Le charme opère à chaque fois. Quand on voit les yeux d’Alain Français pétiller autant malgré la fatigue, on sait qu’il nous prépare une surprise, et la dernière est de taille. Imaginez …
Un symphonique reproduit par une quarantaine de HP et une dizaine de caissons de basse, chacun installé à l’emplacement où sont situés les micros correspondants et donc les instruments, et au milieu duquel on peut se balader.
Le Futuroscope, Eurodisney et Asterix peuvent aller se rhabiller, le Surround et l’Atmos prendre leur retraite, Learprint arrive et le son devient émotion…

Nous avions déjà été invités à écouter il y a déjà deux ans, ce qui à l’époque n’était qu’une ébauche, un crayonnage sonore explorant les possibilités de cette idée mais sans vraiment les exploiter. Je me souviens de ce jour de novembre 2012 où, dans le dépôt de De Préférence à Wissous, au-dessus des bureaux et à l’abri des regards, Alain nous a présenté son concept forcément imparfait car ne disposant pas des sources multipistes nécessaires à la création de cet incroyable espace sonore, pas plus que d’un espace clos digne de ce nom. On était reparti riches de frissons teintés de frustration et avec la prière de garder tout ça pour nous.

Deux ans plus tard c’est Ann Vermont de Sennheiser France – partenaire avec une captation en full numérique Sennheiser et Neumann – qui sonne le rappel : Alain a remis ça et ce coup-ci de la plus belle des manières.
Rendez-vous est pris à Alfortville à l’ONDIF, l’Orchestre National d’Ile de France, et plus précisément dans leur base arrière qui comporte une magnifique salle de répétition et des salles annexes de taille respectable, pour la première sortie officielle de ce qui s’appelle désormais Learprint.
Arrivés sur place et malgré des portes phoniques, on ressent la pression et la « vie » d’un vrai orchestre qui joue, une impression qui va se révéler complètement trompeuse. C’est Alain qui est sur « play ». Alain 1, Ludo 0 !
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SLU : Comment et pourquoi te retrouves-tu ici dans les locaux de l’orchestre national d’ile de France ?
Alain Français : L’orchestre m’a proposé de faire un partage de droits qui me donne désormais la possibilité de montrer Learprint en public avec leurs morceaux. Outre la captation des pistes qui me serviront par la suite, on effectue aussi la prise de son pour que l’orchestre puisse graver un CD.
Quand je suis venu voir l’endroit, ici même, j’ai eu l’idée de ne pas faire uniquement la captation mais aussi de m’installer dans une des salles annexes avec mes enceintes qui généralement sont à Wissous dans mes locaux afin de permettre aux musiciens de l’orchestre d’écouter le résultat. Leur réaction a été unanime : « woaaa, c’est joli ». Ce qu’ils voient essentiellement, c’est une sculpture sonore. Même le chef a trouvé ça incroyable.

SLU : Comment peut-on décrire ce qui passe dans chacune des enceintes qui composent Learprint ?
Alain Français : Ce qu’il y a dans une enceinte ce n’est pas un instrument mais bien l’écoute d’un musicien, ce qu’il entend à sa place. Il entend donc plein de choses en même temps. Si tu écoutes le Violon 1 (un pupitre de violons NDR) et entends des trompettes au loin, c’est normal. Learprint marche aussi grâce à ça. Tout l’espace sonore est créé par l’air et la vie que repique chaque micro en plus de son instrument ou groupe d’instruments. La musique contemporaine exploite le principe d’une enceinte par instrument, ce qui oblige après à recréer un espace. Dans mon cas, l’espace existe et je ne fais que le resituer.
SLU : Ici à l’ONDIF tu enregistres un orchestre dans une salle vivante et rejoues dans une salle qui est aussi vivante. Trop de vie ne rend pas le tout brouillon ? Tu ne préfères-tu pas des salles plus mates ?
Alain Français : Non, je peux doser l’ambiance très facilement, donc face à des salles réverbérantes je m’adapte. Mais surtout je préfère des lieux vivants, une vraie acoustique de salle qui me permet de faire vivre mon son.
Restituer une empreinte sonore, en respectant l’environnement spatial
SLU : Qu’est ce qui a changé depuis la première fois où nous avons écouté ton idée ?
Alain Français : Plein de choses. D’abord elle porte un nom, Learprint ou en français l’Empreinte de l’Oreille, et elle est déposée à l’INPI. J’ai effectué des réglages qui me permettent désormais de pouvoir travailler aussi avec des petites formations avec lesquelles le résultat sonore est tout aussi bon. Et surtout, en rédigeant mon descriptif pour le déposer, j’ai compris pourquoi ça marche. Le fait que chaque micro ne soit pas trop isolé des autres créé une mise en espace temporelle en fonction des haut-parleurs.

