Si les débuts ont été confidentiels, L-ISA est désormais largement employé et le nombre de techniciens concevant, pilotant et mixant avec ce type de configuration ne cesse d’augmenter. Nous sommes allés à l’AccorHotels Arena écouter les adieux immersifs d’Ennio Morricone.
La scène a beau être très grande, entre les 70 musiciens de l’orchestre et les plus de 80 choristes, les places sont chères et il en va de même sur l’immense parterre de l’AccorHotels Arena tapissé de chaises qui trouveront toutes preneur pour voir une dernière fois le Maestro à l’oeuvre.
84 Kara, 18 K2, 8 KS28, certes beaucoup de bois, mais une fois en l’air, il ne reste que du plaisir…
Le déploiement L-ISA est assez classique pour une musique qui l’est tout autant, un Wide étendu, entendez par là 5 lignes de 12 Kara couvrant la largeur de la zone comportant des sources à localiser, dans notre cas la scène toute entière et deux dernières lignes toujours de 12 Kara en complément débordant largement du cadre, les « extended ».
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Le point de chant avec le désormais habituel Schoeps et une paire de 115XT HiQ. A droite l’emplacement d’Ennio Morricone avec une paire de 5XT et de 115XT HiQ. Enfin pour les premiers rangs, une Kara qui a bien bourlingué.
Les extérieurs sont composés de 9 K2. Les subs, des KS28, sont au nombre de 8 en montage 4 x 2 end fire et cardioïde, et sont placés derrière la ligne centrale de Kara.
La diffusion de proximité comporte 5 Kara discrètement posées sur des fly drapés en noir et deux extérieurs en 12Xt viennent apporter un peu de son sur les côtés. Des délais constitués d’ensembles de 4 Kara, complètent la diffusion au lointain.
Quelques retours en 115XT HiQ, 5XT et 8XT sont placés face au point chant en Schoeps, sur le mini podium du Chef d’orchestre, dans l’orchestre lui même et enfin aux quatre extrémités des choeurs.
La plus belle image de l’amitié franco-italienne, entre Marcoussis et l’Aquila ! De gauche à droite Giulio Rovelli, le Crew boss d’Agorà, Stefano Guidoni Tech son, Domenico Cerqua Tech son, Fabrizio de Amicis AKA Scoglio Chef monteur, Maxime Menelec, Andrea Tesini Tech son, Florent Bernard, Etienne Corteel et enfin Fred Bailly. Tous les italiens sont d’Agora et tous les français sauf un…sont de chez L-Acoustics !
Le prestataire est l’italien Agorà exploitant un design d’Auditoria, la boîte de Scott Willsallen avec une mise en œuvre et un calage de Maxime Ménélec auquel on a posé quelques questions. Bien sûr !
SLU : C’est Scott qui a fait le design mais il nous semble que tu as déjà travaillé pour Morricone en L-ISA.
Max : Oui, j’ai fait le premier design pour des dates italiennes, Scott en a fait un second pour faciliter la transition entre Purple Group qui a été le prestataire pour l’Europe de l’Est et Agorà pour les dates suivantes. Comme je collabore beaucoup avec ce grand prestataire italien, je reprends le tout pour trois dates : Paris, Bruxelles et Londres. C’est pour ça que nous avons ce soir un mix de matériel issu ces deux gros prestataires.
Heureusement que le bois n’a pas le vertige. Un des renforts en Kara pour le lointain tout là-haut et donc accroché…tout là-haut
SLU : Combien de temps ça prend pour mettre en œuvre ce type de configuration ?
Max : Ca va vite. J’étais sur site à 7h et à 10h30 tout était en l’air.
Agora a des équipes vraiment impressionnantes, des salariés adorables que je connais pour les pratiquer souvent sur d’énormes tournées italiennes et qui sont d’une redoutable efficacité, je pense notamment à Fabrizio de Amicis AKA Scoglio qui est le Chef monteur et Giulio Rovelli qui est le Chef d’équipe. Ils sont à quatre plus deux personnes de Purple.
SLU : Pourquoi des délais, les Kara du main étaient trop courts ?
