Comme promis lors de la première partie de notre reportage au cœur de cette tournée sold out, place maintenant à Raphael Maitrat, le grand manitou du son de la Sexion, sans oublier Karim Benaziza, batteur de talent et « très bon client » en interview. Quand tu veux on se fait une autre inter Karim ;0)

SLU : Pour commencer J’ai un truc qui me turlupine. Pourquoi repiquer des rappeurs avec un KSM9 ?
Raphael Maitrat Ingé FOH : J’ai essayé plein de micros et le KSM9 est le plus sécuritaire face au phénomène de la main sur la boule.
C’est vrai qu’au début de la tournée en wedges, cela a compliqué la vie de Brieuc (Guillet Ingé son retours NDR). Maintenant que nous sommes tous en ears, ça se passe très bien.
Comme tu l’as vu par ailleurs, nous tournons en Shure, et pour des raisons propres à la production, il n’a pas été possible d’adopter mon choix premier qui aurait été le KMS104 Neumann (sa tête du moins, la KK104 NDR).

J’ai tout de même repassé l’un des artistes en SM58 car le KSM9 et même un Beta58 ne lui conviennent pas. La tête se visse facilement sur un émetteur UR4D.
Le top aurait été de louer un studio, faire venir tout ce qui existe en termes de micros et choisir vraiment en fonction des voix de chacun.
Malheureusement le groupe est composé de 7 artistes, et c’est très dur en ce moment d’arriver à tous les réunir, sans parler du fait que ce ne sont pas les rois de la répète (rires !).
On a tout de même réussi à faire une vraie pré prod pour cette tournée qui a considérablement grossi, et nous avons désormais de vrais musiciens.
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Et puis, l’orchestre est arrivé…
SLU : Ils sont arrivés comment ces quatre-là ?
Raphael Maitrat : Lors du premier album, nous étions en configuration très simple avec le DJ et les 7 artistes sur scène. Lors de la sortie du second album ”l’Apogée”, nous avons pensé Sony et moi à la même chose, et c’est un Taratata qui a été l’occasion qui fait le larron.
Sur le titre ”Avant qu’elle parte” nous avons même mis des violons, et le groupe a adoré ça.
SLU : Qui a trouvé les musiciens ?
Raphael Maitrat : C’est moi. Je travaillais avec Frédéric Fall le bassiste sur un autre plan. Je lui ai proposé de collaborer avec nous. Non seulement il est bon mais en plus il a un super look ce qui ne gâche rien. C’est lui qui a monté le groupe avec Paul Pavillon à la gratte, Vincent Guibert aux claviers et séquences et Karim Benaziza à la batterie.
SLU : Comment ont-ils travaillé ?
Raphael Maitrat : Ils ont bossé beaucoup de titres avec Fred, et sont venus tout simplement les présenter en live. Nous avons pris une petite salle à Bobigny, Canal 93, un peu de diffusion à Fa Musique, et ils ont fait défiler tous les morceaux face au groupe qui a pu les valider ou pas.
Par la suite, nous avons récupéré en studio des bouts pour en faire des boucles et introduire progressivement plus de sons ”live” sans priver le groupe de ses bases et de son DJ. Un Ableton envoie des séquences derrière certains titres pour les enrichir, et dès la tournée d’octobre dernier on a trouvé un super équilibre.
SLU : On a l’impression que cette tournée s’améliore de jour en jour et évolue sans cesse.
Raphael Maitrat : C’est exactement ça. Par exemple en octobre j’ai eu plus de temps, et j’ai pu choisir mon kit de micros pour les instruments.
J’avais par exemple écouté la marque Audix ; c’était l’occasion de la tester sur le terrain.
J’ai un D6 sur le pied, à l’intérieur du fût j’ai le nouveau Beta91 que j’ai découvert sur Aznavour où j’étais l’assistant de Denis Pinchedez. Il a une sonorité que j’aime beaucoup.
Sur ma caisse claire, je suis dessus en SM57 et dessous en MS201 Beyerdynamic. La seconde snare est repiquée en 100% Beyer. Pour les toms, D2, D4 et D6 Audix. Pour les over head, des AKG 214, ce sont des 414 mais uniquement cardioïdes. Pour la charley, un KM184 Neumann. Karim joue avec une caisse claire dans le médium bas et une seconde plus dans le claquant.
La couleur en soustraction
SLU : C’est mieux de laisser le son se faire que d’essayer de le faire…
Raphael Maitrat : Absolument, avoir deux caisses claires c’est bien mieux que tenter d’en colorer une, ce qui dénature plus qu’autre chose le son. Je pars du principe que nous ne sommes là que pour amplifier. Le but du truc est que le système soit bien calé, et pour ça Boule est juste extraordinaire.
Si les musiciens envoient bien, il ne me reste plus que de la mise en forme avec le gain, la compression et un peu de couleur. (Il me montre ses EQ, c’est très raisonnable voire parfois flat avec juste un coupe-bas NDR).

