Aussi à l’aise avec une Heritage qu’avec une Pro2, adepte du son bien ”fat“ et des boiboîtes, Ivan tricote un boulet tout en dentelle avec la jolie pop de Lilly Wood.N’en jetez plus, conquis est SLU !
Attachant et fatigué comme il se doit, Ivan Herceg nous accueille à bras ouverts et yeux cernés dans un Zénith de Paris qu’une immense boule à facettes assiégée de Sharpy et un parterre de 1000 m² transforment en piste de danse.
Deux canons à confettis sagement pointés vers cette dernière attendent leur heure et laissent présager d’un final grandiose. Malgré le fait qu’il s’agisse d’une tournée assurée par Dushow et Régie Lumière, c’est On Off qui régale lors de cette halte parisienne avec du d&b J calé et cocooné par Boris Jacquier-Laforge, Bobo pour les intimes. Installez-vous confortablement, nos deux compères sont tout sauf avares de leur temps !
Ivan Herceg lumineux ingé son façade !
SLU : Tu voyages avec quoi ?
Ivan Herceg (ingé son face NDR) : Ma console, mes effets, mes micros et mes DI. Je ne prends que la diffusion que je trouve dans chaque salle. En plus, si j’ai un souci au niveau du système, j’ai Julien Ravary qui officie aux retours et qui est super bon en diffusion.
Au lieu de discuter avec le gars de la salle qui se réfugie derrière la phrase type « mais pourquoi ? Tout le monde est super content, et c’est comme-ça depuis toujours », Julien fait des mesures, on fait quelques ajustements, et tout rentre dans l’ordre. Globalement le niveau est bon et on a peu de mauvaises surprises..
Mix en Midas : Pro2 + Heritage
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L’Heritage 3000 avec en arrière-plan la Pro2 de la tournée reléguée exceptionnellement à un rôle secondaire.
SLU : Si j’ai bien vu la tournée s’effectue en Pro2 ?
Ivan Herceg : Oui, une 24 faders, mais comme aujourd’hui on a beaucoup de lignes en plus, soit je rajoutais un stage rack sur la Pro2 et ça commençait à être compliqué à configurer pour une seule soirée, soit on mettait une analogique en la remplissant bien, et on gardait la numérique pour la chorale qui a elle seule emploie 12 lignes.
SLU : Tu as quand même dû recâbler la totalité de tes périphériques…
Ivan Herceg : Mais ce n’est pas moi qui l’ai fait (rires et regards en biais NDR) ! Cela étant, ça n’a pas pris longtemps dans la mesure où mon rack d’effets communique en XLR au stage en local de la Pro2 et je pars toujours avec des bretelles afin de parer à toute éventualité en festival. Comme on a tourné tout l’été avec le groupe, l’Heritage a vite été configurée.
SLU : Ça ressemble un peu à un festival d’ailleurs la régie ce soir.
Ivan Herceg : Oui, on fait régie et diff commune avec d’autres groupes qui ont joué hier et joueront ici même demain. Cela dit, la console est une demande spécifique que j’ai faite. J’aurais voulu avoir une 2000 ; pour faire les routings et les départs aux c’est plus simple car il y en a moins. Quand t’as des gros doigts comme moi, ce n’est pas évident d’atteindre les boutons de la 3000 qui est plus conçue pour les retours que pour la face. Concernant les routings, on doit faire quelques compromis pour envoyer par exemple du signal dans un bus à gauche car il faut le créer pour les deux côtés mais comme on a de la place on s’en sort bien.
SLU : Tu nous parles du choix de la Pro2 qui s’impose de lui-même, ne serait-ce qu’en termes de poids et encombrement non ?
Ivan Herceg : Le déclic sur cette console s’est opéré aux Francos où l’on vous pousse à opter pour les numériques mais où à la fois le temps manque pour vraiment en tirer parti. J’ai rencontré Gilles Gautrois de Midas (anciennement chez On Off NDR) qui me l’a présentée et je l’ai adoptée pour les 30 dates de la tournée. En revanche pour les Francos, j’ai gardé une Héritage. Un Line Check d’une demi-heure, ça ne permet pas de faire des folies ! J’ai d’ailleurs la même approche avec tous les festivals. J’ai beau avoir des mémoires pour quasiment toutes les numériques, je préfère une XL4, XL3, 3000 ou une 2000.
SLU : Tu as déjà travaillé sur des numériques…
Ivan Herceg : Bien sûr mais ce que j’aime chez Midas, c’est que les écrans ne sont pas tactiles et le rendu est assez proche de l’analogique.