SLU : Il y a aussi plus de haut-parleurs…
Alain Français : Oui, avec l’aide de Yamaha qui me suit depuis le début de l’aventure, j’ai aussi obtenu celle de Christian Heil dont j’utilise la 8Xt, la 108P et la 112P et enfin, la collaboration totale de Richard Garnier pour Works, un décorateur qui a fait que ce que je montre a aussi de la gueule. Je ne pose plus les enceintes sur des fly-cases (rires). On a décidé de scénographier l’ensemble avec Martin Veith qui est architecte et ami. Il a encore beaucoup d’idées pour faire évoluer le tout.
SLU : Tu n’es donc pas « maqué » à une seule marque d’enceintes. D’ailleurs le pourrais-tu.. ?
Alain Français : Non, je veux pouvoir choisir la marque et le modèle très précisément en fonction de mes besoins, j’ai donc un partenariat avec Yamaha et L-Acoustics pour certains produits, et j’ai acheté des systèmes triphoniques sur mes propres deniers.

SLU : Quel type de salle peux-tu investir ? N’es-tu pas limité en pression sonore et en dynamique par ton choix d’enceintes ?
Alain Français : On peut les multiplier. On est par exemple passé à 6 systèmes pour les V1 (les violons NDR) et 6 pour les alti, l’un étant interdépendant de l’autre, mais rien n’empêche d’aller au-delà et monter à 8 satellites pour les V1, 6 pour les V2, 6 pour les alti et on peut doubler les celli.
Pour ces derniers d’ailleurs j’ai fini par mélanger deux marques d’enceintes pour obtenir le rendu qui m’intéresse. C’est drôle car je démarre toujours par l’enceinte la plus performante pour ensuite descendre en gamme jusqu’à trouver le timbre et la directivité que je veux.
Si je mets par exemple une 8Xt sur la petite harmonie (les bois NDR), ça sonne trop bien, c’est trop beau et pas assez fragile comme les instruments peuvent l’être.
SLU : Le mieux est l’ennemi du bien ?
Alain Français : Oui souvent. Je m’en remets volontiers à une phrase de Pierre Henry avec lequel j’ai eu la grande chance de faire un concert et qui disait que les micros doivent être choisis pour leurs défauts.
Avec les enceintes c’est un peu pareil. La meilleure n’est pas la plus crédible sur un instrument spécifique.
La meilleure enceinte que j’ai pour les timbales est chez moi et j’y tiens beaucoup. Il s’agit d’une paire de Tannoy de 1969 avec des haut-parleurs gold de la période Lockwood. La 112P qui s’en charge est trop riche…
SLU : Et tu ne veux pas trop tailler dedans !
Alain Français : Non, je préfère rester droit.
Des traitements minimalistes
SLU : En ce cas à quoi sert ta console Eclipse ?
Alain Français : On fait tout de même un traitement pour certains instruments qui ont par exemple besoin d’être plus précis qu’ils ne le sont dans la réalité, et si nécessaire on rajoute un peu de réverbération mais cette dernière opération est faite dans le Nuendo. Le reste est dévolu à un DME Yamaha qui va se charger du processing de distribution par enceinte avant d’attaquer les amplis. Comme je n’ai pas les moyens de m’offrir un LA8 ou 4 pour la 8Xt, je fais moi-même mon preset. J’ai fait des mesures, et ça colle assez bien.
J’ai agi de la même manière pour les systèmes triphoniques ainsi que pour les deux subs de l’installation qui sont l’un sur les contrebasses et un peu le tuba et l’autre sur les percussions.

