagicPanel-FX. Je n’avais pas envie de les disperser dans le kit. Je n’en avais pas assez pour faire une grosse matrice au centre, et c’était difficile de les insérer dans les cerces du décor central, mais ça comblait parfaitement mes besoins sur deux zones en latéral assez compliquées à équiper.
Avec seulement dix MagicPanel-FX, j’occupe parfaitement l’espace. Je peux à la fois les jouer en effet, en pixel mais aussi comme de fortes sources latérales pour attaquer la scène. Le zoom, que j’aime beaucoup, apporte une grande souplesse d’utilisation. Et le fait d’élargir les faisceaux, et d’utiliser la matrice en point, permet à tout le public de voir la même chose, sans privilégier l’axe régie. C’est un produit que j’aimerais bien retrouver à l’avenir.
Transition sur la scène talk survolée par un bataillon de MagicPanel-FX lavande. À chaque changement de tableau, on voit les machines se mettre en place.
SLU : Je vois que tu as aussi des MagicBurst ?
Jean-Philippe Bourdon : Il y en a douze, répartis dans la salle, et je les utilise à pleine puissance… J’avais un peu peur (rire) car pendant les démonstrations, quand ils se sont allumés, j’ai cru devoir changer de métier, je n’y voyais plus rien ! Mais dans un Zénith, avec le brouillard, la hauteur et le reste du kit on peut les utiliser sans problèmes, la puissance est vivable. (Le brouillard est assuré par six DF-50, le Zénith de Toulouse étant une des plus vaste salles de France, NDLA)
Le blanc du Burst est assez joli, moins froid que celui des autres strobes à leds que l’on rencontre, et la machine est très modulable, avec une matrice très large, qui arrose bien. Je n’ai pas beaucoup utilisé les mouvements de lyre, juste deux ou trois positions pour passer de la scène au public… pour moi ce n’était pas ici un contexte pour les faire tourner en continu. J’ai toujours aimé les strobes. À la grande époque de Taratata, c’était la mode des Atomic 3000 et on y allait à fond… Après on a pris la mesure des risques de crises d’épilepsie et on les utilisait par petites touches, plus discrètement.
Tal affronte seule le public sur du Mickael Jackson et remporte la manche. Sur les parties musicales pures Jean-Philippe Bourdon oublie la captation et restitue un éclairage typique de tournée, épuré, très graphique et saturé. Les strobes, en particulier les MagicBurst, scandent les refrains du King of Pop.
SLU : Tu travailles systématiquement avec B-Live ? (Le groupe auquel appartient Phase4, qui fournit le matériel d’éclairage sur une majorité d’émission TV dont celle-ci, NDLA)
Jean-Philippe Bourdon : B-Live possède l’outil le plus approvisionné et le mieux construit pour mon travail. Ils sont à l’écoute pour les investissements… Ce n’est pas une règle immuable mais nous avons toujours une relation privilégiée avec eux. Avec Fred Dorieux, on doit assurer 50% de leurs émissions je pense.
La place est des plus étroite entre les voiles de fond et le décor, hormis pour les Q-7 et MagicDot-R.
SLU : Comment as-tu traité ce grand décor, tout en interstices et en volutes, à l’arrière scène ?
Jean-Philippe Bourdon : Il y a très peu de place à cet endroit. Entre le rideau de fond et le treillis du décor on a moins de 40 cm de profondeur. J’y ai glissé pas mal de MagicDot-R car ils ont l’avantage de passer partout, d’être légers, et d’exister quand même face aux grosses sources. J’aurais aimé utiliser les MagicDot–FX. Avec leur zoom, ils auraient été parfaits, mais ils n’étaient pas encore disponibles.
Il y a aussi toute une matrice de SGM Q7, une bonne alternative en strobe à led. Alors que d’autres constructeurs ont fait des machines très lourdes, Le Q-7 ne pèse que 8 kg, il s’accroche partout, il est polyvalent et fait bien son travail.
SLU : On remarque aussi une forte prédominance des spots Robe…
Jean-Philippe Bourdon : J’aime bien le Pointe, c’est une machine un peu plus polyvalente que le Sharpy grâce à son ouverture à 20°. Il me permet de sortir plus facilement de l’effet « toile d’araignée », même si j’en ai fait beaucoup. En plus il est compact et très fiable, comme tous les Robe.