Max : Non, je pense qu’on aurait pu couvrir toute la salle sans difficulté. Il ne faut pas oublier qu’avec L-ISA on n’est plus dans une configuration interférentielle, du coup les portées sont beaucoup plus importantes. Les délais ne servent que pour les dix derniers rangs de sièges tout en haut.
SLU : Le passage entre le déploiement L-ISA en Kara et les side en K2 est très bon en phase, en couleur et en niveau.
Max : Je n’ai jamais eu de problème avec L-ISA. Les K2 reçoivent du processeur un mono mixdown qui permet aux gens complètement sur le côté d’avoir un rendu complet. Les K2 sont ouverts à 110° afin de répondre à l’ajout de sièges latéraux. Tout ce qui est mis en œuvre aujourd’hui est parfaitement conforme aux préconisations L-Acoustics.
SLU : Comment gères-tu la verticalité et l’image sur scène ?
Max : Avec la hauteur des lignes. Je suis ici plus bas que d’habitude, à 9,50 m. pour ramener encore plus l’image sur scène et ça marche. L’accrochage qu’on a entendu (à 190 Hz, notre dictaphone enregistre tout, le vilain NDR) était dû à un front fill et pas au système (rires) On a moins de problèmes d’accrochage avec L-ISA qu’avec un gauche / droite classique qui somme au centre et fait partir tous les micros qui s’y trouvent.
La régie son avec à gauche le double rack L-ISA, le territoire de Max et à droite la SD7 DiGiCo de Fabio avec son outil d’immersion, une Lexicon 960. Dommage de ne pas avoir exploité le potentiel du processing disponible depuis la version 1.9…
SLU : Le patch est de combien ?
Max : Pas loin de 100. Un certain nombre d’instruments sont repris individuellement ce qui permet de mieux les discriminer par objet. Fabio (Fabio Venturi, Ingé son studio et live de Ennio Morricone depuis 20 ans NDR) préfère par ailleurs travailler avec sa Lexicon 960 plutôt qu’avec la nouvelle réverbération de L-ISA, c’est un choix personnel.
Nous profitons des répétitions avant même l’arrivée du Maestro pour nous balader dans la salle et comprendre le design et ses choix. Comme pour tout concert qui se respecte, les premiers rangs sont les moins bien servis et il faudra se contenter d’une sommation mono sur les 6 premiers rangs. Dès le 7è en revanche l’horizon s’illumine et, magie d’un bon calage, on ne prend pas de douche et garde une image crédible sur scène, cette dernière s’ouvrant en revanche nettement. Au 9è rang l’image s’étale et la magie du mix dans l’air opère. La salle est vide et le grave se cherche un peu, mais tout rentrera dans l’ordre à salle pleine.
Ennio Morricone, sans doute pour sa dernière apparition à Paris.
17h45, Ennio Morricone arrive accompagné par sa femme qui le couve comme le Maestro qu’il est. Une poignée de main virile au premier violon, un sourire généreux à la cantonade et en avant les balances, et des vraies. Il porte ses 91 ans comme certains la moitié moins !
L’occasion est trop belle pour découvrir le dispositif sonore au lointain avec désormais aussi les choeurs. Le rendu est bon, juste en bout de salle au fur et à mesure que la distance augmente des boîtes, la précision et le niveau de l’aigu baisse un peu, un phénomène normal. Il en va de même dans une salle de concert où, en plus, le ratio entre son direct et réfléchi bascule rapidement en faveur du second.
Fabio Venturi, le mixeur d’Ennio Morricone, qui connecte le talent d’Ennio Morricone à son public depuis 20 ans.
Nous avons très hâte d’écouter dans une salle qui s’y prête, le potentiel de la nouvelle réverbération « maison ». L’Arkea Arena de Bordeaux semble un candidat très crédible ;0)
La captation fait la part belle aux cordes et aux choeurs, de même qu’au reste de l’orchestre acoustique qui sont très bien reproduits tant qu’ils jouent mezzoforte ou en dessous. Le grave des cordes est bien présent et remplit bien son rôle.
Les choeurs sont magnifiques et respirent très largement, surtout dans les parties les plus douces en revanche les instruments plus modernes ou carrément électroniques présents sur certains morceaux sont soit très en avant, soit très en retrait. La dynamique semble très libre.
