
L’aventure M, initiée par une tournée des clubs, emmène à présent dans les zéniths et Festivals de France toute l’équipe de bidouilleurs fous entourant l’homme aux lunettes à Led pour éclairer et faire vivre un spectacle à l’image de son maître de cérémonie : brut de décoffrage mais archi généreux, rock et divertissant, imparfait mais très juste.


Ce propos de simplicité et de retour aux sources du rock respecté à toutes les étapes du processus de préparation et de création est partagé par son designer lumière, Dimitri Vassiliu. Il a dès le début décidé de privilégier l’humain comme à son habitude, en choisissant soigneusement son équipe et en s’accompagnant de jeunes lighteux issus du pur rock et du live, habitués à la lumière de club et préférant mettre les mains dans les machines plutôt que derrière une console lumière ! Du sale, du live, de la musique, un kit lumière raisonnable tapant pile poil là où il faut, et même une fille… Voici une “grosse” tournée qui ne ressemble pas aux autres pour un artiste hors du commun et, comme souvent avec Dimitri Vassiliu, une lumière pleine d’émotion
Ça tombe bien, c’est pour ça que nous sommes là, dans les coulisses du Zénith de Paris en ce début d’été, à la rencontre de cette chouette équipe, à commencer par son pilier, Dimitri Vassiliu, designer lumière du show mais aussi responsable de la régie vidéo, qui a répondu à nos questions et nous a présenté ses deux acolytes de tournée, Jérémy Bargues à la régie lumière et au pupitre et Céline Royer, d’abord assistante pour finir par piloter le show elle aussi, derrière sa GrandMA.

Des clubs aux zéniths.
C’est Jérémy Bargues, jeune éclairagiste autodidacte, qui a été choisi par Dimitri pour éclairer la tournée des clubs. Cette expérience, en plus d’être enrichissante, a permis de poser les bases du kit et du design mis en œuvre sur les zéniths et les festivals.
SLU : Jérémy, comment t’es-tu retrouvé dans cette aventure ?
Jérémy Bargues : “En fait on ne se connaissait pas du tout avec Dimitri. C’est Laurent Poirier (Directeur de production de la tournée) qui nous a présentés pour collaborer sur le design de M.
Dimitri a commencé le design des zéniths au mois d’Avril et moi, j’ai démarré la série des club en Mars avec Matthieu (Chedid).
SLU : Parle-nous de cette “série des clubs”.
Jérémy Bargues : Il s’agissait de tourner dans des clubs d’une capacité allant de 400 à 2000 personnes, à l’étranger principalement, avec quelques dates en France, à La Rochelle et au Trianon à Paris. C’est une phase super intime et très rock avec trois musiciens sur scène, et parfois, très peu de lumière…
SLU : En quoi cette phase a-t-elle été préparatoire à celle des Zéniths ?
Jérémy Bargues : On a commencé tout un travail de live avec Matthieu, et dès qu’on avait une avancée ou une idée, on tenait constamment au courant Dimitri. Au fur et à mesure, les idées se sont imbriquées des deux côtés pour finalement construire les Zéniths.