SLU : On a donc un couple console et Nuendo.
Alain Français : Oui car le Nuendo piloté par Nuage me sert de mixeur à proprement parler et apporte sa petite alchimie. L’Eclipse dans notre cas de figure ne sert qu’à recevoir les micros, régler leur gain et ensuite les distribuer en MADI au Nuendo. On doit avoir dans les 55 signaux en 48/24.

SLU : Petite alchimie ?
Alain Français : Oui, je peux par exemple router un instrument ailleurs que simplement là où il devrait aller pour avoir un peu plus d’ouverture. La timbale par exemple, je peux l’envoyer, outre sa 112P, aussi dans les enceintes adjacentes en partant du principe que, de toute façon, les micros repiquent assez largement cette source par définition très bruyante.
SLU : Puisqu’on parle de repiquage, décris-nous un peu comment tu t’y prends..
Alain Français : J’ai en l’air une dizaine de micros avec un couple stéréo classique plus deux points dans les cordes, deux points en extrême, deux points en couple au lointain et enfin deux points en ambiance en extrême au loin. En plus de tout ça, j’ai une quarantaine de micros de proximité où, l’acoustique le permettant, j’ai laissé de l’air sur certains instruments, environ deux mètres.

SLU : Que fais-tu des prises de tes 10 micros d’ambiance ?
Alain Français : Cela me sert à capter le son de la salle de prise et à ambiancer celle où je joue, la quantité bien sûr est fonction du lieu où se situe la reproduction.
SLU : Comment travailles-tu ? Est-ce que tu passes continuellement de la salle où joue l’orchestre à celle où joue Learprint puisque tu as la chance d’avoir les musiciens la porte à côté ?
Alain Français : Oui! J’ai en revanche constaté quelque chose. Quand je mixe des sons avec ce procédé, la séance ne dépasse pas 3h30 car passé ce temps, tu es crevé. Tu ne mixes pas en stéréo, tu traites au contraire un instrument dans 40 enceintes en gérant à chaque fois un espace complexe, ce qui se révèle très fatigant. Ce qui en revanche est drôle, c’est que tu te retrouves à travailler d’une façon assez classique à l’aide d’un couple principal dans lequel tu vas ajouter tes appoints. La base reste les cordes et ensuite tu « descends » dans l’orchestre petit bout par petit bout. Comme l’approche est similaire, cela me permet d’appréhender le CD assez facilement.
SLU : Tu fais les deux choses en même temps ?
Alain Français : Oui et non. C’est Mireille Faure qui est en charge de la direction artistique pour ce projet. On partage la prise de son mais c’est elle qui tout en étant free-lance, est attachée à l’orchestre et est responsable du CD.
SLU : Comment vous êtes-vous partagé le choix des micros. Vous avez des besoins différents.
Alain Français : J’ai fait peu à peu quelques compromis et ils se sont révélés être proches de l’expérience que j’ai de l’orchestre. L’approche du classique est complètement différente de la nôtre, mais on peut se rejoindre. J’utilise par exemple des Sennheiser 8050 ou des MKH50 que les gens du classique connaissent peu ou pas. Le MKH50 par exemple offre une certaine directivité. Si elle ne te va pas, tu passes au MKH40 qui ouvre un peu plus. La balance tonale ne change pratiquement pas ! Quand tu passes du 184 au 185 Neumann, le son est très différent, sans parler du 143. Dans l’orchestre j’ai aussi des MKH-8090, j’ai permuté avec des 8050 sans sentir de changement de couleur d’ensemble.