Ivan allergique aux écrans tactiles des consoles numériques
SLU : Tu nous détailles tout ça ?
Ivan Herceg : Le son est analogique dans sa couleur et son ressenti, et quand par exemple tu bouges les faders, ça répond instantanément. J’ai ressenti la même chose avec les nouvelles CL Yamaha qui sonnent bien. J’aime bien aussi l’ergonomie avec les commandes en grand nombre et des écrans qui ne servent qu’à visualiser.
Je n’aime pas les écrans tactiles car à l’usage tu dois passer par eux à chaque fois que tu veux agir sur un paramètre donc écran, encodeur, à nouveau encore écran et ainsi de suite. C’est très dérangeant comme mode de fonctionnement. L’ergonomie des Vi, des CL5 ou des Vista par exemple est bonne, les consoles elles-mêmes sont bonnes, mais ne pas être obligé de toucher un écran est pour moi très important. Du coup j’ai plongé sur une Pro et Julien aux retours en a fait de même.
SLU : Même console et donc même stage rack…
Ivan Herceg : Non, nous n’avons pas de stage rack en commun car celui de la XL8 est très onéreux à la location et en plus, vu le nombre de périphériques dont je dispose à la façade, les 8 in analogiques et les 2 AES en local auraient été trop courtes. Il aurait donc fallu prendre un DL351 pour face et retours, plus un stage rien que pour la façade. Quand on sait que plein de salles ne disposent pas d’une ligne en AES50, il aurait fallu tout tirer. Comme les distances entre scène et régie ne sont pas trop grandes dans cette tournée, j’ai opté pour un stage DL251 que je garde à la console et un multi analogique pour véhiculer mes 30 lignes. Les retours disposent aussi d’un DL251. Le fait d’avoir mon stage rack à la console m’a permis de faire plein d’essais.
Le chœur durant les balances. Douze micros à lui tout seul !
SLU : 30 lignes sauf ce soir avec la chorale…
Ivan Herceg : Oui, ce soir nous en avons beaucoup plus car outre la chorale, nous avons aussi un sax, un invité, un micro en spare pour la chanteuse qui est en HF Beyer TG V70 sur un émetteur TG1000.
Il s’agit d’un prêt. Nous avons détourné l’usage de ce micro qui est fait au départ pour des petites voix et on l’a mis à une chanteuse qui en a une grosse. Ça donne un rendu intéressant.
Entre le son “produit” et la patate rock
SLU : Comment définis-tu le son de Lilly Wood & The Prick, plutôt le tien ou le leur ?
Ivan Herceg : Ils ont leur son et leur style à eux. Il est vrai aussi que la manière de rentrer dans les machines est plus personnelle. C’est ma manière de mixer, c’est ainsi que je trouve un bon équilibre et le groupe n’est pas contre. Enfin, je suppose que ça leur plaît (rires) ! Je respecte aussi beaucoup la façon dont sont produits les disques. Si par exemple dans un titre il y a une grosse réverbération sur un coup de caisse claire, je vais la mettre aussi en live.
Cette production raffinée est une des signatures du groupe et je me dois de la respecter. Je joue pour cela aussi beaucoup avec les niveaux. Les voix sont assez en dedans mais, pour donner de la dynamique, je rentre parfois des guitares à fond, quasi démesurées, et ça marche bien. C’est leur son, ils ne sont pas rock pur basse/batt mais pop rock assez produit.
SLU : Tu bosses pour eux depuis quand ?
Ivan Herceg : Depuis leurs débuts, pas loin de 5 ans je crois. On a commencé dans des clubs avec 30 personnes. Maintenant on fait des salles de 800 à 1200 avec un chouette tour bus et un bahut de 70 m3 pour le matos. Il est assez grand pour ne pas avoir à tiper les flight cases. (tiper de to tip anglais, empiler les racks ce qui casse le dos, c’est une expression TRES utilisée dans le métier NDC)
SLU : C’est un style de pop rock moderne Lilly Wood…
Ivan Herceg : En quelque sorte, tout en sachant que chaque titre a sa personnalité, son tempo et son atmosphère. On quitte par moment la pop pour la ballade aérienne, et le coup d’après on se cogne un gros son dancefloor. La recette n’est pas de compresser pour compresser.
Un rack d’effets complet et très festival avec le DN370 en “range 12” utilisé essentiellement pour sculpter un rendu plaisir et ensuite remis assez à plat sauf à 250Hz ou le mix a besoin d’être désépaissi !
