Ca faisait déjà du bruit à Landerneau. Après moult festivals et tournées, Audiolite a jeté les amarres à Rouen, les cales remplies de Kevlar et d’aluminium pour l’Armada 2013.
Point d’orgue des nuits de l’Armada, La grande scène érigée le long des docks sur un vaste terrain stabilisé se prépare à accueillir une scène éclectique, allant de l’inévitable Nolwenn Leroy aux vrais-faux Bootleg Beatles en mode symphonique, en passant par Madness et Mika, de quoi satisfaire les dizaines de milliers de spectateurs potentiels que peut accueillir ce site pour des concerts quotidiens et gratuits.
Audiolite qui a décroché le marché, nous a conviés à découvrir cette prestation centrée sur une scène mobile AlphaStage 256 Europodium, la plus grande d’Europe, mais encore bien peu impressionnante face au tirant d’air de certains vaisseaux amarrés non loin de là. C’est Johan Maheux, ingé système et responsable du site pour le compte d’Audiolite qui nous accueille.
SLU : Vous êtes loin de vos terres ici en Normandie ?
Johan Maheux ( Ingé système) : ”Oui mais ça se passe bien, c’est une légende que de croire qu’il y aurait de l’animosité entre bretons et normands (rires !)

Une CL5 Yamaha pour le prémix orchestre symphonique
SLU : L’installation ressemble à s’y méprendre à celle d’un festival, votre spécialité.
Johan Maheux : C’est précisément ça, un panachage de consoles pour la façade avec une XL4, une PM5D et une particularité, celle de recevoir un symphonique les prochains jours, d’où la CL5 destinée au pré-mix orchestre. C’est Sylvain Turpin qui mixera l’orchestre (présent sur la tournée de C2C dans nos colonnes) associé à certains titre d’un groupe qui s’appelle Bootleg Beatles et ne fait que des reprises des Fab Four.
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Et toujours sa Majesté Midas XL4
SLU : Il y a des groupes qui ont spécifié l’XL4 ?
Johan Maheux : Il n’y a pas eu de demande particulière mais on la retrouve de toute façon sur toutes les fiches techniques, elle ou l’Heritage. C’est un dénominateur commun, et on a plaisir à accueillir des gens avec ce type de machine. Nous en avons deux à Audiolite et elles tournent bien. Celle-ci est la mieux conservée des deux.

SLU : Quelle est la console numérique la plus demandée sur les fiches techniques ?
Johan Maheux : La PM5D RH. Tout le monde l’a croisée, tout le monde a une mémoire dans sa poche. Je ne crois pas que ce soit un choix de cœur au niveau du son mais on la retrouve absolument partout, et quand on la demande on est certain de l’avoir.
SLU : Tu es un Audiolite man ou bien tu travailles pour d’autres ?
Johan Maheux : Essentiellement pour eux, surtout la saison d’été, mais je travaille aussi à Paris et dans l’événementiel le reste de l’année. Je suis basé à Rennes.
SLU : Quel est ton rôle pour les spectacles de l’Armada ?
Johan Maheux : Je m’occupe du son et j’accueille les groupes. Le design de la diffusion est dû à Sylvain Turpin et (je l’interromps NDR)…
SLU : Mais il est partout ce mec ! C’est lui qui a conçu cette régie centrale assez volumineuse ? C’est presque une scène !
Johan Maheux : C’est le meilleur compromis qui a été trouvé en fonction des contraintes imposées par l’organisateur et la nécessité d’avoir une tribune pour les handicapés. On peut ainsi mettre nos délais, la régie éclairage et un écran vidéo. Ça reste une contrainte d’un point de vue acoustique même si j’ai réussi à faire enlever la bâche de fond de la scène qui s’érigeait comme un mur face à la diffusion principale.
La diffusion porte à 130 mètres
SLU : Il y a un vrai obstacle, un gros dépôt faisant partie des docks où nous sommes mais il est loin.