SLU : De ce que j’entends, tu ressens donc pour Learprint le besoin de pointer sur des instruments précis avec des micros directifs pour contrairement à une prise classique…
Alain Français : Oui absolument, je dois discriminer un peu, surtout lors de tutti où, lorsque tu es à la place des cordes, tu ne les entends pas. L’avantage du 8050, face à un hypercardioïde traditionnel, est que ça ne va pas te vriller l’oreille. Mais j’ai aussi deux omnidirectionnels Neumann KM133 que je remélange dans les cordes.
SLU : Cela prend du temps de déployer Learprint dans une salle ?
Alain Français : Non. J’ai été très étonné mais on a fait relativement vite et encore, c’était la première sortie officielle, on ne pourra que gagner du temps les fois prochaines. Ce qui a pris du temps, c’est la partie enregistrement. Rien que le choix des micros a pris une journée entière car il faut que ça colle pour les deux usages. On a donc écouté des mises à plat stéréo et des matriçages dans Learprint pour certains capteurs avant de les valider. Tous les micros sont utilisés pour Learprint mais pas forcément pour le CD qui en emploie moins.
Un paysage sonore naturel grâce à une diffusion « temporelle »
SLU : Je me mets à la place de nos lecteurs et je me dis qu’ils doivent se demander quel type d’espace tu recrées avec Learprint.
Alain Français : Je dirais que c’est une diffusion temporelle. Quand tu la joues, tu ne fais que resituer là où se trouvent réellement tes sources. On a fait des essais avec une autre installation qui n’est pas encore connue et qui a été pensée par une personne qui est venue me la présenter. Ca repose sur une sorte de gros 5.1 avec un processeur. Malheureusement cela reste un plan assez plat même si à l’aide d’un traitement évolué au niveau de la phase, une certaine vie y est injectée. L’avantage de Learprint est de n’avoir recours à aucun tripatouillage d’aucune sorte sur le son. Le placement des micros à la prise et des enceintes à la diffusion construit l’ensemble qui vît aussi avec les destructions qui surviennent naturellement au niveau de la phase. C’est même ça qui est le plus intéressant.
A l’arrière du lieu de diffusion et là où va se trouver le public, Alain diffuse dans des petites enceintes Yamaha NXW, 4 canaux dérivés des couples de micros d’ambiance et du couple extrême afin d’augmenter encore le réalisme. Cet ajout est extrêmement important pour recréer une acoustique proche de celle de la salle de captation. Comme l’ensemble de Learprint, cet ajout est totalement modulable en fonction des besoins et des envies et peut aller jusqu’à ceinturer aussi « l’orchestre » d’enceintes, afin de bâtir une acoustique vivante et réaliste en excitant l’ensemble des murs périphériques ; une sorte de traitement acoustique.
Learprint pourra aussi évoluer et grossir, voire faire des petits. Alain dispose d’un important stock de systèmes triphoniques qui lui permettront de pouvoir le déployer dans de nombreux lieux. Il sera aussi possible d’augmenter la pression sonore en incorporant par exemple des 105P L-Acoustics pour renforcer le bas du spectre.
SLU : Ce type d’installation requiert aussi un vrai savoir-faire au niveau du placement des micros…
Alain Français : Bien sûr. En dehors de cette exploitation assez particulière, il faut toujours adapter tes micros à l’usage que tu en fais. Tu es obligé de savoir comment ils marchent et comment est conçue leur directivité. Il y a encore quelque chose de très important et que j’ai montré à Mireille (Faure, Responsable artistique du CD NDR) qui l’a reconnu : le couplage entre l’instrument et le sol. Il y a plein de bouquins qui montrent le diagramme de diffusion d’un instrument mais l’effet du couplage avec le sol n’est jamais pris en compte. Un cello ou une contrebasse s’appuient énormément contre le sol, du coup dans ma captation je me base énormément sur ce paramètre.