SLU : Mais tu compresses pas mal (rires) !
Ivan Herceg : Oui, mais ça fonctionne. Je relâche parfois certains trucs et d’autres je les charge. La chorale par exemple je la fais transiter par le Space Echo Roland pour lui donner un style un peu planant (très réussi NDR)
SLU : Tu fais quoi par exemple au G/D de ta 3000 ?
Ivan Herceg : Je passe au travers du DN370, mais j’ai aussi en insert sur le bus master de la table le compresseur SSL XLogic cascadé avec un égaliseur passif Lindell PEX500 pour redonner des couleurs au bas qui en perd dans le compresseur et redonner un poil de brillance à l’aigu.
J’agis très discrètement. Si on le “by-pass”, ce n’est pas le jour et la nuit mais ça fonctionne bien et ça complète bien le SSL dont j’ai la nouvelle génération, et pas la 384 qui avait des VCA de chez dbx et un bas plus plein.
J’aurais pu confier le bas du spectre uniquement au système, mais j’ai préféré le regonfler moi-même en amont.
SLU : Ton Fatso est aussi sur le G/D ?
Ivan Herceg : Naaaan, il est sur la basse, sur les deux lignes. Je n’utilise que des DI pour son repiquage, aucun micro.
La voix de Nili en détail
Le rack additionnel d’Ivan contenant de quoi faire sonner n’importe quelle voix. Une belle réverbération Lexicon tout d’abord, la PCM91, puis un célèbre égaliseur dynamique BSS, de DPR-901 et enfin un des compresseurs les plus répandus, à juste titre, le Distressor d’Empirical Labs.
SLU : Comment traites-tu la voix de Nili ?
Ivan Herceg : Il y a un peu de monde. J’insère, via un rack d’alimentation pour deux racks au standard API, un module de compression à FET, le Pete’s Place Audio BAC-500, et un égaliseur à transistors, le Alta Moda AM-25. Comme habituellement je me sers des Dynamic EQ dans la Pro2, j’ai ajouté en sécu un DPR901 sur le trajet du signal pour pouvoir mieux tenir sa voix quand elle envoie et enfin j’ai un Distressor en mode très cool.
On peut les insérer tous les deux ou pas. Le compresseur qui fait vraiment le son c’est le BAC-500 grâce à son side-chain vocal. Il dispose de 3 positions : Flat, coupe-bas et vocal. Il y a deux étages de side-chain en fonction du niveau et de la fréquence. C’est très bien fichu sur les voix. L’égaliseur Alta Moda me sert essentiellement en coupe-bas ; si je le retire, le son de la voix devient un peu pâteux.
L’Heritage 3000 au-dessus de laquelle repose l’iPad mini d’Ivan en double écran avec notamment un traceur assez lent pour garder en mémoire un point d’accrochage le temps de le débusquer.
SLU : Qui profite du Boiler ?
Ivan Herceg : C’est sur un bus de claviers, il poisse leur son et ça les compresse aussi un peu. Tu remarqueras que les capuchons des potards ne sont pas ceux d’origine, mais au moins on voit le réglage et on ne perd pas de temps avec du gaffer ou du crayon.
Pour le reste, j’ai des effets assez classiques mais disposant tous de mémoires par titre. Vu la difficulté d’en changer, par exemple sur le D-two, je me sers de Set List Maker sur iPad au travers du Mobilizer de Line6 qui génère du MIDI pour piloter tout ce petit monde.
SLU : Tu te sers des effets internes de la Pro2 ?
Ivan Herceg : Non pas trop, je ne les aime pas. Je suis fan de cette console mais je préfère utiliser des effets externes, d’autant que certains comme le Space Echo sont très spécifiques. J’ai le RE3 qui est années 80 et très chimique avec un multi-tap, un floater et une réverbe complètement “has been” mais qui donne vraiment de l’air, et qui a été employée dans le mix du premier album du groupe. La tc 4000 me sert sur la batterie et les délais sur les voix et encore sur la batterie lors de certains morceaux. Le ressenti de certains titres serait faussé sans ces effets qui façonnent le son de Lilly Wood.
SLU : Le petit préamplificateur en dessous ?
Ivan Herceg : Le Great River ? Il me servait à salir la caisse claire, à la cruncher. Je rentrais au niveau ligne dans son entrée micro. C’est intéressant mais bon, avec l’Heritage…
Gros plan sur les deux pédales SubDecay et ModFactor. Juste au-dessus et éteint le préampli salisseur de snare Great River et encore au-dessus l’inusable Yamaha 990 dévolue sur le programme 19 à faire une Big Snare !