Johan Maheux : Oui complètement, on ne va pas jusque là-bas. Il est à 230 mètres. Les deux lignes principales sont piquées à -5,5° et portent à 90 mètres. On reprend derrière avec les délais pour atteindre 130 mètres. Les deux lignes de délai sont très ouvertes car proches l’une de l’autre, et en plus elles doivent couvrir assez largement.
Logiquement, personne ne devrait rester scotché derrière ce point de rappel. Espérons tout du moins (rires) ! Il y aura des barrières pour éviter que des gens restent trop près. Notre cahier des charges est que tout le monde entende même s’il voit mal, d’où les petites boîtes pour déboucher sous les écrans, devant la scène ou sur les extérieurs. Les SpekTrix devant la scène servent aussi à recentrer le son et à le redescendre car les E15 sont accrochés assez haut et quand on est près du plateau, ça se ressent.

“Le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer”
SLU : 90 mètres c’est un choix de raison en extérieur ?
Johan Maheux : Oui, tenter d’aller plus loin ne servirait à rien. Quel que soit le système accroché, une fois passé 80~90 mètres on est sujet aux conditions atmosphériques. 90 c’est déjà un grand maximum, au-delà il faut impérativement des délais.
L’avantage selon moi du E15 est que son bas médium et haut médium tiennent bien le choc, même en cas de petit vent. On ne perd pas tout ou presque comme par le passé avec le Y18. Une voix a tendance à rester présente même en perdant de sa finesse dans le haut. La régie est à 65 mètres, et on est cohérent pour le moment, même si on commence déjà à sentir un peu d’air (le vent se lève plein travers 1 à 2 m/sec sur Rouen NDR). Ça ne sert à rien de lutter en poussant le niveau. Quelle que soit la pression acoustique, le son s’en ira.
SLU : Ce qui est accroché, c’est le parc d’Audiolite ou bien avez-vous sous-traité quelques boîtes ?
Johan Maheux : 100% Audiolite. Nous avons rentré 48 E15 Adamson, ce qui permettra de faire des scènes aussi grosses que celle des Vieilles Charrues en deux fois 24 boîtes. Pour les subs c’est pareil, nous disposons d’un nombre important de T21.
Les sub en cardio ? Oui mais non
SLU : Ce qui n’empêche pas Typat de sortir ses vieux subs JBL HLA pour les Charrues !
Johan Maheux : Oui une ligne devant. Ici ce n’est pas nécessaire. Entre les deux lignes accrochées de 8 subs chacune et les quatre stacks au sol de deux caissons, nous avons de quoi faire.
SLU : Au sol ils sont en cardio, pour les deux antennes en revanche pas…
Johan Maheux : Nous sommes en plein air et nous devons porter loin en gardant de l’énergie. Sylvain, qui a fait le design, a opté pour ce montage, ce qui évite d’allonger encore plus la ligne. Nous sommes limités en termes de poids.

SLU : Ça doit être chaud sur scène les T21 !
Johan Maheux : Non, pas tant que ça, et Rico qui fait les retours est ravi de cet apport en rondeur.
Eric « Rico » Fromentin : “J’aime assez. Le grave des E15 s’en va bien et ce que les T21 me donnent derrière n’est pas du tout dérangeant, et puis il ne faut pas oublier que les montages cardioïdes n’ont un bon rejet arrière qu’à certaines fréquences, et si tu pousses le niveau et que les amplis commencent à limiter, l’annulation part en vacances et c’est la guerre, plus personne ne comprend rien.
Johan Maheux : Inévitablement le “front” va limiter avant le “back”, ce qui va conduire à la rupture de l’effet, et ça tombe toujours au plus mauvais moment ou sur le groupe où il ne fallait pas.
Rico : Quand le système est cohérent, je préfère garder ce bas qui m’arrive et complète bien les wedges qui, de toute façon, ne vont pas descendre, et puis j’ai les boutons de volume des amplis à portée de main (rires) ! Non, le cardio est vraiment utile avec certains artistes au chant confidentiel que je ne citerai pas !