Rien ne résiste aux lames scintillantes des Pointe…
… avant leur métamorphose en prisme nocturne. Les contres sont assurés par les BMFL Blade.
Une des rares occasions de voir les BMFL Blade jouer du prisme, mais aussi du gobo tournant sur les engrenages du décor, avec un pattern qui s’y associe remarquablement bien.
J’utilise aussi des BMFL, et les Blade ont ma préférence. Les couteaux sont pour moi indispensables pour travailler les décors et cadrer les artistes, et ceux du BMFL sont aussi précis que fiables et j’adore son coffre, sa puissance.
Je les utilise un peu en contre et surtout à la face en complément des poursuites. Leur possibilité d’angle plus piqué m’évite d’aller taper dans les écrans.
De plus, ici à Toulouse, les poursuites sont assez basses, avec des artistes souvent perchés ou suspendus dans les airs, là encore je les rattrape avec les BMFL.
SLU : Les poursuites sont en lumière du jour ?
Jean-Philippe Bourdon : Oui, je fais passer quelquefois un huitième de CTO pour réchauffer les visages mais pas plus, pas de minus-green ou autres. Par contre leur travail est assez ardu. Avec le nombre d’artistes sur scène, pour pouvoir « lire » celui ou celle qui intervient, et comprendre l’histoire, on joue beaucoup avec les intensités et la colorimétrie. J’ai un chef poursuiteur, Serge Blin, ici en régie qui lit les conduites et donne tous les tops. Je coordonne les envois principaux mais je ne pourrais pas gérer les dix poursuites constamment pendant le show.
Au premier plan, Serge Blin, le chef poursuiteur a fort à faire avec ses dix poursuites à toper
Bénedicte Hume, une des rares poursuiteuses en télé, derrière sa Cyrano.
SLU : Je vois des Mac Aura et Quantum Wash, tu as abandonné les Studio Color ?
Jean-Philippe Bourdon : Oui, définitivement Ceci dit après les avoir utilisés durant toutes ces années, je dois avoir la médaille de l’endurance (rire). J’ai fini par les remplacer par des Mac Aura et des Mac Quantum. Leur légèreté est pratique, dans de nombreux lieux où on est vraiment confronté à des problèmes de poids, comme au Zénith de Paris. Sur le carré central, on n’a plus assez de charge utile pour accrocher des 2000XB par exemple.
Mais ce n’est pas seulement un choix de raison car sur certains aplats de couleurs, les bleus, les rouges, on gagne vraiment en densité et en homogénéité. Après je trouve qu’on a perdu un peu la poésie des faisceaux, c’est un peu trop parfait. En anciennes machines j’ai conservé quelques VL3000, au sol et dans les coins pour des effets de contre-jour, près des musiciens et des artistes. Je garde aussi souvent une base traditionnelle, avec pas mal d’ampoules intégrées dans les décors, autour des musiciens et des F1 disséminés un peu partout.
SLU : Tu as aussi beaucoup de Mythos dans la salle, regroupé en packs ACL.
Jean-Philippe Bourdon : Oui, j’utilise ici les Mythos de façon un peu « rustique », très graphique, pour structurer la salle. Si on fait le compte de toutes les sources j’ai près de 750 automatiques, et une centaine de cellule de trad. Ca me permet de travailler par types de machine. Je n’ai pas besoin de décrocher une machine de la face pour faire de l’effet et inversement. Ça facilite le travail de mes opérateurs car notre planning était serré : une journée de pré-prod, deux jours et demi de montage pour livrer presque vingt tableaux et une quinzaine d’intermèdes par soirée… on n’a pas chômé (sourire) !
Le plus gros décor du show, pour le plaisir des BMFL Blade. Les MagicPanel-FX essaient de se faire discrets en imitant des ampoules.
SLU : En fait le kit lumière se compose de projecteurs très versatiles non ?
Jean-Philippe Bourdon : Je ne peux pas avoir de machines trop spécialisées. Il faut qu’elles soient polyvalentes comme les Mythos, les BMFL ou encore les MagicPanel-FX, pour que je puisse répondre à des ambiances complétement différentes. Mais je ne veux pas non plus de ces engins hybrides, ceux qui font tout, wash, beam, spot, mais pas très bien. Je préfère des projos polyvalents, avec une bonne focale, un bon rapport de zoom et un frost intelligent, ou deux, petit et large, pour faire des jonctions propres sur les décors.