SLU : Parle-nous de tes pédales.
Ivan Herceg : J’ai un chorus Eventide, le ModFactor. Il me sert beaucoup sur les guitares pour booster les soli sans trop toucher aux niveaux. La gratte s’ouvre partout et ça marche bien. Je fais pareil pour 3 titres sur la voix. C’est le mieux que j’ai trouvé pour obtenir ce type d’effet.
La SubDecay est une pédale de guitare et une étrangeté à elle toute seule. C’est une réverbération qui poussée à fond génère une nappe de 5 minutes. Pour générer des textures sur les voix et les chœurs, elle est super.
Un racks bien farci d’effets appartenant à Ives dont deux racks au format API de A Designs et repérés 500HR et en dessous le Boiler customisé avec des capuchons vintage du plus bel effet ! Remarquez les deux pédales SubDecay et ModFactor, la première des deux passant par un ampli symétriseur Phoenix Audio aux potards rouges.
Son seul défaut c’est son impédance qui ne correspond pas à celle des consoles professionnelles, donc je l’ai symétrisée à l’aide d’une DI qui colore un peu et qu’on n’utilisait pas à cause de ça, la Phoenix Audio NiceDI en classe A.
L’avantage d’avoir une pédale en guise de réverbération c’est l’accès immédiat au réglage de durée via un potard rotatif. L’inconvénient c’est qu’elle souffle un peu, mais quand on sait ce qu’envoient les amplis guitares ou les grattes, ce n’est pas bien grave.
SLU : Tu symétrises toutes les liaisons avec ces vieux appareils ?
Ivan Herceg : Oui, j’ai des transfos d’isolation en boîtier Palmer, surtout quand je rentre dans des entrées micros comme avec le second Space Echo que j’ai posé sur la console.
Un sacré rack de traitements dynamiques : Avalon, Drawmer, BSS et DBX. On a beau aimer le numérique, voilà un déballage de bijoux assez irrésistibles.
SLU : Tu profites des racks d’accueil mis à ta disposition par On Off ?
Ivan Herceg : Bien sûr ! Je me sers des noise-gates Drawmer, des classiques 201 sauf pour le pied où j’ai un 501 qui est plus complet. J’aime bien le son de l’étage de sortie du 241 quand je mets, comme les anglais, un peu de gain en sortie. Un kick, tu ajoutes 5/6 dB en sortie et 5 dB en moins sur ta console et boum, il se passe quelque chose de plus organique.
A côté, j’ai un générateur de sub-harmoniques dbx, un 120A, que j’ai appelé “infra, sa mère” après avoir entendu un spectateur dire un soir “oh putaing, y’a de l’infra, sa mère !” Je l’utilise sur les deux micros du pied, mais sans doute pas ce soir, et sur le tom basse de la chanteuse pour qu’il devienne ENORME. C’est drôle car c’est un petit modèle et du coup il sonne très gros.
Au-dessus du stage Midas DL251, un Powergate DS501 Drawmer, sans doute le gate ultime, puis le synthétiseur de subharmoniques DBX 120A amicalement rebaptisé « infra sa mère » par Ivan. Le compresseur Drawmer DL241, enfin, fait aussi un peu le ménage mais pas dans les coins comme le 501 !
SLU : Mélange identique entre les deux micros de la grosse caisse ?
Ivan Herceg : Non, ça dépend. Sur certains morceaux je fais claquer le pied, sur d’autres plus softs je l’arrondis. Ca varie aussi de salle en salle. Je relâche parfois les “gates” pour éviter que ça ne mange trop les attaques sur des titres moins rock. Après je compresse le groupe de kick, et j’en fais de même avec le groupe de snare.
J’agis toujours de la sorte. Je prends les deux micros du pied et les deux de la caisse claire dans des bus séparés où j’insère les compresseurs. Ça permet de nettoyer avant d’aller dans le bus, et par exemple de faire vivre le timbre de la caisse en fonction de la frappe.
SLU : D’autres trucs sympas ?
Ivan Herceg : Oui, on se sert pas mal des Radiall JDX à émulation HP sur les guitares et la basse. Ce sont des DI dites à Impédance Réactive qui réagissent au signal issu de l’ampli mais aussi aux retours des HP. Le résultat est bluffant de naturel même sans micro additionnel et chaque DI accepte 300 ohms. Pour la basse aussi c’est super bien. Bien sûr, si tu assumes le son de l’ampli et le gars joue au médiator, ça marche bien avec un simple micro, mais quand tu joues un peu cool et au doigt, c’est moins intéressant.