Johan Maheux : Il faut aussi différencier les salles de l’extérieur. En salle on évite d’exciter le fond de scène et certains murs ; en plein air on n’a pas ce genre de souci. Il y a le cardio pour alléger le plateau et celui pour ne pas exciter la salle.
SLU : Comment raccordes-tu têtes et subs ?
Johan Maheux : Les E15 descendent à 60 Hz, les subs montent à 70 Hz. Si je coupe les subs, ça va quand même être agréable (Il joint le geste à la parole NDR). Voilà ce que donnent les seize E15 seuls et en extérieur.
(J’ouvre une parenthèse pour redire à quel point boîte est puissante et délivre un son carré, sec et rock and roll, même seule et en extérieur, sans doute le fruit de sa qualité propre mais aussi du courant délivré sans aucune retenue par les PLM avec lesquels elle s’associe parfaitement NDR).
Johan Maheux : Les E15 sont capables de donner de belles sensations et de la plénitude même à bas niveau. Bien sûr ça dépend du style musical mais quand on sait se montrer raisonnable, on pourrait même se passer de sub. Il faut savoir doser son effet et là, ce n’est pas évident avec certains ingés son. Je vais cela dit baisser un peu le 120/140 Hz car le couplage est encore un peu généreux (ohh oui NDR !), et je garde la main sur les 6 subs centraux que j’utilise pour combler le trou au centre dû à l’écartement des deux antennes de T21. Ces trois stacks cardio sont très proches du public, je ne veux pas trop charger les premiers rangs et créer aussi quelques accidents de couplage avec les deux antennes.
SLU : Adamson a annoncé plein de nouveautés entre le E12 et surtout des subs spécifiques pour cette gamme. Tu as l’air heureux avec les T21…
Johan Maheux : Je n’ai pas entendu les nouveaux subs mais oui, les T21 sont très bien. A part pour des montages spécifiques, ils me satisfont pleinement. J’ai ma dernière octave et ça me suffit. Le E15 est tellement large bande et percutant que je n’ai pas besoin de grand chose en plus, a part un peu plus d’énergie et de rondeur en bas. Il est aussi vrai qu’en salle, dans des moyennes et petites jauges, le T21 peut se révéler trop encombrant.
Un système qui ne craint pas l’eau
SLU : La semaine à venir s’annonce pluvieuse, vous avez prévu du polyane en quantité ?
Johan Maheux : Pas besoin, les régies sont à sec, la scène aussi et le système ne prend pas l’eau.
SLU : ?!?
Johan Maheux : On n’allait pas acheter un système qui ne résiste pas aux intempéries ! Nous sommes une boîte bretonne (rires) !
Rico : On l’a choisi car il est waterproof !
Johan Maheux : Je ne connais pas son classement mais le simple fait que les HP soient en Kevlar ça rassure, et l’enceinte elle-même bénéficie d’une certaine étanchéité via une grille mousse qui empêche l’eau de pénétrer et la fait ruisseler. Les seules enceintes à protéger sont les MH121.5 qui servent en tant que front fill car les membranes sont faites en bonne pâte à papier et si tu les trempes bien, tu fais du dégât !
Rico : Mes bains de pieds sont logés à la même enseigne, si ce n’est que la compression est pointée vers le haut et que je ne pense pas qu’elle apprécierait la flotte, mais comme les artistes auront arrêté bien avant ça, on ne risque rien !
SLU : Que demandent les artistes sur place en termes techniques ?
Rico : Ça dépend des groupes. Certains arrivent avec tout, d’autres les mains vides ou presque. Madness par exemple vient avec ses ingénieurs face et retour et quelques micros. Nous devons fournir tout le reste y compris des packs pour leurs ears et deux consoles pouvant recevoir leurs mémoires, probablement des PM5D devant et derrière, à moins qu’à la vue de certaines vieilles mémères, ils ne soient tentés (rires) !
SLU : Ils peuvent ! Ce n’est pas un vrai festival en terme de rotation de groupes. Ils auront le temps de bien travailler avec.
Rico : Oui mais parfois ce sont les artistes ou les musiciens eux-mêmes qui ne veulent pas changer leurs habitudes. No comment !
