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La vidéoprojection dans tous ses états. Part Three: Mettez de l’optique dans votre moteur! LCD part 2

Texte et Illustrations : JP Landragin

Divers défauts affectent les premiers systèmes de vidéoprojection LCD. Dans une approche plus pratique, on détaille les améliorations et évolutions qu’ont connues ces systèmes, comment ils sont mis à l’œuvre dans les projecteurs, et quelles performances ils offrent.

Le panneau LCD 4K de 1,64” annoncé par Epson en novembre 2009.

Dans la précédente partie, nous avons exposé ce qu’est un cristal liquide et par quels mécanismes il peut agir sur la lumière d’une manière contrôlée par un signal électrique.
Nous avons détaillé la version la plus simple à mettre en œuvre (la configuration TN) et expliqué les méthodes permettant d’adresser des lames capables de moduler la lumière organisée en matrice de points.

Toutefois, nous avons constaté que divers défauts affectent ces dispositifs. Dans cette épisode, nous serons beaucoup plus concrets et pratiques, nous allons voir les améliorations et évolutions qu’ont connu les systèmes LCD et comment ils sont mis en pratique, concrètement, dans les projecteurs.

Tableau des acronymes utilisés

Normalement noir ou normalement blanc ?

Telle que nous l’avons décrite, la lame LCD TN munie de polariseurs croisés est « normalement blanche ». C’est-à-dire que, en l’absence de tension appliquée, elle laisse passer la lumière totalement (autant que le permettent son ouverture et la transparence des différents éléments qui la constituent). En effet, les molécules nématiques sont influencées au maximum par les couches d’orientation et ont donc leur configuration en hélice, avec pour conséquence une rotation de 90° du plan de polarisation de la lumière qui traverse la lame.
Par conséquent, le polariseur de sortie laisse passer la lumière émergente. Pour obtenir du noir, il faut appliquer une forte tension de manière à ce que toutes les molécules soient alignées en position transversale (dite « verticale »). Selon certains auteurs, un certain nombre de molécules seraient « indisciplinées », avec un certain désordre au voisinage des couches d’alignement (voir encadré), rendant le comportement de l’ensemble légèrement inhomogène et provoquant une légère diffusion de la lumière à l’origine d’un noir imparfait (ce qui résulte en un contraste médiocre). De fait, ce noir imparfait a longtemps fait partie des reproches formulés à l’encontre de la technologie LCD.

LCD : tout est une affaire d’alignement !
Comme nous l’avons vu, les performances optoélectroniques d’une matrice à cristaux liquides dépendent en grande partie de la précision et de l’homogénéité de l’alignement des molécules, avec l’absence de comportements aléatoires et de discontinuités (domaines). La qualité de cet ancrage est liée à la nature du mélange qui constitue le milieu optiquement actif et au traitement particulier des surfaces en contact avec lui (couches d’alignement).

Une méthode bien connue pour orienter des cristaux liquides nématiques dans une direction privilégiée parallèle au plan d’interface consiste à pratiquer de fins sillons à la surface du verre, sur lequel a été déposée une couche micrométrique de polymère organique (essentiellement polyimide). A partir de la méthode d’origine consistant à la frotter avec un papier, les méthodes industrielles ont évolué vers l’utilisation de rouleaux recouverts de fins velours.

Figure 5 : Comportement des molécules d’un LCD TN soumis à la tension maximale au voisinage de la couche d’alignement. On constate que les molécules passent de la position d’ancrage à la position verticale à une distance plus ou moins grande selon diverses irrégularités. Cette inhomogénéité du comportement est à l’origine d’une qualité insuffisante du noir.

L’effet de ce « frottage » (rubbing) est double : mécanique et moléculaire (les longues molécules de polymère tendent à s’aligner dans la direction des sillons). Ainsi, il a été démontré que le mécanisme d’orientation des molécules de cristal liquide est double, l’interaction entre les molécules de polyimide et de cristal liquide étant prépondérante, bien que négligée à l’origine.
Cette méthode un peu archaïque présente plusieurs inconvénients : D’une part elle engendre des irrégularités et des particules à l’origine d’une dégradation du contraste (voir figure 5).
Elle doit se réaliser en salle blanche. Elle génère aussi de l’électricité statique qui provoque des défaillances dans la matrice TFT et induit des pixels défectueux. De plus, le matériau organique est sensible au rayonnement lumineux (notamment UV) et aux températures élevées.

D’autres procédés d’alignement sont donc préférés. C’est un sujet de recherches encore assez actif. Ainsi, on s’est tourné vers des alignements photo-induits (photoalignement dans des couches organiques à l’aide d’une lumière UV polarisée), mais aussi vers des matériaux d’alignement non organiques.

Figure 6 : Définition de l’angle au voisinage de la couche d’alignement (pretilt angle). De cet angle résulte le compromis entre le contraste et le temps de réponse.