Les micros appartiennent à Ivan
SLU : Tu as dit que tu te sers de tes micros…
Ivan Herceg : Parce que c’est vrai, ce sont mes micros, je ne me sers pas de ceux d’un prestataire, ça n’a aucun intérêt sauf pour la paire d’over head, ici des 414 AKG car ils sont assez fragiles, et je préfère les demander à chaque fois. J’ai énormément de micros, je les emmène en résidence, je teste un 201, un i5, un 57, un Bêta, un 421, les Audix, les statiques, les 535, bref, j’ai tout un parc de micros qui couvre 95% des besoins.
SLU : Donnes-nous ta batterie.
Ivan Herceg : J´ai un D6 en kick out et dans le fût un Shure SM91 vieille version avec le gros préamplificateur. Sur la snare, dessus un i5 Audix et dessous un AKG 535 à -14, un micro très bright qui encaisse pas mal et comme il a un pad, tu ne fais pas “fumer ta table”. Sur la charley on a un 451 monté en CK1. Pour les toms un Audix D2 et un D4, un Shure 57 sur le tambourin et des AKG 414 pour les over.
J’ai aussi des DI en classe A et des amplis guitare. Je préfère avoir mon matériel, comme ça je suis maître du son que je fais. J’entretiens et modifie les amplis moi-même ce qui est indispensable car ils souffrent après 70 dates de tournée. Je modifie aussi les DI. Outre les Radial JDX j’ai des JDV en classe A où je place par exemple une XLR en entrée du transfo. Radial c’est robuste et ça sonne, c’est ce que j’ai trouvé de moins cher et de plus costaud.
Posés au-dessus de la console façade, à gauche une pédale Boss Space Echo RE20 et à droite un enregistreur Zoom H6…
SLU : Tu enregistres chaque show ?
Ivan Herceg : Oui en souvenir. Je récupère le G/D et j’ajoute de l’ambiance avec les micros en MS de mon Zoom H6.
En général j’essaie de réécouter chaque concert en entier. Comme c’est la même console, on est sensé avoir une constance dans le son puisqu’on corrige la salle pour gommer les variations, mais en réalité ce n’est pas vrai.
Quand tu es sur de l’Adamson ou du d&b, ton kick et ta dynamique générale n’ont rien à voir, alors qu’au sortir du concert, le résultat te paraît très proche.
SLU : Puisqu’on parle diffusion, celle à ta disposition te convient-elle ?
Ivan Herceg : Oui absolument, c’est la même pour trois jours mais elle est très bien conçue pour la salle. Mon seul regret est l’absence de J-Infra. J’ai 12 J-Sub mais j’aurais aimé avoir 2 ou 4 Infra pour faire un ratio plus proche de ce que j’aime.
SLU : Ça descend déjà pas mal les J-Sub…
Ivan Herceg : Bien sûr que ça descend. Ce n’est pas pour en mettre plus… C’est comme jouer sur un mur de Marshall. Tu peux jouer au même volume avec un seul ampli, mais tu n’auras pas le même truc.
SLU : L’égalisation “plaisir” sur le Klark fait partie de ton son ?
Ivan Herceg : Oui, il ne s’agit pas d’une correction du système mais bien d’une touche de couleur personnelle que je recherche. Elle évolue quand même en fonction des systèmes que je rencontre de salle en salle. Le J par exemple marche très bien et est plus facile à gérer que d’autres références de chez d&b comme le Q1 ou le encore le C7 avec lequel on a du mal à bien faire sonner par exemple des guitares saturées. Le J est quasiment hi-fi.
SLU : Le Q et le C ne sont pas de la première jeunesse…
Ivan Herceg : C’est sûr, j’ai en revanche été très étonné par le V. Il ne sonne pas comme du d&b, il est plus droit et plus naturel, il n’a pas ce côté un peu “produit” des autres modèles, du coup c’est un peu plus dur à mixer mais ton travail ressort plus précisément. Il me fait penser à d’autres marques dont Adamson. Il manque peut-être un peu d’air mais tu peux le faire toi.
Je trouve que c’est une bonne surprise pour une boîte passive dont le sub cardio est aussi passif ! J’aime bien aussi dans les petites salles l’ARCS de L-Acoustics. Au lieu de mettre des line array partout, l’ARCS 2 c’est excellent. Ils ont refait le guide d’ondes et le rendu est naturel avec en plus une mise en œuvre super simple. Tu regardes la forme de la boîte et tu sais où elle va taper. J’adore.