SLU : En fait, tels qu’on vous voit, tout est prêt, câblé. Il ne manque que les artistes. Vous avez une sacrée avance, ça ne joue que demain soir !
Johan Maheux : On a encore pas mal de boulot pour préparer la venue du symphonique. On doit tester notre prémix classique car nous allons renvoyer des groupes d’instruments au mixeur des « Beatles », et cette même CL5 va aussi alimenter la console retours en pupitres. Il y aurait sinon trop de voies, et surtout humainement c’est plus simple ainsi. Autre avantage, on a en tout et pour tout deux RJ45 pour la CL5 dont le routing et les stages sur scène permettent facilement ce type de double distribution. Pour le reste, nous avons un 40 paires pour l’XL4 et une fibre pour le Dante.
SLU : Comment récupères-tu le signal de la CL5 ici à la régie face pour l’XL4 ?
Johan Maheux : Y’a des sorties sur la table elle-même mais au-delà de ça, nous avons installé deux LM26 Lake pour repasser le Dante en analogique et attaquer l’XL4. Chaque LM26 offre 6 sorties.
SLU : J’imagine que vous évitez de faire passer des instruments classiques hors de la CL5 pour des questions de latence.
Johan Maheux : C’est exact. Tout ce qui est orchestre transite dans cette table afin d’avoir un seul temps, que ce soit à la face ou aux retours.
SLU : Pour ce qui est du drive de ta diffusion, un des LM44 numérise ?
Johan Maheux : Oui, il reçoit les sorties de l’XL4, la PM5D en AES et la CL5 en AES dans l’hypothèse où, après le classique, on nous la demanderait pour un groupe. Je fais tout mon matriçage, et ça ressort en Dante pour aller vers les amplis de la diffusion.
SLU : Le vent lève des paquets de poussière, le matériel n’aime pas trop ça…
Johan Maheux : Non, en revenant il sera aspiré, ampli comme boîtes. On a des process très stricts chez Audiolite. On teste le matériel quand il sort du dépôt, on le teste sur site tous les jours, et on le teste au retour. Au quotidien on vérifie via le Load Monitoring l’impédance de chaque enceinte voie par voie, et on sait aussi qu’on a bien le bon nombre d’enceintes par ampli. On écoute aussi bande par bande. Au dépôt, s’il y a le moindre doute, l’enceinte passe au banc. Sur le quai de chargement/déchargement il y a un banc de test. Ça permet de remettre en parc du matériel qui marche.
SLU : La casse doit être minime vu le processing dans les PLM et les limiteurs incorporés.
Johan Maheux : Bien sûr, mais on peut tomber sur de la casse par fatigue.
SLU : En parlant de fatigue, ils sont devenus quoi les vieux Y18 ?
Johan Maheux : Les 24 boîtes sont toujours là et sortent encore. Y’a du travail, plein !

SLU : Tu fais où l’égalisation du système, dans les LM44 à la régie ou dans les PLM ?
Johan Maheux : On pourrait la faire dans les LM par zones mais y’a tout ce qu’il faut dans les PLM pour ça, au-delà de la gestion des presets. Je crée de manière logicielle des modules, dans mon cas tous les E15, et quand j’interviens sur ce module, tous les amplis qui alimentent ce type de boîte sont sollicités en même temps. De toute façon je ne touche presque pas à la réponse de base des E15 car on sent qu’un travail a été fait par le constructeur pour livrer un système droit. Je n’ai que 3 points d’EQ à -3dB. Le système est abouti. Il faut le laisser vivre sans le casser d’entrée de jeu, et surtout il faut attendre d’avoir du public, de la musique live et les conditions atmosphériques du show pour faire éventuellement des retouches. La seule vraie correction est celle due à la compensation du grave en fonction de la longueur de la ligne, d’où le gros shelve à 125Hz. Chez Meyer ou L-Acoustics c’est fait automatiquement mais pas ici.
SLU : Tu as du live parmi tes morceaux pour caler ?