SLU : Avec quel kit es-tu parti ? As tu utilisé le matériel mis à disposition par les clubs ?
Jérémy Bargues : On faisait avec ce qu’il y avait sur place. Nous avions juste une console, 4 Svoboda et 8 Rollapix Ayrton : un petit kit rock’n’roll ! Il fallait tous les jours improviser pour transcrire la demande de Matthieu.On n’est pas toujours tombé dans des endroits grands ou suréquipés. Par exemple, on a joué sur une péniche à Bristol (UK) où il n’y avait que 8 Par LED, 4 Mac 250, et il fallait s’adapter.
On ne disposait même pas d’une 16 A pour les Rollapix ! C’était vraiment de l’adaptation, surtout après dans des lieux comme le Trianon ou des clubs en Allemagne de 2000 personnes !
SLU : C’est sportif comme activité !
Jérémy Bargues : Oui et excitant aussi, mais surtout ça tombait bien car ça nous a permis de tester des choses pour la suite, avec différents types de projecteurs ou différents angles qu’on ne peut pas forcément tester en installation fixe. On cherche, et c’est très intéressant. Et en même temps, c’était la volonté de l’artiste, quelque chose de très simple, que de la musique, quelques projecteurs et c’est parti !
SLU : Comment ressens-tu l’approche de la lumière de Dimitri Vassiliu et votre collaboration ?
Jérémy Bargues : C’est une vraie rencontre. Il y a tout le temps un dialogue dans l’équipe. On ressent les choses, on en discute, et on se recentre toujours vers le propos. Dimitri est un personnage adorable. Il a un cœur en or et accueille les idées de tout le monde pendant le processus de création. Je pense que son approche est vraiment dans l’émotion.
Tout le monde a sa place, tout le monde est dans le projet. C’est essentiel car sur ce show, toutes les personnes qui travaillent au montage et au démontage travaillent aussi pendant le concert pour bouger la déco ou les projos. Tout les techniciens sont à vue. S’il n’y avait pas cette envie de travailler ensemble, cette communication, tout le monde ne pourrait pas s’impliquer autant !
« Dimitri sait fédérer les gens, il est là aussi pour ça ». Une équipe soudée complètement au service d’un show et d’un artiste, c’est l’ingrédient clé de cette aventure, comme Dimitri Vassiliu son designer lumière, nous le confirmera :“L’équipe technique est super, du backliner au rigger, On est tous très potes et tous investis à 100%.”
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Une implantation très à propos

SLU : Dimitri, parle-nous de la passerelle entre les clubs et les zéniths ?
Dimitri Vassiliu : “Le point de départ est que je cherchais un designer habitué aux clubs pour initier la tournée. On s’est rencontré lors d’un concert privé au 104 (Paris) où nous avons échangé nos idées avec Matthieu et l’équipe du décor. Jérémy a fait ce premier show, et c’est parti comme ça.
On s’est super bien entendu dès le début avec l’idée de faire un échange d’expériences entre moi, qui suis habitué aux gros shows et pas aux clubs, et Jérémy, afin de lier les deux versions du concert : Clubs et zéniths. Son regard plus rock et plus jeune était aussi super important pour moi !
SLU : Ça veut dire que la demande de l’artiste sur les shows Zénith était d’avoir une approche intimiste de club ?
Dimitri Vassiliu : Totalement, d’ailleurs les 5 premiers titres sont une pure version club avec très très peu de matériel : 6 Mac Viper Martin en contre (comme sur tout le show d’ailleurs, on a pas d’autres contres accrochés), avec beaucoup de sol, du strobe… Vraiment du gros show rock qui envoie et qui peut jouer dans n’importe quel club du monde.
Mais aussi du Svoboda, des projecteurs vraiment plus “roots” que ceux habituellement utilisés sur un gros concert.




SLU : Et quand même du Rollapix !
Dimitri Vassiliu : “Oui, que Jérémy a emmené en clubs d’ailleurs, et qui font le motorisé du show. Ils étaient une bonne base légère avec les Svoboda.
SLU : Comment le kit a-t-il évolué en version Zénith ?
Dimitri Vassiliu : Avec le gros “bousin” ! On descend le Mojo lumière, on envoie de la vidéo, des médias, de la captation live, et on essaie de grouper tout ça en gardant une unité cohérente dans le propos.
Mais le spectre de la version club reste un fil conducteur, pendant tout le show, un Par 64 monté sur une perche, avec des moments très sombres et rock.”
Jérémy Bargues : “Il y a aussi la scénographie qui intimise le show, avec un praticable vraiment en centre de scène, beaucoup d’espace de chaque côté, et une scène qui parfois fait seulement 9 m d’ouverture.”
SLU : Comment communiquez vous avec l’artiste, a-t-il un regard précis sur ce qu’il souhaite ?
Dimitri Vassiliu : “Il donne beaucoup d’informations et en permanence des directions. Ca nous a vraiment bien aidés d’avoir des informations sur la façon d’épurer, de doser l’éclairage en termes de couleurs ou d’angles. Du coup on n’est pas isolé en tant que designer, c’est important. On a un bon échange. »
SLU : Son approche du show est différente par rapport à la dernière tournée, que tu as aussi éclairée ?
Dimitri Vassiliu : Oui, déjà par la formation scénique qui ne comporte que trois personnes, et par une volonté d’être beaucoup plus rock, très carré, mais sans être dans le tape-à-l’œil. On ne sort les outils que quand on en a besoin !”