Un certain nombre de têtes marcousiennes favorablement connues par nos services telles que Flo Bernard, Fred Bailly ou Mary-Beth Henson arpentent l’AccorHotels Arena. Nous jetons malgré tout notre dévolu sur Etienne Corteel présent dans la régie pour faire le point sur L-ISA et au passage mieux le connaître.
Etienne Corteel en charge de la communication scientifique et plus si affinités. Et elles ne manquent pas !
SLU : Tu es L-Acousticien depuis à peine deux ans. Quel est ton poste ?
Etienne Corteel : En français je m’occupe de la Communication scientifique, mais je préfère la définition anglaise qui est le Scientific outreach. Je dépends de la R&D et mon rôle est développer la partie éducation et recherche pour une application éducationnelle. Une partie de cette littérature va sortir vers la communauté scientifique extérieure afin de mettre en valeur nos développements et consolider nos méthodologies.
On a publié en octobre 2018 à l’AES un White Paper sur l’utilisation du sub central (le montage type employé pour L-ISA NDR) comparé à divers montages au sol.
La bonne nouvelle c’est que le sol contribue toujours, même si on accroche les subs et surtout au lointain, où l’effet se révèle être le même qu’avec des subs posés. On démontre aussi, chiffres à l’appui, qu’à nombre d’enceintes égal, on a 6 dB de plus avec un sub central accroché qu’avec un arc sub !
SLU : Tu t’occupes aussi de la formation aux produits ?
Etienne Corteel : Absolument ! On met régulièrement à jour les logiciels Soundvision, LA Manager et on est en train de revoir en profondeur le training des systèmes fondamentaux. On complète l’oeuvre de formation et, tu peux imaginer sur quoi on travaille (sourire).
SLU : Combien de techniciens se font former chaque année par L-Acoustics ?
Etienne Corteel : Environ 2500 personnes par an mais en 2019 on montera à 6000 toutes formations confondues et ce, dans 50 pays.
SLU : Qu’est-ce qui a changé dans l’offre L-ISA depuis son lancement ?
Etienne Corteel : Nous avons beaucoup travaillé sur la réverbération interne qui est désormais entièrement issue de notre R&D et plus du GRM. C’est la version 1.9. Elle est scalable dans les grands espaces.
Les réverbérations standard ne sont pas prévues pour gérer la précédence, la notre oui, c’est à dire que dans une salle, quelque soit sa taille et où que l’on soit, la précédence est toujours donnée au son direct, où que ce dernier soit placé, et cela est valable pour tout le public. On a déposé un brevet sur cette technologie appelée Precedence Safeguard.
SLU : Il y a assez de ressources dans le processeur ?
Etienne Corteel : Bien sûr, le traitement est appliqué à toutes les sorties et le processeur sachant la disposition des enceintes, adapte et optimise la distribution des décalages temporels à faire en fonction de la position de l’objet. On peut travailler afin de préciser les objets et attirer l’attention vers la scène ou au contraire casser les murs et agrandir le lieu, voire charger l’arrière pour donner l’impression aux gens qu’ils n’ont pas un mur dans leur dos.
SLU : Vous travaillez aussi avec des salles modélisées ?
Etienne Corteel : Non, on a une approche « preset » comme base de départ et on offre des réglages complets assez traditionnels avec le TR, le TR en fonction de la fréquence, la couleur, les pré-délais, tout ce qui permet de travailler…
Florent Bernard
Tiens, un Flo Bernard qui craque et nous rejoint autour de notre irrésistible dictaphone.
Florent Bernard (Directeur des applications Touring et associé L-Acoustics) : C’est vrai que le choix d’offrir des réponses impulsionnelles de salles, ça marche bien de manière théorique ou bien très contrôlée dans une salle très absorbante ou enfin dans un labo de R&D.
La réverbération du Carnegie Hall peut même marcher assez bien, mais superposer ce genre de réponse à une salle comme ici, je suis moins convaincu. Comme nous avons développé L-ISA principalement pour le live, nous avons pris le parti de donner des outils qui soient cohérents avec cette utilisation.
Etienne Corteel : C’est une étape de plus, la calibration de l’espace virtuel dans un espace réel. On laisse tous les réglages ouverts à l’ingé système ou au mixeur pour le faire.