Johan Maheux : Non, ça serait une bonne solution mais je suis comme tout le monde, j’ai mes titres de référence, que je connais par cœur, et dont j’ai le plus grand mal à me défaire, même si j’en ai un peu marre de les entendre (rires) ! J’utilise par exemple moi aussi le Dolphins des Simple Minds pour checker ma dernière octave et ma mise en phase (Steph Plisson, si tu nous écoutes ! NDR).
SLU : Les racks standard pour les E15 ne comportent que des 20000Q LabGruppen. Pour le grave c’est cohérent mais ça ne te paraît pas démesuré pour alimenter les médiums et encore plus les aigus des boîtes ?
Johan Maheux : Théoriquement oui mais pratiquement non car la standardisation a du bon en termes de câblage, de redondance, de possibilité d’alimenter n’importe quelle enceinte. Les 10000 feraient l’affaire pour le médium et l’aigu mais après, sur le terrain, tu serais bloqué par certaines associations. Les 20000 alimentent aussi les T21 à raison de 2 subs par ampli.
Le standard Audiolite pour les liaisons HP
25 mètres en 4 mm2
SLU : Vous avez fait le choix des liaisons HP en 4 carré et 25 mètres de longueur.
Johan Maheux : Oui, ça couvre la plupart des exploitations, et s’il faut faire du raboutage, cette section de câble nous prémunit contre les trop grosses pertes. Si tu tires 50 mètres en 2,5, il ne reste plus rien au bout. Pour l’alimentation, on dispose de 125 A à cour et jardin, et on repart en 63 et 32 tri pour chaque départ. On a aussi des mono pour la régie façade et retours. Le principe de la panière avec la distribution électrique intégrée est d’aller vite. On la place et c’est réglé. On évite tous les petits racks d’antan. Nous sommes par ailleurs bien dimensionnés et raccordés à un groupe twin Caterpillar fourni par The Powershop. On connaît bien cette boîte, ils nous donnent le jus aussi aux Vieilles Charrues. Ils bossent bien.
SLU : Tu arrives sur le plateau en Dante.
Johan Maheux : Oui, je rentre dans le premier rack de 10000Q mon gauche/droite/subL/subR en fibre, et ensuite je distribue aux amplis via des switchs présents dans tous les racks.
SLU : Pourquoi un transport de sub en stéréo ?
Johan Maheux : Pour répondre à la demande de certains groupes. Même si derrière on matrice pour faire un signal unique, on répond à leurs attentes.
SLU : Le Dante te permet de véhiculer beaucoup de canaux. Tout n’est pas exploité j’imagine sur les processeurs et les amplis.
Johan Maheux : C’est exact. Sur 64 in et out potentiels de la norme Dante, les LM44 n’en gèrent que 8.
SLU : Tu fais toute ta configuration logicielle en arrivant sur site ou tu prends de l’avance au dépôt ?
Johan Maheux : Je me suis avancé chez Audiolite en connectant tous les amplis au logiciel et en aspirant leurs références pour leur attribuer les presets, et donc les enceintes. L’avantage de le faire au dépôt est que, comme on doit « signaler » chaque ampli individuellement via une touche à même le rack, une seule personne peut le faire plus facilement en étant face à la panière avec son ordi. Les deux grosses Harting transportent le signal analogique en provenance de la face, un 20 paires, et sa traversée vers l’autre panière d’amplis. Je sécurise ainsi ma liaison Dante entre la régie et le plateau.
La sécurité, contre vents et tempêtes
SLU : Revenons au vent et aux conditions atmosphériques. Avez-vous changé quelque chose après le drame du Pukkelpop en 2011 ?