SLU : Mais ce large panel de marques ne pose pas de problèmes en colorimétrie ?
Jean-Philippe Bourdon : C’est toujours bien d’avoir différents projecteurs, cela amène aussi une souplesse d’utilisation intéressante mais effectivement, les différences de modes de colorisation entre les marques peuvent se révéler embêtantes. On arrive toujours à raccorder les couleurs des projecteurs à trichromie soustractive, mais avec les projecteurs à led en trichromie additive, même si j’utilise du haut de gamme équipé en Osram, comme le Quantum Wash ou les lyres Ayrton, faire un beau blanc est toujours compliqué. Et ce sont les machines les plus performantes du marché, qu’on peut traduire aussi par les plus chères (rires)!
Comme un air de Taratata, remixé par toute la puissance des Quantum Wash en bâtons rouges face à l’union crue des Mythos, Pointe et BMFL.
Il y a encore des soucis avec les spectres d’ondes incomplets des diodes en blanc. En couleur ça passe mieux. Sur ce kit, les bains de led sont calibrés et j’ai séparé les projecteurs par utilisations : le public et les aplats de décors sont traité en Martin, les effets en Ayrton qui tous deux en RGBW sont très souples en couleur. Par contre avec les produits de milieu ou bas de gamme c’est l’enfer, dans les teintes c’est l’arc-en-ciel, y compris sur une même série.
SLU : Tu peux nous détailler les soucis que tu rencontres avec la trichromie additive des leds ?
Jean-Philippe Bourdon : Les couleurs générées par les leds sont très denses, ce qu’on n’avait pas avec les lampes à décharge. Leurs diodes génèrent des fréquences très fortes aux limites du spectre, dans l’infra-rouge et l’ultra-violet. Or en télé, les caméras n’ont pas la dynamique suffisante pour prendre des niveaux de chroma qui excèdent la tolérance des capteurs.
Et dès qu’on arrive à saturation, on perd des informations dans l’image. On doit donc baisser considérablement l’intensité des projecteurs pour retrouver du détail ; ça nous amène à des situations un peu bizarres avec des projecteurs réglés à vingt pourcent en rouge ou en Congo. On ne voit plus l’effet à l’œil mais à l’écran ça marche. Les ingés vision ne peuvent pas y faire grand-chose, à part un peu jouer sur les gammas.
Un tableau de transition dont le style se répétera souvent. Pointe en position voûte, Mythos en pack ACL, Q-7 et décor bleuté, MagicDot-R et BMFL costumés en halogène. C’est durant ces moments sans plein feu, avec un artiste pris à la poursuite, que les machinistes s’affairent, des fois pendant plusieurs longues minutes pour changer le set-up de la scène.
SLU : Pour contrer ce problème de spectre, certains constructeurs comme ETC ou Robe proposent des projecteurs à 5 ou 7 couleurs. Qu’en penses-tu ? Les as-tu essayés ?
Jean-Philippe Bourdon : Je n’ai pas eu l’occasion de les tester plus que cela, en tout cas pas dans des conditions adéquates. Mais j’ai utilisé des spots à leds blanches au théâtre, avec une trichromie à disque (comme sur les automatiques à décharge, NDLA), et ce concept me plait bien. La source blanche à plus de puissance au départ, est plus homogène et il y a moins de saturation dans les couleurs…
Il y aura toujours ce débat sur les modes de trichromie. La mode aujourd’hui est aux disques dichroïques très denses et les mélanges sont lourdingues, sans nuances. Et puis les lampes montent maintenant très haut en température (de couleurs NDLA), c’est facile, ça améliore le rendement, mais à 8000K on perd toute chaleur, 6000K devrait être un maximum.
Vous pouvez accéder directement à la 2ème partie de l’article avec le lien ci-après : le contrôle des éclairages
Les plans de Feux ci-après :
Scene 3D Face
Detail 3D Matrice fond
Detail 3D scene cour
Detail 3D scene Jardin
Implantation generale
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