Je travaille quasi uniquement en soustraction au niveau de mes corrections car je préfère enlever ce qui ne me va pas que mettre en exergue ce que je recherche. Il est vrai aussi que l’inverse marche très bien, je pense à Manu Guyot sur Skip The Use qui utilise ses EQ en positif avec un rendu qui va parfaitement bien avec leur musique. À chaque fois, je me prends juste une grosse calotte avec lui !
SLU : Tu as fait montre de sagesse au niveau console…
Raphael Maitrat : Ça me va. Comme la Pro6 de Fa était sur la route avec Dyonisos, j’ai pris une Pro2 qui du coup est bien remplie mais comme je partage les préamplificateurs de l’XL8 et que le processing est le même… Il me manque juste quelques VCA et POP.
En mars, quand on va repartir avec la Sexion, je demanderai pour cette seule raison une Pro6. Appelons ça plus de confort car pour le reste je suis très heureux et..(Un vacarme assourdissant, une véritable cavalcade nous interrompt, des dizaines de jeunes font irruption sur le parterre de glace recouvert de dalles d’isolant et se précipitent vers la scène NDR) Ahh, les fauves sont lâchés (rires !).
Un petit piège de l’automation Midas
Raphael Maitrat : Je suis très habitué aux tables Soundcraft. J’ai fait deux tournées en Vi1 mais arrivant chez Fa j’ai dû changer de crémerie car ils sont très Midas.
On s’est pris quelques gadins avec Brieuc car la logique, notamment d’automation est vraiment différente. Elle va très loin mais peut aussi te mettre bien au tas !
SLU : Un exemple ?
Raphael Maitrat : Midas a un système de recall appelé « scope » où l’on peut garder ou bien enlever des trucs ; en gros ce que l’on veut recaller ou pas. Jusque-là très bien, mais cela dépend de comment on implante cette option sur les mémoires, et lorsqu’on rappelle une mémoire, si on repasse par la mémoire safe, celle de base, elle enlève tous nos scopes.
C’est dû à la volonté de Midas d’avoir une console pratique et très ouverte par exemple pour les festivals mais ça convient moins à des tournées classiques. Une mise à jour apportera bientôt une amélioration à ce piège.
Mais un excellent traitement de dynamique

Raphael Maitrat : Cela étant, avec Brieuc, nous sommes sous le charme question rendu sonore. Les égaliseurs sont énormes, les compresseurs internes marchent très bien tout comme les gates. En effets internes, je me sers d’un compresseur multibande mais sur une bande à la fois afin d’aller débusquer un bas-médium qui ne me plait pas dans la voix des artistes, un problème commun à toutes leurs voix dans les 200 Hz. Sur un seul des artistes je me sers d’un multibande entier.
SLU : Tu me dis que c’est un effet. Tu en a donc peu à disposition…
Raphael Maitrat : Oui c’est exact. La solution pour traiter plus de sources consiste donc à jouer avec l’option 1*4, 2*2 ou bien 4*1.
En clair je peux mettre 4 cellules sur un micro ou bien casser mon compresseur multibande en 4 voies et corriger chaque micro avec une cellule. C’est le choix que j’ai fait, ce qui me permet d’enlever par exemple très finement les « S ». Brieuc en fait de même.
Je me sers aussi de 3 réverbérations internes, deux sur la batterie et une sur la guitare acoustique.