Learprint t’oblige à réfléchir à cet aspect car puisque tu l’entends, tu te dois de le reproduire. Il y a beaucoup d’écoles de formation aux métiers du son et c’est bien que des jeunes y aillent pour apprendre les bases, mais le « sur le tas » est tellement important qu’il faut faire attention à ne pas rester verrouillé au contenu des bouquins et des cours.
Il faut se confronter au réel, essayer et adapter. La théorie peut et doit être adaptée. C’est comme si on te disait qu’il ne faut employer qu’un seul micro parce qu’il est bon. Non, il faut chercher celui qui est le meilleur pour chaque usage.
Un autre exemple. Le basson produit du son par le bas de l’instrument et aussi par le haut. En bas c’est très délicat mais très faible, en haut le son est puissant mais très agressif. Si on va au plus pratique en plaçant un micro par le haut, on ne récupère qu’un mélange des deux et beaucoup d’autres instruments, mais surtout on aura une prédominance de son agressif.
J’en ai parlé aux deux bassonistes de l’orchestre et ils ont convenu que la sonorité la plus agréable de leur voisin, on s’entend très mal quand on joue ce type d’instrument, provenait bien de la partie basse de l’instrument. On a déplacé le micro en bas et depuis on est super content du rendu des bassons.
SLU : Alain, l’orchestre qu’on entend, au loin (et dans mon dictaphone NDR), c’est le vrai ?
Alain Français : Ahh non, c’est le faux (rires). Ils sont en pause et en plus l’isolation de leur salle de répétition est parfaite. (Alain 2 Ludo 0) En plus je peux jouer plus fort, j’ai de la marge.
SLU : As-tu mesuré justement la moyenne du vrai orchestre et la tienne ? Un LEQ assez long en somme.
Alain Français : Non, mais je vais le faire, j’ai les outils pour ça. J’aimerais savoir si je suis dans la même dynamique.
SLU : Tu compresses quelques sources ou tu laisses droit ?
Alain Français : J’ai deux ou trois instruments que je suis obligé de compresser légèrement car la prise s’opère trop en proximité, mais le reste est libre et je peux donc respecter au mieux la vraie dynamique d’un orchestre. Entre l’entrée du Requiem de Verdi qui est frappée sur les celli et le Dies Irae, il y a une montée de 7 minutes colossale, et quand tu arrives justement au Dies Irae, c’est une folie furieuse. On y arrive sans problème et sans agression avec Learprint. Ca passe.
SLU : Comment te situes-tu par rapport à tous les systèmes de diffusion multicanaux ou face aux derniers systèmes qui jouent sur la phase pour localiser une source ?
Alain Français : C’est un pied de nez. Le commentaire le plus habituel auquel je suis confronté est « là on est dans le vrai » . Il existe des systèmes qui te sortent la chanteuse tel un hologramme sonore, mais tu te déplaces d’un mètre et tu ne l’as plus, elle est partie, je ne sais pas où. J’écoute beaucoup de bandes son cinéma en 5.1. C’est d’une pauvreté navrante. D’abord les mecs n’osent pas car ils ont trop peur de la diffusion et de la façon dont leur travail va être exploité dans le salon de monsieur tout le monde et puis le principe même du multivoie crée un espace très limité.
Les exploitations envisageables
SLU : Comment peux-tu maintenant proposer Learprint au public…
Alain Français : Idéalement il faudrait que le public le découvre. Ce serait chouette de pouvoir s’installer quelques mois dans la salle d’un musée pour que les gens puissent venir voir l’objet et appréhender sa façon particulière de délivrer du son. Ils pourraient faire un voyage temporel.
SLU : Mais je pense à la Philharmonie de Paris, ce serait idéal et logique d’aller là-bas, non ?
Alain Français : On a eu leur visite et l’idée a été évoquée mais malheureusement ça risque de ne pas se faire à cause d’un budget trop serré. (Et qui a encore diminué le 16 décembre 2014 où une baisse des subventions publiques a été annoncée NDR). On aurait aussi pu participer à l’Expo Boulez à la Cité de la Musique qui se tiendra de mars à juin 2015 mais ça ne pourra pas se faire car on ne parvient pas à avoir les bandes magnétiques d’époque. Ce qu’il faut en tous cas, c’est éviter d’ajouter de l’image au son. Toutes les personnes qui ont découvert Learprint, environ 200, ont exprimé le manque de ce qui nous inonde au quotidien, à savoir l’image. Le problème est que cela écrase en 2D le rendu spatial de Learprint et cela enlève la construction mentale que l’on se fait de l’orchestre en le montrant.

SLU : Learprint pourrait devenir un outil pédagogique..
Alain Français : Bien sûr. On parlait de la Philharmonie. Ce serait formidable qu’elle puisse enregistrer les œuvres qu’elle joue en se créant une médiathèque dans laquelle aller piocher des extraits à des fins de travail en les rejouant au travers de Learprint. Chaque membre des différentes formations pourrait s’écouter, et il en va de même des chefs ou même du public qui pourrait attendre en musique le concert du soir.
Il faudrait simplement écrire et respecter à la lettre un standard de captation qui permettrait par la suite une diffusion dont le matriçage, la recherche des niveaux et la pose éventuelle d’ambiances autres que celle de la salle où s’est déroulé l’enregistrement, soit le plus simple et rapide à mettre en œuvre. De toute manière, il est possible de mémoriser le tout donc, une fois en boîte, l’œuvre pourrait toujours être rejouée à son plein potentiel.