SLU : Mais le fonctionnement de base de L-ISA, l’objet qui est « dry » devant et qui, en le repoussant au lointain s’affaiblit, perd en couleur et gagne en ambiance est resté ?
Le L-ISA controller. Remarquez le choix fait de garder les objets très « dry » et donc en avant, avec en revanche une utilisation totale des 7 lignes, la réverbération revenant par exemple dans la ligne 1 et 7
Florent Bernard : Oui absolument, on retrouve le même paramètre de distance mais avec plus de réglages qu’avant, comme par exemple avoir déjà un peu d’ambiance même quand l’objet est au premier plan. On a beaucoup ouvert les possibilités.
SLU : Comment fait-on avec le processeur. On le loue, on l’achète ?
Florent Bernard : Deux possibilités : en cas d’installation fixe on l’achète en même temps que la formation complète du personnel qui aura à l’exploiter. Dans le Rental il est loué par L-Acoustics car on souhaite être au plus près des équipes pour les former, les aider et continuer à garantir au mieux le résultat final. Frédéric Bailly (Ingé Application Touring L-Acoustics) FredB : Il y a une formation mais aussi un accompagnement des gens sur le terrain. On travaille aussi sur les designs.
SLU : L-ISA est une nouvelle façon de « faire du son » et nécessitera temps et moyens pour être comprise et exploitée dans les règles avant que, comme l’avait suggéré Christian dans une interview passée (1), une fois appréhendé l’outil, les techniciens s’échappent de ces mêmes règles et l’emploient à leur façon…
(1) Voir article SLU : Interview de Christian Heil L-ISA 3ème partie
Florent Bernard : La formation à L-ISA doit traiter de tous les aspects liés à cette technologie, de son déploiement physique dans un format live, de l’apprentissage des outils de mixage jusqu’aux règles de design sonore. Il faut une méthodologie très précise. L-ISA a été conçu au départ pour contrecarrer l’appauvrissement du son typique au repiquage du classique qui concentre dans un système double mono, toute la richesse et les micro-détails d’un symphonique, un rendu très décevant.
SLU : Le mélange dans l’air est beaucoup plus beau que dans des bus…
Florent Bernard : Exactement…C’est facile de reproduire en L-ISA un orchestre classique dans la mesure où les instruments sont répartis sur toute la largeur de la scène et délivrent du son de manière homogène. Pour cela on a L-ISA Wide, un déploiement d’enceintes de même type et puissance dont on utilise toutes les ressources.
Un montage L-ISA Focus. On remarque le resserrage des trois lignes en K2. Les subs sont accrochés immédiatement derrière la ligne centrale.
Avec la musique moderne, il y a un certain nombre de sources, dont la voix lead qui ont besoin de venir de l’array central, tout comme on a une concentration des besoins en basses fréquences aussi dans le centre. C’est pour cela qu’on a conçu le déploiement L-ISA Focus qui n’est autre qu’un Wide avec le renforcement des basses fréquences dans les trois lignes centrales qui sont un peu rapprochées, un déploiement qui est spécifié dans les cas où le contour recherché ne peut être atteint par le Wide. Jusqu’à 7/8 dB de contour on est en Wide, au-delà en bascule en Focus.
SLU : Bon alors, elle sort quand cette grosse formation L-ISA (sourires)…
Etienne Corteel : On en a finalisé le contenu et notre présence aujourd’hui est essentiellement due à la collecte de données qui servira à l’alimenter. Il y a par exemple des contraintes de production quant à l’accroche et surtout l’orientation des lignes source ou la calibration du centre et du sub. Nous avons commencé des formations sur invitation uniquement et nous l’ouvrirons plus largement à partir du début du quatrième trimestre 2019.
SLU : Et pour l’étranger ?
Etienne Corteel : Nous avons déjà fait 3 sessions depuis le début de l’année dont 2 en anglais. Le training sera directement disponible dans les bureaux L-Acoustics à travers le monde (Marcoussis, NYC, Los Angeles) et en Asie à l’aide de nos partenaires. 4 autres sont déjà prévues d’ici mai.