Et quels outils ! Une incroyable structure en M, image du Mojo indissociable de l’artiste, survole la scène pour finir pas s’y poser, derrière les musiciens, tel un vaisseau spatial. Composé d’une matrice de 82 lyres Mac Aura Martin (très en vogue ces derniers temps), il ne forme qu’une seule et unique source de lumière mobile et rayonne des belles teintes du projecteur, en affichant son effet Aura, largement sous exploité ailleurs, et ici enfin mis en valeur par le designer lumière. En mimétisme total avec son maître M, il bouge, palpite comme un cœur qui bat, et apporte une dimension irréelle au spectacle.

SLU : Comme le Mojo de Mac Aura ?
Dimitri Vassiliu : “Oui, il ne sort que quand il a une utilité. On préfère le remonter et le mettre en attente si il n’a pas de légitimité dans le tableau. Il sort sur la moitié du show.
Au départ ce Mojo ne devait être qu’un mono projecteur car je voulais faire le show avec un seul gros projecteur et même la première idée c’était seulement trois projecteurs en contre, trois grosses brute en douche mais l’idée a changé, nous avons 6 Mac Viper en contre. Et d’ailleurs ils jouent rarement tous ensemble ! Et le Mojo finalement choisi peut jouer sans mouvement des Mac Aura comme un mono projecteur. La première fois qu’il sort d’ailleurs il descend, allumé en bleu, il vient se placer. On n’est pas immédiatement dans la démo technique.
SLU : Matthieu est-il exigeant pour la face ?
Dimitri Vassiliu : Oui, il ne veut pas être trop éclairé pour garder ce coté rock. Donc nous avons une poursuite qu’on ne remarque pas parfois, car il veut voir les gens sans être ébloui par une source directe. Ainsi, pour que Matthieu puisse voir son public en permanence, on a opté pour une face en automatiques avec 8 Mac 2000 Wash XB, en réalité principalement utilisés pour le public et 8 Mac Viper pour le public et la scène, mais qui servent à d’autres moments pour éclairer des miroirs ou faire des effets…


En fait, ils servent assez rarement pour faire de la face pure ! Ici le propos était de créer un peu de magie. C’est pour ça que l’artiste n’est éclairé que par du sol et du latéral, avec la poursuite quand même parfois car on a tous envie de le voir, mais elle change de couleur elle aussi. On voit l’artiste mais il n’est pas brûlé en permanence.
SLU : Pour revenir au Mojo, pourquoi avoir choisi le Mac Aura pour réaliser la matrice ?
Dimitri Vassiliu : Je l’ai choisi pour son coté projecteur traditionnel. Il est aussi beau allumé en Aura, qu’en pleine puissance. Il n’y avait que lui qui pouvait faire cet effet là que j’utilise souvent sur le show
SLU : Et que penses-tu du spot Mac Viper?
Dimitri Vassiliu : J’aime beaucoup ce projecteur, je n’en entends que du bien. Il présente beaucoup de qualités. On a eu juste un petit problème de dimmer qui montait par paliers et qui a été très vite réglé, mais son shutter est ultra rapide… c’est une super machine !”


Et comme ce show, on l’a compris très rock et qui va à l’essentiel, n’oublie pourtant pas de nous surprendre, une deuxième structure en M/ Mojo de déco fait aussi son apparition sur scène. Imaginée par James Thierrée dans le cadre de la scénographie, il présente une face miroir Mirolège et une face tubulaire métallique avec des plates-formes et escaliers qui accueillent des projecteurs traditionnels (3 strobes, 3 Svoboda, des PAR et 2 Super Beam 1200) et les déambulations de Matthieu Chedid.
SLU : J’imagine qu’il y a un gros travail des latéraux ?
Jérémy Bargues : “Oui, avec en plus des Rollapix, des Atomic 3000 au sol, sur flight, et d’un coté 2 Mac Viper alors que de l’autre on a 2 Mac 2000 Wash XB pour l’asymétrie. Le latéral est notre source de puissance préférée, et c’est celle qui convient le mieux à l’artiste.”