SLU : C’est quoi le logiciel d’analyse dans ton ipad ?
Ivan Herceg : c’est une version du SMAART. Je m’en sers juste pour voir d’éventuels départs Larsen et suivre l’enveloppe de mon son, regarder si un truc tourne, pour des mesures on a le vrai, le 7 dans un portable. Je me sers du micro de l’iPad qui n’est pas parfait mais de 100 Hz à 8 kHz ce n’est pas mal du tout. Il a un mode de traceur si lent que t’as le temps de faire un Larsen sur le plateau et revenir à la régie pour voir où il est (rires) !
SLU : En dehors de Lilly Wood, pour qui mixes-tu ?
Ivan Herceg : Pour des groupes assez rock. Mademoiselle K, la deuxième tournée de Superbus, la dernière tournée Silmarils avant qu’ils n’arrêtent, les Rabeats…
Quand je ne tourne pas je fais un peu de studio mais bon, je suis un peu tout le temps fourré quelque part, et sinon je vais à la pêche. Je ne fais pas que du son ! J’entends le son à ma manière et ce n’est pas très rationnel.
Je ne calcule pas. J’adore essayer des trucs et des nouvelles machines bizarres, surtout celles qui ne sont pas faites pour l’usage que je vais en faire. L’idée est que chaque trouvaille génère aussi un défaut. Si on arrive à le régler, est-ce que le résultat final est meilleur que le système que je remplace ? Typiquement, on arrive à ce type de raisonnement avec des micros. Cette façon de faire vient aussi du fait que je ne veux pas m’emmerder ! Je ne me vois pas débarquer pour un show comme Lilly Wood avec une table et des snapshots. Comment peut-on faire des snapshots sur de la musique comme ça. Sur des comédies musicales oui mais là…
A gauche, Vincent Lherisson, le concepteur lumière de Lilly Wood assisté par Samuel Chatain, à droite, opérateur lumière.
SLU : Quand tu as des groupes archi produits, des couleurs différentes entre les titres…
Ivan Herceg : Non, on s’en sort sans problème avec des mémoires de mutes, plein de VCA et, par exemple, mon système de pilotage MIDI des effets. Le rock et la pop ça n’est pas millimétré à ce point ; un jour le guitariste va mettre un boost sur l’ampli et le lendemain pas ! Ça t’oblige à suivre mais au moins tu mixes réellement chaque soir, sinon tu ne penses plus qu’à changer de spnapshot à la fin du morceau et tu perds l’équilibre de ton travail. A la rigueur si t’es au Casino de Paris une semaine avec le même show…
SLU : Et si tu as une vraie embrouille, si tu es malade par exemple ?
Ivan Herceg : Le show aura lieu avec peut-être pas les effets aux mêmes endroits, mais il aura lieu, même si j’ai une gastro (rires) ! Quand tu mixes vraiment tous les soirs, tu te mets la pression tout seul pour être en bonne santé et pour ne pas être viré (rires) !
SLU : Tu constates une baisse de fréquentation dans les salles ?
Ivan Herceg : Non. C’est sans doute la crise mais les salles sont assez pleines. Le disque vend moins, mais les gens viennent au concert, au moins ceux de Lilly Wood. On a de la chance et en plus c’est mieux pour le son (rires) !
Le calage du système d&b façon BoBo
Sympa avec son accent parigot à couper à la machette, place à Bobo, le technicien délégué par On Off pour accueillir les techniciens lors des trois dates consécutives au Zénith.
Boris « BoBo » Jacquier-Laforge en pleine action juste éclairé par la grâce du R1 et de l’écran qui l’affiche !
SLU : Tu Baby sittes souvent pour On Off ? (horrible anglicisme, j’en conviens NDR)
Boris « BoBo » Jacquier-Laforge : Pas exclusivement, mais pour ces trois jours oui. Nous avons monté et exploité hier le système pour Vampire Weekend, ce soir pour Lilly Wood et demain pour BB Brune.
Ça tombe d’ailleurs bien puisque ces derniers vont prendre aussi l’Heritage mais s’il avait fallu changer, ça fait partie du job et ça n’est pas insurmontable (rires) !
SLU : Le kit de périphériques est standard avec la table analogique ?
BoBo : Pas forcément. Nous avons récupéré une régie qui a tourné à l’Olympia et comme l’ingénieur prenait beaucoup d’inserts, nous avons eu en dotation cette belle configuration. Chez On Off, tout est fait en fonction de la fiche tech du mec.