SLU : Quelle version de compresseur par tranche utilises-tu ?
Raphael Maitrat : La version adaptative qui marche très bien et n’est pas du tout colorée. Avec 6 artistes sur scène, tu te doutes que j’en ai pas mal besoin.
Je suis tombé dans le piège comme Stéphane Plisson en utilisant la simulation d’anciens modèles. J’ai vite fait machine arrière quand je me suis retrouvé avec un mix pissant l’aigu de tous les côtés (rires !).
SLU : Tu es donc assez raisonnable question dynamiques…
Raphael Maitrat : Tu sais, le meilleur traitement ce sont mes doigts !
C’est vrai que dans le rap et face aux gros écarts de dynamique qu’on y rencontre, c’est très fréquent de taper toutes les voix dans un groupe et le compresser un bon coup.
J’ai essayé et je n’aime pas du tout car généralement dans le rap il y a un lead et des backers, ce qui fait que lorsque ces derniers interviennent, ça hache complètement le lead et ça pompe tout.
Du coup j’ai pris le taureau par les cornes, j’ai appris tous les textes par cœur afin de savoir qui va backer qui, et avoir un bon contrôle des niveaux.
SLU : Si les gars sont réguliers…
Raphael Maitrat : Pour ça j’ai de la chance. Du premier show au dernier, ils ne bougent pas d’un pouce et ils n’ont jamais fait le coup du « je me mets à gueuler et je ne sais pas pourquoi ».
Les ears ont bien aidé pour ça car lorsque tu cries, ça te transperce les oreilles !

SLU : On met des effets sur du rap ?
Raphael Maitrat : Oui, j’aime bien mettre une petite room très courte avec un decay à 1,3 secondes sur les rappeurs. Et pour le chanteur, une belle plate car, tu vas voir ce soir, dans le groupe il y a un chanteur et qui chante très, très bien.
Enfin j’ai mon arme secrète, mon délai dont je ne me sépare jamais, mon D-Two TC-Electronic qui marche très bien.
J’utilise aussi un TC-Helicon en doubleur, très léger, que je laisse sur toutes les voix. Ça apporte un petit truc en plus très agréable.
SLU : C’est un auto-tune que je vois-là ?
Raphael Maitrat : Oui, un Antares. Je m’en sers uniquement sur deux titres pour faire un effet T-Pain que les rappeurs affectionnent tout particulièrement. On le laisse sur auto et ça apporte une touche de modernité à leur son.
SLU : Et le H3000 ?
Raphael Maitrat : Je l’avais prévu au départ pour l’effet de doubleur mais comme le TC lui a piqué sa place, j’ai décidé d’écouter ses réverbérations qui sont magnifiques.
SLU : Ça souffle la mort mais c’est très joli…
Raphael Maitrat : En effet, mais tu sais, le bruit en live ce n’est pas très grave. Je m’en sers sur ma caisse claire, et puis j’ai le synthétiseur de sub-harmoniques, le DBX 120XP…
SLU : Non, le 120 SP comme Stéphane Plisson (rires !).
Raphael Maitrat : C’est un peu ça oui. Il fait du très bon grave Steph ! La difficulté est de raccorder au mieux des sons très travaillés et masterisés envoyés par le DJ avec leur énergie très flatteuse entre 60 et 40 Hz et ceux plus bruts de la batterie.
Je gonfle donc juste un des deux micros de la grosse caisse et le tom basse pour avoir ce « boummmm » bien lourd.
SLU : Elle a aussi un sacré look ta batterie transparente !
Raphael Maitrat : Et un sacré son ! On a travaillé avec Baptiste Bidault, un autre sondier que j’ai rencontré chez Dushow, avec qui j’ai déjà collaboré et qui a monté sa boîte, Think Drums. J’ai écouté celle qu’il a notamment faite pour Skip the Use et ça sonne.
J’ai invité Karim Benaziza notre batteur à venir découvrir cette marque ; il a bien aimé. Du coup, au lieu de louer un kit pour toute la tournée, on s’est acheté le nôtre !
On a fait pareil avec les cymbales. Nous avons opté pour une boîte française, Velvet. Bref, si ma batterie sonne, c’est surtout parce que l’instrument et le batteur lui-même sont bons. Viens, je vais t’emmener en loge rencontrer Karim !
Eloge d’une batterie en plastoque !

SLU : Karim, raconte-nous tes premiers pas dans l’acrylique. Ca ne court pas les rues les batteries en plastoque !
Karim Benaziza Batteur : C’est vrai que je ne connaissais pas, plus par ignorance que par conviction ; je n’en avais jamais utilisé. Je trouvais ça plus 70’s et visuel qu’autre chose. Jamais je n’aurais été acheter ce type de produit.
Comme on manquait de temps et que Baptiste (Bidault, fondateur de Think Drums NDR) ne pouvait nous fournir un kit pour la tournée qu’avec cette matière, on a foncé.
Il faut savoir que cette société fabrique des batteries à l’unité, et le classique multiplis de bouleau ou d’autres essences aurait demandé trop de temps.
J’ai essayé un modèle dans son show room, et même si je ne retrouve pas les sensations auxquelles je suis habitué, ça sonne.
J’ai opté pour une grosse caisse et un tom basse profonds, à la demande de Raphael, mais j’ai gardé les autres toms assez courts car je ne suis pas très grand ; cela aurait été trop dur à jouer.