SLU : Les WildSun Ayrton sont curieusement placés sur roulettes ?
Jérémy Bargues : En effet car ils se déplacent suivant les morceaux, notamment les 9 qui sont placés en arc de cercle au sol en contre sont sur plateaux à roulettes. Il y en a aussi 6 (3 sur flight de chaque côté), qui eux permettent de faire une sorte de face latérale et d’éclairer la déco, mais aussi de faire des jeux de reflets avec le miroirs. Ils sont très colorés, et vont chercher des points de décor et les musiciens avec de la puissance.”


Et comme ce kit regorge de merveilles, on trouve aussi 2 Sharpy Clay Paky qui sur le proscenium servent à éclairer les (géniales) lunettes miroirs de Matthieu.


La lumière rock’n’roll, ça se programme quand même…
SLU : Dimitri, c’est toi qui a programmé le show ?
Dimitri Vassiliu : “Nous avons programmé le show ensemble avec Céline et Jérémy, Jekel (Arkane) a géré toute la partie video et Jean-Christophe Caron le levage du Mojo lumière.

SLU : Tu contrôles aussi la vidéo pendant le concert ?
Dimitri Vassiliu : Oui, j’y tenais ! Je voulais quelque chose d’un peu plus bordélique, destroy et imparfait que si j’avais fait appel à un vrai réalisateur. On voulait garder l’émotion de l’humain et du live avant tout. Nous sommes dans une configuration classique : 2 caméras fixes, 1 cadreur face, 1 épaule, un média serveur Catalyst et 4 vidéoprojecteurs (2 dans le public et 2 accrochés en nez de scène). Tout le système a été encodé et conçu par Jekel. La vidéo est faite de captations live, en permanence trafiquées avec des effets, et de médias.

Mais dès ce soir, c’est Céline qui envoie tout le show car elle me remplace à présent. J’ai mis un peu de temps à trouver mes marques en réal, ce que j’avais envie de voir et ce que Matthieu avait envie de voir en termes d’effets et de prises. Mais maintenant que c’est calé, je lui laisse la console.
Céline vient du club aussi, toujours avec cette idée de m’entourer de gens qui viennent du live et de la débrouille, qui ne sont pas des “geeks” de la console ou de la technique ! J’aime beaucoup les geeks, ça n’est pas péjoratif, mais ce n’était pas du tout notre besoin sur ce show. Je voulais m’entourer d’éclairagistes de terrain, qui savent se débrouiller dans l’urgence pour envoyer un show. Revenir à l’essentiel d’une certaine forme de lumière rock, et les emmener sur une grosse tournée et un gros chantier était un défi amusant.
On ne voulait pas un show hyper fouillé mais trouver des idées et surtout travailler dans une bonne ambiance.
SLU : Pourtant le Mojo et tout le reste du kit ne doivent pas être une sinécure à programmer !
Dimitri Vassiliu : Ah oui, c’était une galère ! On a mis du temps à trouver les bons effets, j’ai quand même appelé Philou (Philippe Marty) à un moment donné parce que l’on galérait, et il nous a donné quelques combines (rire). Le Mojo utilise à lui seul 5 univers DMX.
SLU : Vous travaillez à deux pupitres ?
Dimitri Vassiliu : Nous avons en effet deux GrandMa1, une qui fait le Mojo lumière (la matrice de 82 Mac Aura) et la vidéo plus l’éclairage public, et l’autre qui prend tout le reste du kit (celle de Jérémy). On a pu, grâce a cette configuration, gagner du temps en phase de programmation ; pendant que nous passions du temps sur le Mojo avec Céline, Jérémy pouvait avancer sur le reste du show. Elles ne sont pas en réseau, ça n’était pas nécessaire. Par contre, elles sont reliées au plateau par fibre optique, plus fiable que du câble réseau sur RJ45.
La volonté était d’avoir les deux mêmes consoles et une seule de spare, voilà pourquoi je ne suis pas parti sur une Wholehog comme d’habitude. En plus, Jekel pour la réalisation m’a conseillé de prendre une GrandMa afin de faciliter l’appel de mes caméras et l’envoi des images. J’ai 4 possibilités de live avec mes 4 caméras et la console MALighting est effectivement très confortable.