Une ligne standard Zénith pour d&b avec huit J8 et tout en bas pour mieux couvrir le parterre deux J12
SLU : Tu nous détailles le système de diffusion et surtout les petits ajouts en d&b Q ?
BoBo : J’ai un kit ouvert à 16 mètres avec huit J8 et en bout de ligne deux J12, le kit habituel Zénith qui passe très bien partout. J’ai un grand parterre à couvrir (j’ai mesuré 28×34 m environ NDR). Sur les côtés j’ai mis quatre Q1, et devant j’ai pris des Q7 car ça ouvre plus et du coup c’est moins violent. Si tu poses des Q1 en lip, les premiers rangs vont se faire défoncer la bouche (jolie expression, je ne la connaissais pas celle-là NDR). En parallèle j’ai fait exprès de bien ouvrir les J12 pour aller taper assez proche de la scène.
SLU : Tu travailles au SMAART..
BoBo : Oui, on va même dire à l’ancienne puisque ça marche. Je ne suis pas fan de la multiplication des points de mesure car plus tu en fais, plus tu lisses tes courbes et du coup c’est moins réaliste. Comme c’est une évidence qu’on ne peut pas avoir le même son partout, je commence par passer beaucoup de temps sur la feuille de calcul, j’écoute bien le résultat pour être sûr de mon placement et seulement après je fais des points pour savoir plus précisément ce qui se passe dans la salle.
On fait de l’accueil, on n’est pas en tournée avec chaque soir la même personne à la console, il n’est donc pas question de faire quelque chose de trop personnel et qui ne correspondra pas forcément au mixeur que j’accueille. Je travaille donc assez “flat”. Ivan par exemple m’a demandé de creuser vers 1kHz. Le mixeur d’hier a en revanche poussé très fort l’extrême aigu. Regarde le creux à 250 Hz, Ivan le fait naturellement car il sait qu’il est un peu chargé dans cette partie de son mix et qu’il faut le dégrossir d’entrée de jeu.
SLU : Comment cette phase d’égalisation s’est-elle passée ?
BoBo : Simplement. Ivan est arrivé, il a écouté puis il a sculpté dans le 31 bandes ce qu’il souhaitait avoir. Il a creusé outre le 250, aussi le 1 et 1,2 kHz. On a refait sur le Lake LM44 cette courbe, ce qui lui a permis de relâcher et de ne garder son graphique que pour intervenir ponctuellement s’il a une galère sur son mix ou dans la salle. A 250Hz je suis déjà en cpl (coupling NDR), à -5 dB, j’ai aussi un peu pété à 290 et j’ai aussi atténué une résonance autour de 119 Hz.
SLU : 4 petits Q ça n’apporte pas le grave des J sur les côtés…
BoBo : Impossible. Des solutions existent en mettant par exemple du V qui raccorde bien avec le J ; le problème après est d’ordre commercial et n’est plus de mon ressort. Ce soir une très grande majorité de public est bien servie.
Obtenir un grave cohérent
La partie de la diffusion posée au sol. A gauche, trois J-Sub sur lequel repose bien sanglé un des Q7 employé en lipfill. A droite trois autres J-Sub avec posés dessus quatre Q1 arrosant les gradins latéraux hors de la portée des J, 12 comme 8
SLU : Pourquoi as-tu placé tes subs en G/D et en stack ?
BoBo : d&b conseille vivement de faire des lignes sur le parterre et c’est souvent efficace, si ce n’est que le grave a un peu de mal à monter dans les gradins. Je fais donc le pari de ne pas suivre cette préconisation et d’avoir des lobes assez maitrisés avec mon montage. La ligne de sub c’est super tant qu’elle joue seule, mais dès que tu ouvres la diff, comme je laisse les boîtes en full range pour avoir ce rendu “dans la bouche”, je créé des perturbations qui n’empêchent pas les gens en bas d’être asphyxiés et conduisent à n’avoir pas assez de grave en haut.
Du coup, on rentre à fond dans les amplis et on se retrouve dans le rouge. Je préfère donc empiler mes subs en gauche droite, quitte à envoyer des lobes. On est plus cohérent entre en haut et en bas, et certains spectateurs qui veulent moins de sub peuvent, en se bougeant un peu, modifier la couleur de leur son. Il n’y a donc pas à proprement parler de subtilité de calage, juste quelques choix comme le fait de légèrement tourner et délayer les subs extérieurs ce qui me permet, avec le preset hyper cardio, de bien annuler les ondes arrière et laisser la scène vraiment très propre. Un truc qui marche bien aussi c’est une pile de 6 subs mais c’est difficile à caser (rires) !