La Sexion c’est du rap mélodique. Il me fallait quoi qu’il en soit un kit complet et pas celui typiquement rap hardcore où l’on peut se contenter de caisse claire et tom basse en plus du kick.
SLU : Comment s’est passé le deal avec Think Drums ?
Karim Benaziza : Bien, très bien. Il s’agit d’une société à taille humaine, ce qui facilite le contact et la réactivité. J’aurais pu avoir d’autres deals ailleurs avec des grosses marques mais j’aurais disparu aussi vite que je suis venu alors qu’avec Think le dialogue est permanent.
Baptiste est un vrai technicien de l’instrument, beaucoup plus que moi. En plus il cumule avec son savoir-faire technique d’ingé son. Enfin l’acrylique, je n’avais jamais pratiqué. Il me fallait donc toute son aide. Il a aussi été prescripteur pour les peaux qui conviennent parfaitement à ce matériau.
SLU : Et les cymbales, elles sont arrivées comment ?
Karim Benaziza : Tu sais, dans le showbiz les deals en appellent d’autres (rires). C’est donc Baptiste qui nous a présenté Victor (Perret de Velvet Cymbales NDR), et après une écoute de ses produits fabriqués à la main en Turquie, j’ai rapidement constitué mon kit de tournée.
Comme c’est une marque en développement, elle ne peut pas encore faire de pubs dans les magazines mais on trouve ses produits dans les salles de répétition via le backline. Elle se fait connaitre grâce aux batteurs endorsés comme moi, sans parler de leur site Web très complet.
SLU : Tu as choisi quoi comme gamme de cymbales ?
Karim Benaziza : J’ai opté pour les Versatile qui, comme leur nom l’indique, sont assez claires et conviennent à de nombreux styles musicaux pour mes crashs qui du coup percent bien du mix.