Jekel l’a configurée avec d’un côté les commandes lumière et de l’autre les commandes vidéo. Il a aussi programmé des cues de taille d’écran pour les 2 vidéoprojecteurs proches et lointains, des angles en fonction de l’écran choisi, une cue d’effets vidéo comme la séparation de couleurs. Quand je filme, j’ai la même image déclinée en rouge et à côté décalée en vert, un peu comme le relief à l’époque des lunettes. Ces effets sont donc entrés dans des cues, et je peux faire mon live, l’image des 4 caméras pouvant être diffusée par les 4 vidéoprojecteurs, j’ai juste à choisir mon angle de projection.
Anthony Toraldo (technicien vidéo) : “Les 4 VP sont des 22 000 lumens. Deux sont accrochés en nez de scène et diffusent une seule image en recouvrement avec de la déformation pour épouser la courbe de l’écran en fond de scène. Les deux autres, placés dans le public devant la régie, projettent sur le kabuki, sur le Mojo côté mirolège et côté structure et sur la patience en milieu de scène. Ce sont des dual, les images se recouvrent au pixel près pour avoir plus de puissance. Et tous les médias sont gérés par le Catalyst lui même commandé par la GrandMa en DMX.”


La commande programmée des moteurs du Mojo lumière
Les mouvements du Mojo lumière utilisent 4 moteurs de levage, deux en bas de la structure et deux en haut. Il peut ainsi descendre, à plat ou incliné jusqu’à la verticale et se cacher au niveau des ponts. C’est Jean-Christophe Caron, technicien levage pour Mash (une société du groupe Dushow) qui le gère via le pupitre de contrôle informatisé dédié aux moteurs.

Jean-Christophe Caron : Les moteurs sont des Chain Master Vario Lift 800 kg à vitesse variable de 1 à 12 m/mn.
Tu peux travailler en temps, utiliser des mémoires de courbes différentes (avec rampes d’accélération/décélération) et amortissement en fin de course ou les programmer toi-même.
Tu disposes à l’écran d’une indication de charge de chaque moteur en temps réel par sécurité. Si le moteur se déleste, c’est qu’il y a soit un problème de câble, soit un obstacle.

SLU : Tu as programmé des mémoires de mouvements ?
Jean-Christophe Caron : Oui, et sur certains titres des mémoires d’enchaînement de mouvements à vitesses différentes, mais je reprends toujours la main en manuel en fin de titre car c’est du live, la durée des morceaux n’est jamais vraiment identique d’un concert à l’autre.
Je suis en contact permanent par intercom avec Dimitri qui me donne les indications de départ ou de correction, et par sécurité je suis au plateau. Il faut toujours veiller à ce qu’il n’y ait personne à côté pendant les mouvements, surtout quand le Mojo descend jusqu’au sol
Revenir à l’essentiel tout en restant technique
Dans ce show où tout est en mouvement, avec des praticables mobiles, tout les projecteurs sont susceptibles de se déplacer avec l’aide des techniciens, toujours à vue. Le câblage est aussi bien apparent, sur ce spectacle vivant aux allures de joyeux bordel. Un kit pas lourd mais pensé au besoin près, sans superflu.
L’impressionnante structure Mojo, fabriquée selon les plans de Didier Daste (Dushow), se coupe en 5 éléments, qui vont en panière à chaque démontage. Elle pèse plus d’une tonne et nécessite une heure d’installation et de dépose à chaque show.
Un proscenium qui avance sur le public, un piano qui va dans la salle éclairé par une perche mobile, du Svoboda à roulettes qui arrive à vue sur scène et repart de la même façon avec une mise en valeur de techniciens pousseurs volontairement visibles, sont autant d’éléments de la mise en scène de James Thierée qui rendent encore plus vivant ce spectacle de techniciens bidouilleurs