Johan Maheux : On fait extrêmement attention aux calculs de charge et on communique beaucoup avec les riggers de telle sorte à ce qu’ils soient parfaitement informés quant aux systèmes à déployer et la sécurité que l’on recherche. En amont de cela, le régisseur rédige un plan de prévention qui met en évidence les risques et les solutions apportées. De notre côté nous pouvons redescendre les antennes de sub et les écrans, et c’est justement à cause de cette potentielle mobilité de la vidéo que j’ai dû déplacer mes SpekTrix. L’inconvénient est qu’il faut envoyer un gars enlever les sécus…
SLU : L’inconvénient de l’avantage dirais-je car faire monter un rigger alors qu’un orage gronde…
Johan Maheux : Bien sûr, mais nous ne pouvons pas laisser de charge sans la sécuriser, et la grande question reste celle du moment où la prestation s’arrête. Nous n’avons bien entendu pas ce pouvoir de décision qui est dans les mains du régisseur, et de l’organisateur avec les équipes plateau qui disposent d’un anémomètre pour suivre l’évolution du vent. La scène Alphastage Europodium est par ailleurs équipée d’évents et de bâches à dézippage rapide, quelques secondes et tout est parterre. J’ai pu vérifier ça lorsque j’ai demandé à ce que la scène, qui sert d’ilot central, soit ouverte. Ça va vraiment vite.
Nous avons posé les mêmes questions au régisseur de l’événement Mathieu Delaunay qui nous a donné quelques précisions supplémentaires notamment quant au lestage des structures portant le son.
Mathieu Delaunay : “Chaque appui au sol est maintenu par des charges en béton de deux fois 500 kg, et une poutrelle spécifique vient par exemple renforcer par l’arrière le cadre supportant les écrans et la diffusion. C’est vrai que le vent est un élément important sur cette zone précise puisqu’il y a quatre ans, lors de l’édition précédente de l’Armada, des rafales avaient été mesurées à près de 100 km/h. Un point météo est fait à 17h. C’est à ce moment-là que la sécurité et la préfecture donnent ou pas leur aval pour l’événement. Ce point météo émane d’une station locale qui connaît bien l’aérologie spécifique de cette ville et de la zone où nous sommes. Il ne faut pas non plus oublier que la grande scène dont les draps tombent très vite pèse sans les extensions, 54 tonnes.
SLU : Je ne vois que des blocs en béton. Vous n’utilisez plus les bacs à flotte ?
Mathieu Delaunay : Non, leur usage est interdit, en tous cas avec de l’eau. On peut mettre des cailloux ou d’autres matériaux du même type mais plus de liquides. C’était très pratique, on les remplissait souvent avec l’aide des pompiers, mais le gros inconvénient est qu’en cas de fuite ils perdent toute leur utilité.
SLU : Qu’elle est la chaîne décisionnelle de l’Armada de Rouen ?
Mathieu Delaunay : De mémoire et dans l’ordre, on a le Président de région, son chef de cabinet, le responsable projet de l’Armada avec la direction de la communication. Dès qu’on aborde des questions de sécurité, tout le monde est très réactif. La hiérarchie est stricte mais ce n’est pas plus mal car c’est très bien organisé, et le dernier mot revient au PC sécurité. C’est ce PC qui va par exemple demander aux voiliers de carguer leurs voiles ou aux dais d’ouvrir leurs côtés. On constate cela dit une augmentation des alertes météo ; le principe de précaution est plus que jamais d’actualité, parfois même trop”.
Visite du plateau
Notre visite sur le plateau nous amène à la rencontre de Rico qui y règne sans partage avec quelques savoureuses vieilleries comme les side en Martin F2, toujours vaillants et constitués de bass en toboggan et de têtes terminées par 3 tweeters ressemblant très fort à des JBL à ogive.
Rico : Des 2402 et le tout est poussé par des PLM !
SLU : Ça change !
Rico : On n’a pas fini de les sortir pour faire des retours. Acoustiquement, ça fait partie des enceintes les plus abouties, dès lors que tu en empiles juste un combi pour éviter certains problèmes de couplage typiques des systèmes de l’époque. Le simple fait de connecter à des filtres et des amplis modernes ce type d’enceinte, ça lui donne des ailes. On a aussi des LE400 au dépôt, et quand tu les fais jouer en actif, avec une électronique qui donne du courant, ça reste lourd à porter mais il y a de quoi satisfaire bien des artistes de rock. Les mecs peuvent monter dessus et faire les singes, ça ne risque rien et ils vont vraiment s’entendre.