On peut aussi imaginer au sein d’un complexe multisalle, une d’entre elles qui serait tout simplement la Learprint et où chaque jour via une médiathèque, y seraient jouées des pièces de musique. Telle semaine par exemple au Learprint de Bordeaux se jouerait L’oiseau de feu de Stravinsky.
Les gens pourraient enfin redécouvrir le vrai son à des années-lumière de ce qu’on leur propose sur CD, à la radio ou pire encore en MP3, et surtout il serait possible de se balader dans l’orchestre pendant qu’il joue quelques minutes avant et après le concert pour ne pas gêner la diffusion de certains instruments quand on se place devant.
SLU : Comment situes-tu Learprint dans ton parcours professionnel ?
Alain Français : Pour moi c’est un peu une vie de boulot. J’ai toujours été considéré comme un homme un peu atypique mais tenace avec la particularité de ne jamais faire les choses comme les autres. Quand je vois la Premier violon de l’ONDIF aussi emballée par Learprint, je suis heureux. J’ai toujours fait des choix dictés par le plaisir plus que par l’appât du gain. « De Préf » est construit de la même façon avec une super équipe avec laquelle on avance depuis quinze ans en s’éclatant, et Learprint est né dans le même moule. La manière avec laquelle Yamaha a décidé de nous accompagner, Christian Heil, Works et maintenant Sennheiser, tout cela c’est du bonheur.
SLU : Et maintenant quels sont tes projets ?
Alain Français : Maintenant que nous avons de la musique et les droits qui vont avec, on va s’y mettre. Je vais peut-être monter une démo à partir des différentes œuvres que nous avons mises en boîte. J’ai des contacts qui commencent à prendre forme.

Dominique Guerder (associé De Préférence et Chargé de projet Learprint) : L’exploitation de Learprint est la grande question qu’on se pose depuis trois ans avec Alain, et on se confronte à différents problèmes.
D’abord nous sommes des techniciens et pas des artistes, ce qui ne nous aide pas du tout dans nos démarches, et puis comme toute nouveauté, Learprint suscite une certaine inertie. Les gens sont intéressés mais… lentement. Ca va venir !
Sennheiser France, un partenaire particulier
Présent et bien présent même grâce au prêt de beaucoup de matériel et à l’organisation des rendez-vous de découverte de Learprint, Sennheiser France par la voix de Guillaume Ehret a répondu à quelques questions.
SLU : Comment ça se fait que vous êtes présents aujourd’hui ?
Guillaume Ehret (Responsable micros numériques) : C’est une collaboration naturelle avec Alain sur son projet novateur et avec Mireille qui réalise le CD. Quand tu sais qu’un des claims de Sennheiser est la recherche du son parfait, on ne peut pas ne pas accompagner Alain dans son aventure Learprint alors qu’il prend à sa façon, la même direction.

Il fait partie de notre réseau de prestataires ou de loueurs disposant d’un parc d’au moins 16 capteurs numériques, nous avons donc complété son stock jusqu’à atteindre le chiffre de 52 micros numériques ou numérisés comme le devient le MKH-800 Twin, une fois passé par le module convertisseur MZD 8000.
Comme ce module est stéréo, il convertit les deux canaux du MKH-800 Twin. Ce micro a la particularité d’offrir le choix de la directivité après enregistrement et pas avant.
SLU : Vous disposez d’autant de capteurs en démo ?
Guillaume Ehret : Le groupe Sennheiser dispose d’un kit qui sert à supporter des événements importants soit en termes de communication ou bien des projets novateurs. Ce kit est assez large pour couvrir un grand orchestre, tout en donnant la possibilité de choisir son micro. Il était important qu’Alain puisse débattre et décider lequel prendre dans notre gamme et comment le placer pour obtenir le meilleur résultat.
SLU : Je vois pas mal de têtes à directivité très large, hypocardioïdes.
Guillaume Ehret : Oui. On s’est rendu compte, grâce aux retours de nos clients et utilisateurs, que par exemple le KM184 en version numérique cardioïde est moins intéressant en termes de directivité comme en termes de rendu sonore que la version analogique. Avec la version D on va soit chercher à focaliser sur les sources, soit au contraire avoir plus d’air. Nous disposons pour cela de toutes les têtes nécessaires et qui existent depuis très longtemps. La KK143 de la série KM est assez peu connue, mais c’est amusant de voir qu’au travers l’utilisation de kits numériques, elle revient à la mode et délivre un grave magnifique et très naturel.