Florent Bernard : Et bien sûr ces formations vont évoluer sans arrêt en accompagnant l’évolution du soft et de la méthodo de L-ISA. Etienne en a pris pour 30 ans ! (rires)
Une vue du déploiement Wide. Remarquez les angles de chaque ligne, sauf bien sûr la centrale. Elle va être touffue la formation ;0)
SLU : Comment comptez vous former à la fois des mixeurs et des ingés système ?
Florent Bernard : On vise les deux profils avec un tronc commun sur le mixage L-ISA (statique et dynamique) ; des sessions spécifiques sur le design système, l’implémentation et la calibration pour les ingénieurs système et des workshops de mixage pour les ingénieurs du son. Il y aussi un module dédié à la gestion de projet traitant de deux cas de figure : pré-production (touring, résidence) ou bien assistance au mixage (festival ou one-off).
Les contacts avec le producteur et l’artiste sont mis en avant. On est sur une formation de 3 jours, qui donnera accès à un pack d’outils spécifiques dans Soundvision 3.1.0 pour le design système et le L-ISA Controller pour le mixage. Les formations donneront lieu à l’octroi d’un certificat officiel.
SLU : Pensez vous qu’il soit possible de tenir la baraque seul à la console ?
Florent Bernard : Certains mixeurs s’occuperont de la matière sonore et de son placement là où d’autres se concentreront sur le mix et délégueront la spatialisation à un collègue. Il n’y a pas de règles établies, mais on peut faire un parallèle avec l’émergence, il y a une vingtaine d’années, de l’ingénieur système.
Aujourd’hui on voit apparaître l’ingé spatialisateur L-ISA et il n’est pas inenvisageable que sur de très grosses productions, on trouve à terme trois personnes en régie. Ce soir par exemple Max (Maxime Ménélec NDR) va rester sur le soft pour réajuster à la demande de Fabio des détails de la spatialisation. Dans des tournées pop bien encodées, ce travail peut être mémorisé sous la forme de snapshots.
SLU : Nous avions il y a deux ans posé une question à Christian (Heil, of course NDR) quant à l’avancement de L-ISA où il affirmait que le plus gros est fait. En réalité, ça évoluera tout le temps…
Florent Bernard : La grosse nouveauté c’est notre moteur de réverbération, mais il y a d’autres choses qui arrivent dans la prochaine release avec des évolutions et surtout des aides au mixage, le tout toujours sur la même base hardware.
Les deux processeurs, sécurité avant tout, dont chacun dispose par ailleurs de son onduleur.
SLU : Il a 4/5 ans au moins votre processeur, il est toujours suffisant en termes de ressources ?
Florent Bernard : Bien sûr, on conçoit des produits pour qu’ils durent (rires)
Etienne Corteel : On accepte 96 entrées et on restitue 25 sorties actives, il y a de quoi travailler dans l’immense majorité des cas.
SLU : Si l’on veut plus d’entrées ou de sorties pour des applications hors live et très spécifiques on fait comment ?
Florent Bernard : Si on veut plus de sorties on peut reconfigurer le processeur pour disposer de 64 entrées et 64 sorties. Le plus gros en live en L-ISA je crois que c’est le Royal Albert Hall pour alt-J où on avait un système étendu, soit 7 sorties, et 18 surrounds, donc pile les 25 sorties actives.
A ces 25 voies s’ajoutent le downmix mono pour les subs et front-fill qu’on utilise toujours, un second downmix LR et un troisième LCR. Bien entendu tu peux configurer la portion de salle où certains objets au choix seront présents dans le downmix mono pour éviter qu’un objet qui passe derrière toi continue à sortir en même temps des lipfills ou du sub. Tout cela est librement configurable.
L’AccorHotels Arena, pas la meilleure salle pour y déployer de l’immersif, mais une des plus grandes de la capitale…
SLU : Les processeurs vont par deux pour des questions de redondance…
Florent Bernard : En mode miroir avec une matrice manuelle pour alimenter le système. On peut choisir d’être en ligne ou en insert dans la console, mais quoi qu’il en soit le mode miroir est prévu. On touche du bois (rires) on n’a jamais eu de galère mais sur des shows de cette importance, il vaut toujours mieux être prudent.