Les matrices pour la projection exploitent donc largement l’alignement vertical, avec des couches d’alignement constituées de silice (SiO2) ou SiOx pulvérisée sous vide sous incidence oblique. L’épaisseur est nanométrique. La silice est d’une composition chimique très proche du verre et résiste donc très bien aux températures élevées et à toutes sortes de rayonnements.
Un paramètre important est l’angle des molécules avec la surface du verre, appelé « pretilt angle » (voir figure 6). Une certaine inclinaison est indispensable pour garantir la régularité de l’évolution de l’orientation des molécules dans la direction transversale, mais aussi empêcher la formation de domaines incontrôlés.


Pour y remédier, on utilise désormais des matrices LCD à alignement vertical. Les couches d’ancrage inorganiques sont telles que les molécules sont ordonnées en position verticale (c’est-à-dire perpendiculaires aux faces de la cellule) en l’absence de tension appliquée. La lumière n’étant pas modifiée lors de son passage, elle est donc bloquée par le polariseur de sortie.
Le LCD est « normalement noir ». On utilise des cristaux liquides à anisotropie diélectrique négative, de sorte que les couches d’orientation ont une influence qui diminue à partir d’un certain seuil de tension appliquée et devient de plus en plus faible lorsque la tension augmente, jusqu’à un maximum dans laquelle les molécules sont en position parallèle aux faces de la cellule. Un dopage particulier du matériau induit une configuration TN avec une rotation de 90°.
Le bénéfice revendiqué est un niveau de noir plus bas, donc un contraste très amélioré, et une réponse plus régulière (voir figure 1). De plus, les fabricants évoquent aussi une plus grande robustesse, notamment vis-à-vis du rayonnement ultraviolet et des flux de lumière élevés.

Figure 1 : Réponses électro-optique d’un LCD en hélice (TN), normalement blanc (à gauche) et d’un LCD à alignement vertical (VA), normalement noir (à droite). Ce dernier présente une transition moins abrupte avec un noir plus profond.

Haute définition et MLA

La tendance générale est à réduire les dimensions des panneaux LCD utilisés en vidéoprojection (on est actuellement autour de 0,7 pouces de diagonale, soit environ 18 mm, voire un peu au-dessous, pour des micro-écrans LCD HD 16/9 ou 2K). Pour les résolutions élevées et très élevées, il en résulte une ouverture médiocre.
Pour cette raison, il est fréquent d’utiliser des réseaux de micro-lentilles (MLA, Micro-Lens Array), qui permettent de concentrer la lumière dans la partie centrale de chaque cellule afin d’éviter la perte liée à l’obstacle constitué par le réseau de connexions métalliques (voir figure 2).

Figure 2 : Comparaison d’une structure LCD standard (à gauche) et d’une structure LCD UHA (Ultra High Aperture). Grâce au réseau de micro-lentilles (MLA), le dispositif n’utilise que la partie centrale de chaque cellule. La structure UHA s’affranchit donc de tous les obstacles interposés sur le chemin optique du panneau LCD conventionnel et, au contraire, se permet d’ajouter des écrans noirs pour bloquer toute lumière parasite et améliorer ainsi le contraste intra-image.

Il s’agit d’un travail de haute précision qui renchérit notablement le coût des matrices, mais il a deux mérites importants : le premier est d’améliorer l’ouverture et de permettre de continuer à réduire les dimensions des micro-écrans tout en conservant une ouverture acceptable (typiquement de l’ordre de 60% pour les plus hautes définitions), le second est d’effacer presque complètement les limites des « pixels » et de rendre quasiment invisible la structure de l’image, d’où un confort visuel accru.

Moteur optique à cristaux liquides LCD

Le moteur optique LCD est toujours à trichromie simultanée. Il comprend donc trois matrices. Un jeu de miroirs et de dichroïques réalise la séparation des primaires R, V, B et leur orientation sur chaque micro-écran transmissif (voir figure 3).

Figure 3 : Moteur optique LCD (il s’agit d’un schéma de principe, certains éléments auxiliaires n’étant pas nécessairement représentés. Les panneaux LCD sont collés sur le prisme (POP) et l’ensemble est habituellement enfermé dans un bloc hermétique.

Avec l’adoption du prisme à diagonales collées pour la fusion des faisceaux modulés dans les trois couleurs, les moteurs optiques à LCD sont simples et compacts et ne nécessitent aucun réglage particulier.
Les matrices peuvent être fixées au prisme avec précision en usine et collés sur le prisme POP), de manière à éviter les problèmes de superposition des couleurs et leurs éventuelles dérives.

Par ailleurs, le moteur optique lui-même n’étant pas le siège d’importante dissipation de chaleur, il peut être scellé. Toutefois la température à laquelle les matrices peuvent être soumises doit être limitée. Deux polariseurs sont accolés à chaque matrice LCD (un sur chaque face). L’utilisation de matrices HTPS à couches d’alignement inorganiques permet d’espérer une durabilité accrue, surtout avec les nouvelles sources solides, qui garantissent l’absence d’ultraviolet dans le trajet optique.