SLU : Ce n’est donc que du bonheur pour vous ce genre d’opération puisque vos produits sont mis en valeur par une captation de qualité et une diffusion de qualité. La boucle est bouclée.
Guillaume Ehret : Mieux que ça même puisque des moniteurs numériques Neumann sont utilisés en sortie de l’Innovason Eclipse. On va jusqu’au bout du raisonnement.
SLU : Pas tout à fait puisque je ne vois pas d’enceintes de votre marque dans Learprint.
Guillaume Ehret : Ce n’est pas faux et ça fera partie d’une discussion avec Alain. J’espère qu’un jour on pourra déployer Learprint au Campus de l’Innovation chez Sennheiser à Hanovre et ce jour-là (rires !!) ta question prendra tout son sens et ça sera un sujet de débat intéressant, même si la démarche d’Alain consiste à choisir ses enceintes en fonction de critères très précis et qui ne correspondent pas forcément aux nôtres.
Difficile à expliquer et à décrire, Learprint captive immédiatement et ce, même derrière une porte entrouverte. Nul n’est parfait, et l’existence même d’une chaine électroacoustique de captation, traitement et reproduction prélève forcément sa dime sur la complexité sonore d’un orchestre, il n’empêche que pour la première fois on retrouve la masse, la densité, la profondeur, le relief, le détail et la dynamique explosive de cet ensemble, et en s’approchant des différentes enceintes, on redescend à l’essence même de ce qui le compose.
Désormais la « technique » dispose du même pouvoir de séduction et d’émotion que seul l’orchestre jouant en direct peut générer. Je comprends que cela puisse faire peur à certains décideurs. Magicien Alain ? Oui un peu, mais avant tout un remarquable constructeur de son, aussi bon dans la captation où il excelle que dans la reproduction ; dans le réassemblage d’un espace qui vit et s’ouvre sous vos yeux. Le champ d’applications est forcément immense. Quelle salle de musique classique pourrait se passer de Learprint, outil spectaculaire et immensément pédagogique. Quel musée, école de musique, boîte d’événementiel, casino de Las Vegas, Futuroscope, musical de Broadway, house of worship, complexe multisalle pourrait ne pas succomber à ce qu’il convient d’appeler le fossoyeur du multivoie.
Depuis toujours on s’interroge sur la meilleure façon de reproduire du son dans un espace. Alain livre une réponse très convaincante, aussi complexe que convaincante. Idéalement, il faudrait parvenir à codifier précisément la prise de son et à en faire de même avec la reproduction en termes de modèle d’enceintes, de placement et de calage des boîtes, ce qui permettrait de constituer une banque d’œuvres comportant les pistes audio et les metadatas capables de prendre la main sur le cœur de mixage/matriçage et amplification dans chaque salle équipée de Learprint. Ces metadatas comporteraient la nature des effets additionnels, certains niveaux et matriçages spécifiques et la quantité d’ambiances qui devraient être diffusées pour reproduire au mieux l’œuvre et la salle où la captation a eu lieu.
Et la phase me direz-vous… Les interactions, les accidents, tout paraît maitrisé et à aucun moment on ne ressent la moindre gêne. La construction de l’ensemble au contraire semble se nourrir de la superposition des sources. C’est bluffant.
Il ne manque plus grand-chose désormais à Alain pour concrétiser son rêve et faire de Learprint un objet du quotidien aussi beau qu’émouvant et puis ne dit-on pas qu’impossible n’est pas Français ? On ne manquera pas de vous tenir au courant des prochaines étapes de son développement. D’ici là prenez soin des poils de vos bras, ils vont sacrément se dresser le jour où vous l’entendrez.
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