Bobo soigne particulièrement la mise en phase
SLU : Qu’est-ce qui est le plus long lors du montage d’un système ?
BoBo : La mise en phase, c’est ce qui me prend le plus de temps mais le jeu en vaut la chandelle. Pour caler par exemple les extérieurs en Q1, je commence en “impulse” comme tout le monde, et je termine ensuite par une mise en phase sur le bas médium. Souvent je re-bouge aussi les valeurs que me donne l’analyseur, et pour avoir la cohérence que je recherche pour l’ensemble je me fie plus à mes oreilles qu’aux courbes. Le soir enfin avec le public, je retouche les extérieurs qui sont généralement un peu en dessous pour ne pas claquer à salle vide, un grand classique !
SLU : Tu es SMAART mais je vois aussi du Flux…
BoBo : Je me sers en fait des deux en fonction des besoins ou de mes envies. Le Flux marche bien, est un bon complément et puis Gaël (Martinet NDR) est un mec cool et hyper intéressant, mais ça ne m’empêche pas de temps à autres de toucher aussi à Room Tools pour déconner (rires), et puis comme d’autres l’ont dit, ce n’est pas l’outil qui compte, mais ce que tu vas faire des résultats qu’il t’affiche. C’est vrai d’un autre côté que calculer des deltas de temps dans Flux c’est monstrueux. Il le fait tout seul !
SLU : Est-ce qu’un analyseur te montre tous les défauts ?
BoBo : Non, pas forcément. Par exemple dans le J, autour de 2,5/3 kHz il ne se passe pas grand-chose dans l’analyse et tu penses que ça va rouler et pourtant, le soir venu, cette partie du spectre va te poser quelques problèmes, et ce n’est que ta connaissance du système qui te permettra d’effectuer les corrections utiles.
SLU : Comment sors-tu le signal de la régie ?
BoBo : En sortie de l’Heritage qui est maître, je descends en analogique jusqu’au LM44 qui est en bas, près des amplis. Il me sert aussi de convertisseur en 96kHz pour attaquer les amplis en AES.
SLU : Un dernier mot sur Ivan. Tu le connaissais ?
BoBo : Non et c’est un super mec, mortel et gentil, et comme j’adore l’analogique et les machines qu’il utilise, c’est encore plus bonnard ! J’aime bien aussi sa philosophie du travail et du son car je peux t’assurer que j’accueille parfois des gars qui..pffffffffffff (long silence NDR).
Souvent ça se passe très bien, 95% du temps même, mais les 5% restants sont sportifs. Tu fais de ton mieux, tu fignoles tout aux petits oignons, le gars envoie de la m… trop forte que tu dois te “souper” car c’est ton boulot et à la fin, il te balance qu’il a joué fort car “la diff, ce n’est pas ce que je voulais entendre” alors que le jour avant t’as eu un gars avec une Vi1 qui n’a de cesse de te demander ton avis sur son travail et qui te sort avec le sourire un truc en béton !
L’écoute
Comme on dirait outre-Rhin, le son d’Ivan a la kartofel ! Gras, rond, bien rock et organique, il correspond pile poil à ce dont a besoin un groupe comme Lilly Wood & Prick. N’oublions pas aussi les biscotos du J qui excelle dans cet exercice et de Midas dont le rendu analogique est imparable. Ivan apporte une attention méticuleuse au moindre détail et malgré le côté artisanal de son travail, il cisèle le son du show grâce à une somme de petits délais et de trouvailles qui tombent pile au bon moment. Pas évident d’être distrait !
Cette dentelle d’effets repose sur un grave bien construit et une belle attaque malgré une couleur très “fat” et ronde. Superbe travail enfin sur la voix de Nili qui, à mi-chemin entre Marianne Faithful et Christine McVie, est reproduite avec beaucoup de timbre et de coffre à la fois.
En balade sur les côtés des gradins, la sortie de la ligne de J se passe bien dans le haut et le médium, la couleur et le niveau raccordent parfaitement, en revanche le grave souffre du fait de la difficulté qu’ont les 4 petits Q à projeter du bas. Les HP sont petits et la ligne bien courte. Les J-Subs se révèlent assez directifs de par leur montage qui privilégie un peu la fosse et le fond de salle, mais monte aussi pas mal de coffre dans les gradins. Un choix gagnant de Bobo.
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