LCD et polariseurs

Divers procédés permettent d’obtenir une lumière polarisée en filtrant la lumière naturelle (non polarisée) selon un axe de polarisation déterminé. Les procédés les plus simples sont la réflexion sur un dioptre (surface de séparation entre deux milieux d’indices de réfraction différents) ou le passage au-travers d’une grille très fine de traits ou barreaux parallèles (par exemple du métal déposé sur un substrat transparent ou gravé par photolithographie). On utilise aussi des films plastiques contenant de longues molécules de polymères alignées parallèlement.

Figure 4 : Principe d’un polariseur à haut rendement à recyclage de polarisation. Il se complète d’une optique à facettes conçue de manière à ce que la lumière de la source ne passe que par une lame semi-réfléchissante sur deux.

Si on se contente d’utiliser de manière brute les matrices LCD munies de leurs polariseurs (forcément assez basiques puisque miniaturisés et intégrés), on perd inévitablement au moins la moitié de la lumière, si la source n’est pas naturellement polarisée (ce qui est le cas des projecteurs à lampe).

Aussi, pour éviter cette perte, il est utile d’insérer à la sortie de la source (à lampe) un polariseur plus conséquent, permettant d’introduire dans le moteur optique une lumière prépolarisée avec un rendement proche de 100%.
Le principe consiste à séparer les polarisations par réflexion, puis convertir la polarisation qui est normalement perdue au moyen d’une lame à biréfringence circulaire pour l’injecter dans le chemin optique. Le polariseur résultant est associé à une optique à facettes et structuré en facettes ou en persiennes (voir figure 4.).

Conclusion : avantages et inconvénient de la technologie LCD

La technologie LCD étant éprouvée depuis de longues années et particulièrement économique, elle a été copieusement décriée et attaquée, les partisans de technologies plus onéreuses multipliant les arguments pour la décrier. On lui reproche, en vrac, une colorimétrie médiocre, un vieillissement prématuré, un contraste insuffisant, des pixels trop visibles, etc.
En revanche, ses défenseurs et promoteurs, en tête desquels on compte Epson, l’un des principaux fabricants de panneaux LCD pour la projection et détenteur d’une multitude de brevets en la matière, a toujours su trouver la parade et faire des démonstrations parfois éclatantes de la compétitivité de cette technologie. Le LCD reste donc la solution privilégiée pour les applications d’entrée de gamme et de moyenne gamme.
Elle culmine à 25 000 lumens avec un contraste natif de 4 000 en résolution WUXGA 16/10 et « pseudo-4K » (voir encadré), avec une source laser-phosphore et trois panneaux LCD de 1,43 pouce (Epson EBL25000U). L’ensemble des spécifications est assez comparable à celui de la technologie directement concurrente (qu’on verra plus tard), avec une équation économique peut-être plus favorable.

Vrai et faux 4K
Dès novembre 2009, Epson a annoncé la production d’un micro-écran LCD HTPS de résolution native 4K (4096 x 2160) et d’une diagonale de 1,64 pouce (un peu plus de 40 mm), avec drivers intégrés (voir photo d’ouverture). Toutefois, les projecteurs LCD de résolution native 4K restent rares, et la résolution 4K annoncée est plus souvent le fruit d’une « amélioration » d’image à partie de matrices 2K (2048 x 1080).

Le principe est simple : il consiste à projeter successivement, pendant la durée d’une image « normale », deux images 2K décalées en diagonales d’un demi-pixel par un procédé optique (voir figure 8). Effectuant une intégration par l’effet de persistance, l’œil ne perçoit qu’une seule image avec une amélioration subjective de la résolution.
En fait, il ne s’agit que d’un subterfuge, l’image obtenue n’est pas une vraie image 4K (contenant 8,8 Mpixels), mais une image contenant 4,4 Mpixels. On notera que ce subterfuge n’est pas propre à la technologie LCD et qu’on pourra le retrouver avec les autres technologies de micro-écrans.

Figure 8 : Fraction d’image 4K native (à gauche) comparée à la même fraction d’une « fausse image 4K » (à droite), obtenue par superposition de deux images 2K décalées d’un demi-pixel en diagonale.

La suite : Les LCD fonctionnant en transmission ont fourni la technologie qui a réellement permis la démocratisation de la projection vidéo. Aussi est-elle souvent considérée comme « bas de gamme », mais conserve toujours une part importante du marché. Cela étant, elle n’est pas la plus ancienne, puisqu’elle a été précédée, historiquement, par des LCD fonctionnant en réflexion. Moins en vogue mais toujours en pointe, cette technologie est toujours d’actualité et fournit des résultats de grande qualité, c’est ce que nous allons vous montrer dans l’épisode suivant.

Pour en savoir plus (peut-être) sur :

  • Le site 3LCD
  • Polarization Engineering for LCD Projection – Michael D. Robinson, Gary Sharp, Jianmin Chen – Wiley (2005)
  • On the Control of Nematic Liquid Crystal Alignment – Rasha Ata Alla – Thèse de l’université de Göteborg (2013)
  • Verticaal gealigneerd nematisch vloeibaar kristal in microbeeldschermen voor projectietoepassingen/ Vertically Aligned Nematic Liquid Crystal Microdisplays for
  • Projection Applications – Dieter Cuypers – Thèse de l’université de Gand (2005)

Et avec les épisodes précédents :

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