Le M15 qu’on utilise est très bien d’un point de vue audio. On tourne en bi-amplification. Il peut être employé trompe à gauche ou trompe à droite puisqu’il est construit de façon symétrique, en revanche il n’est pas très stable. Avec certains artistes on le cale. Son autre avantage est sa légèreté. T’en prends un dans chaque main, et tu cours de l’autre côté du plateau quand il faut faire un changement. Des LE400 dans chaque main…Comment dire…J’ai des collègues qui le font mais moi non.

SLU : Si, mais ça c’était avant (rires) ! Le F2 est arrivé quand chez Audiolite ?
Rico : Avant le HLA JBL. Le F2 était notre grosse diff. La première édition des Vieilles Charrues qui se tenait dans le village sur la place du Marché était sonorisée en F2 pour une bonne dizaine de milliers de fous ! On devait avoir 40 Kilos et 8 combis par côté avec les filtres et les amplis d’époque et une approche, disons, plus empirique du son.
SLU : Il reste combien de ces vénérables bouts de bois ?
Rico : Je pense qu’il y aurait de quoi empiler 4 combis par côté, si ce n’est qu’on ne s’en sert plus qu’en side chez Audiolite. En revanche, en club ça pourrait largement faire l’affaire avec des F8 en débouchage sur le côté, mieux que certaines références actuelles !
Johan Maheux : A propos de bon vieux temps et de sécu, ce qui a bien changé c’est le travail. On ne fait plus trop l’amalgame entre la fête et le travail”.
Rico : On fait des formations dans tous les sens, et comme il y a de plus en plus de personnes qui veulent faire ce travail, on se doit d’être carré. Une connerie ça passe, quand tu les cumules… On a de plus en plus de responsabilités. L’avantage c’est qu’Audiolite s’est terriblement structuré, et on dispose à présent d’outils plug and play. La logistique est plus simple et rapide, on peut presque parler de confort quand on compare aux années passées.
SLU : L’évolution technique n’est pas trop rapide ?
Rico : C’est certain qu’il faut suivre la cadence et se former sans cesse, même si personnellement je sais que je peux avoir des limites dans certains domaines très pointus. Il faut rester à la page.
SLU : Je pense par exemple à la CL5 et au Dante.
Rico : Une fois que le produit rentre en parc, il faut se former. On ne peut pas refuser d’avancer. Cela dit, la CL5 est un outil qui te donne vraiment envie d’approfondir parce que tu fais du son avec ! Sans citer des références, on en a eu des systèmes où tout était dedans mais le son sortait d’un Tupperware”.
Ecoute
Quelques notes de musique et l’habituelle balade sont sans appel. Le calage est réussi, l’intégration des front et outfill se passe bien à part quelques différences normales de couleur et de texture du haut du spectre entre des systèmes de génération différente et de technologie différente ; je pense là aux quatre 121.5.
La patate des E15 est toujours aussi spectaculaire avec ou sans les T21 dont on a pu mesurer l’apport vraiment centré sur la première octave. Un petit coup de la Danse des Chevaliers du Roméo et Juliette de Prokofiev valide aussi les capacités dynamiques et le respect des timbres de ce système avec du classique, essentiels face à une telle avalanche de cordes et de vents. Les E15 s’en sortent bien même si leur grain assez moderne colore un peu le rendu dans le bas mid et rend plus rapeux les archets et les accroches des cuivres. Je souhaite cela dit à n’importe qui d’écouter du classique sur ce type de système. Ce que le naturel y perd d’un côté, la dynamique et l’explosivité naturelle d’un ensemble classique le retrouve de l’autre, pour peu que l’enregistrement les ait captées ce qui est assez rare.
Un grand merci à toute l’équipe qui nous a reçus dans un tourbillon de poussière et de bonne humeur, et bonne route à cette institution bretonne qu’est Audiolite, qui trace sa route année après année en hissant haut non pas des voiles mais bien du bois et des techniciens de qualité.
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