SLU : D’où vient le besoin de simplicité et d’essentiel qu’on ressent dans le design ? Une simple idée de tournée ou une vraie nécessité ?
Dimitri Vassiliu : “Pour Matthieu et pour nous c’était un vrai besoin. Au niveau du matériel, on a enlevé tout ce qui était superflu. Au départ j’avais 10 caméras, puis finalement je me suis rendu compte que seulemement 4 servaient. Pareil pour les projecteurs, au départ on avait des Beam 1500, et quand on s’est posé la question : “Peut-on faire le show sans ?” La réponse fut : ”Oui, donc on enlève !” On a pensé le kit au plus précis et utile, on ne fait pas de démonstration.
Personnellement, ça fait presque 30 ans que je fais de la lumière et je n’ai pas envie de tout le temps reproduire même chose. Ok, si j’ai des supers kits c’est génial mais c’est bon aussi de se recentrer. Revenir à l’essentiel est important pour le tout le monde.
Musicalement Matthieu est dans cette idée avec un trio basse, batterie, guitare. On n’allait pas lui faire un show de Las Vegas ! L’idée de départ était d’arriver à tout lier: technologie, roots, clubs, théâtre et show à l’américaine sans mauvais goût ou incohérences et je pense que nous y sommes parvenus. Il fallait que la lumière soit organique, il fallait que ça soit vivant et humain mais technologique : un show rétro futuriste !”
Le concert
3 musiciens sur la scène du Zénith et ça joue comme jamais ! Etonnant, chargé à fond en énergie et bourré de talent mais aussi d’émotion, M entraine son équipe et son public à partager un moment musical énorme. Organique en rapport à la vie, à l’essentiel et la simplicité : 3 musiciens ! Ce besoin de retour aux sources, Dimitri Vassiliu le partage à 200 %. En délaissant sans crainte les gros kits lumière avec lesquels il sert les méga shows. Il répond avec son équipe aux attentes de simplicité de l’artiste, son génie en plus.
A la lumière un peu sale des sources rétro s’associent idéalement les projections d’images, ni nettes ni contrastées, comme si on regardait une image en relief sans les lunettes adaptées. Tous les supports fonctionnent à merveille. Les images live géantes quasi monochromes aux bords décomposés qui amplifient l’artiste et ses mouvements font vivre tout le fond de scène d’un flou étudié. Les projections live sur support mirolège du Mojo, qui renvoient en miroir l’image des musiciens et des sources de lumière apportent aussi de la vie et de la profondeur scénique mais jamais dans la précision clinique. Peu de faces, on ne voit M tès éclairé que très rarement, on le devine dans les faisceaux latéraux des Mac 2000 XB et Viper ou les contres magnifiques de force en blanc et en couleur des WildSun 500 soignés par Jérémy. Dimitri Vassiliu joue avec les espaces et le temps, passant du format club au format Zénith, du rock brut au funk par le jeu des sources et du décor et tout s’enchaîne avec naturel et dynamique au gré du large repertoire musical de l’artiste.
Car le Mojo, matrice de Mac Aura, ne fait pas dans la simplicité. Avec 82 machines à bord, qu’il soit utilisé comme mono source ou comme générateur d’effets d’optique il nous ramène au 21e siècle. Et grâce au talent de Cécile et Dimitri à maîtriser la complexité de sa programmation, il vibre, il bat, il virevolte, il s’envole… Il vit !


Notre tableau préféré ? Carrément tous sans exception, chacun apportant de la force, beaucoup l’humour et de la dynamique à la musique dans une scénographie roots et décontractée, mais j’avoue que oser trois faisceaux blancs fixes en douche, et jouer dedans l’apparition et la disparition des musiciens en fermant petit à petit l’iris jusqu’à un mince rayon de lumière ne révélant qu’une jambe ou un chapeau… Comment dire… C’est juste émouvant, magique, inédit… Et le plaisir de tous monte à l’unisson.
La tournée compte encore 21 dates de concert à venir en France de octobre à décembre, avec sûrement des nouveautés et des morceaux inédits, en passant d’abord pas les festivals de l’été, armée du Mojo lumière, des lyres Wash WildSun du contre et des perches du décor, un kit minimal avant l’apothéose finale : 3 Bercy !
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