SLU : Puisque vous louez la configuration, pourquoi ne pas concevoir un L-ISA-RAK ?
Florent Bernard : (gros rire) C’est assez compliqué dans la mesure où divers cas de figure existent en fonction des utilisateurs, de leurs consoles, de la façon d’interfacer le processeur, du besoin de convertisseurs MADI, de l’usage d’optique ou de BNC. Pareil pour la sortie où l’on va privilégier l’AVB, mais ce n’est que notre choix et chacun agit comme il l’entend.
SLU : En dehors du positionnement statique ou actif des objets et du mix dans l’air avec tout ce que cela comporte d’amélioration dans le haut du spectre, L-ISA se révèle utile aussi dans le bas…
Florent Bernard : Ca change tout ! Le fait avec Focus de faire tenir l’essentiel du grave dans un point central entre trois lignes de têtes grand format et subs, rend le bas du spectre beaucoup plus efficace.
Le montage central maximisant l’efficacité des subs, dégageant le sol et préservant le plus possible la scène d’infra. En montage Focus, les deux lignes 2 et 4 se recentrent autour de la 3 pour maintenir le plus possible cette source de grave dans une demi longueur d’onde, d’autant que, pour avoir un contour important, ces trois lignes sont en K2.
SLU : OK pour la ligne face aux subs, mais on sort de la demi longueur d’onde avec les deux autres…
Florent Bernard : Oui mais à peine. La rotation de phase entre subs et lignes est tellement ténue, qu’on a un grave d’une homogénéité impossible à obtenir, même avec un sub central et l’habituel gauche/droite où c’est impossible à aligner partout. Lors de la tournée de Lorde aux USA et dans des salles plus dédiées au sport qu’à la musique, les spécialistes du son qui ont assisté au show et en dehors de tout ce que L-ISA apporte d’autre, ont remarqué une homogénéité du grave tout à fait inédite.
Cogitations immersives et conclusives
L-ISA et l’immersif en général sont faits pour le classique et pour tout spectacle où le son est acoustique et se nourrit de l’interaction avec la salle et les autres instruments jusqu’à créer une masse sonore complexe et impossible à faire passer dans notre simple gauche/droite. Le mélange dans l’air de l’immersif et ses nombreuses lignes discriminantes, apportent la densité, le détail, la beauté de la captation sans qu’aucune interférence entre deux grosses lignes, n’aplatisse le rendu.
Ennio Morricone durant le concert agrémenté par des voix féminines souvent présentes dans ses thèmes les plus connus.
La stéréo est morte, mais a-t-elle réellement existé dans le spectacle vivant, l’a-t-on simplement entendue. On n’imagine plus une reproduction électroacoustique classique autrement qu’en immersif, d’autant que cette technologie redonne aussi une forme de richesse visuelle et de vie à une œuvre par définition statique, en déverrouillant le son de l’espace précis et limité de deux line-arrays pour le ramener sur scène.
Sans doute par manque de temps et par choix artistique, il a manqué l’exploitation de la profondeur dans le mix du show parisien de Morricone et aussi un peu de vie sur les côtés, quelque chose à laquelle les spectateurs sont naturellement habitués dans une salle de concert et même dans les salles obscures où nombre de réverbérations sont routées dans les surrounds.
L’intégration des commandes propres à L-ISA poursuit son chemin dans les consoles DiGiCo, en revanche rien ne dit que dans le futur le mixeur devra s’occuper aussi des réglages propres à l’immersif. La charge de travail en 3D est encore plus élevée…
Enfin on se prend à rêver de nouvelles enceintes de proximité ouvrant très large et dans lesquelles on puisse envoyer par paires une réduction stéréo complétée dynamiquement par quelques objets spécifiques et artistiquement essentiels afin de ne pas léser les premiers rangs, les parents pauvres du son et pourtant payant chèrement leur place.
L-ISA est en mesure de prendre une part très importante de la diffusion classique, voire faciliter l’éclosion d’un électro-classique en Arena, crédible pour les puristes. Les œuvres existent, le public aussi. Ne manquait que le rendu. C’est désormais chose faite et on n’a encore rien entendu, on découvre à peine la gestion sonore de demain. Place aux jeunes !
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