Pour la ride j’ai choisi une Impérial qui va un peu dans le sens des Ziljdian Constantinople ou même Istanbul avec un martelage qui lui apporte son côté jazzy. Le gros avantage est aussi le prix de ces cymbales qui, pour du fait main, se situe au niveau des entrées de gamme des grandes marques.
Choisir une cymbale c’est très dur, même après 20 ans de métier, et je ne me considère certainement pas comme un spécialiste. Cela dit, il ne faut surtout pas brader cette partie essentielle d’une batterie, même quand on débute. Des grosses caisses et des toms qui sonnent on en trouve assez facilement maintenant, mais la vraie identité qui rend un batteur reconnaissable vient de la charley, de la caisse claire et des cymbales.
Il faut faire attention aussi à ne pas les choisir simplement parce que son batteur préféré les utilise ou après les avoir entendues sur un disque car, entre le studio d’enregistrement et la manière dont chaque professionnel tape, la sonorité peut être radicalement différente et parfois même très décevante.
La batterie, ce sont beaucoup d’instruments mis ensemble, et chaque entité qui la compose demande à être apprivoisée et maîtrisée avec ses baguettes.
Il faut parvenir aussi à éduquer son oreille pour parvenir à se projeter dans chaque son, et savoir à quoi il peut potentiellement être utile. Ça prend du temps et du travail d’arriver à non seulement avoir une bonne technique mais savoir aussi produire le son que l’on veut par le simple jeu…
La Sexion apprivoisée par l’orchestre
SLU : Justement, avec la Sexion comment travailles-tu ?
Karim Benaziza : On joue quasiment tous les morceaux sur un click, parfois avec des séquences, ce qui ne me pose pas de problèmes. Le click apporte beaucoup de sécurité à tout le monde. Il faut savoir l’apprivoiser, être dessus, et ensuite d’une certaine manière tourner autour pour ne pas le subir.
On peut être devant le tempo et ne plus servir d’assise à tout le monde si cela apporte au titre. De mon côté c’est plutôt l’inverse, ce qui fait que les autres peuvent venir se poser sur moi.
SLU : Le travail sur les titres n’a pas dû être simple…
Karim Benaziza : Fred Fall, notre directeur musical et super bassiste, a fait un gros boulot pour nous donner la possibilité d’exister, sans dénaturer le style musical très épuré du groupe, tout en apportant la valeur ajoutée d’un vrai musicien, en insufflant notre sensibilité. Une question d’équilibre où nous avons dû apprendre à proscrire les plans musicos où t’en mets partout.
On a travaillé aussi avec le groupe afin de bien cerner les limites de notre apport, en sachant que chaque titre orchestré a toujours été une surprise pour eux, dans le bon comme dans le mauvais sens.
Un autre avantage du rap et du hip hop c’est le côté cash des artistes qui ne s’encombrent pas de 10.000 phrases pour te dire qu’ils n’aiment pas, et débordent d’enthousiasme quand ils aiment.
Le fait enfin de les côtoyer durant les balances et la tournée elle-même a fait jaillir de nouvelles idées.
S’amuser sur ses instruments durant des moments off en leur compagnie est un bonheur car ce sont des mecs ultra réactifs qui savent rebondir sur quatre mesures qu’on leur propose, comme ça, au débotté.
C’est par ce biais que certains plans du concert ont été trouvés ensemble et ont été acceptés. Si on les leur avait déballé d’un coup, ils auraient été désarçonnés.
Ils ont des habitudes bien ancrées avec un DJ, et il faut le respecter.
SLU : Ils sont assez pop quand même…
Karim Benaziza : C’est ce qui nous a donné la place d’exister sur certains titres et à mon sens aussi ce qui fait leur succès aujourd’hui, un succès intersidéral.
En plus, DJ HCue a trouvé sa place sur nos arrangements. Il apporte sa patte pour des sons que nous avons du mal à faire avec des instruments dits classiques.
Cela aurait été dommage de le mettre en séquence, et il fallait conserver une unité visuelle avec le reste du show. L’idée c’est le collectif et pas d’avoir deux parties distinctes chaque soir. Enfin nous ne sommes pas une équipe de mercenaires réunis sur un job…
SLU : Vous êtes à moit-moit question titres ?
Karim Benaziza : Oui, je pense qu’il y aurait encore la place de grappiller quelques titres (rires !). J’ai appris que la perspective d’aller faire des concerts sans nous ne les enchante pas. Je peux t’assurer que ça n’était pas évident au départ où globalement il y avait un DJ, et la venue de musiciens paraissait très accessoire.
SLU : Il ne faut pas non plus oublier des considérations budgétaires !
Karim Benaziza :Surtout quand tu sais que tu as déjà 7 artistes sur scène et que tu ajoutes un groupe de 4 musiciens. On ne parle pas d’un rappeur avec son DJ mais bien de 7 personnes. Je comprends qu’avant le succès d’aujourd’hui cela n’ait pu être envisagé.
Aujourd’hui tout le monde est ravi grâce à la liberté que cela peut apporter en termes d’improvisation, d’évolution du show, de dynamique et d’énergie live sur scène.
Raphael Maitrat, bien plus qu’un ingé son
De retour dans la salle, je retrouve Raphael sur le plateau, l’occasion de lui demander comment il repique la basse de Fréderic Fall.

SLU : Pourquoi du Radiall ?
Raphael Maitrat : Ça marche et c’est simple. Je sors de Dispatch où j’ai fait mes premières armes avec Alain Leduc et Denis Pinchedez, j’aurais volontiers pris des Retro mais j’ai joué la carte de la sécurité. C’est fragile les tubes.
Toujours au niveau du matériel, j’ai réussi à faire sponsoriser une partie du poste du DJ via un partenariat avec Rane et Numark.
SLU : Tu me parais avoir un rôle qui va au-delà du simple technicien façade…
Raphael Maitrat : D’une certaine manière oui. Cela est dû à la façon avec laquelle j’ai rencontré le groupe et ses managers, et surtout au fait qu’étant là quasiment au début du succès de la Sexion et des premières dates importantes, je les ai accompagnés dans leur croissance en m’occupant de domaines généralement pas du ressort d’un Ingé son.
SLU : Merci pour la perche, comment es-tu rentré en contact avec le groupe ?
Raphael Maitrat : Indirectement par le biais de Jamel et du Comedy Club, pour lequel j’ai pas mal bossé et de Rémy Kolpa Kopoul, un extraordinaire découvreur de talents avec qui à chaque fois tu te prends une ”tetar” tellement c’est bon (je confirme NDR).
Un jour Bams, le chef de la sécu du Comedy Club, vient me voir et me dit texto « J’ai un frère qui a un groupe de rap qui commence à marcher. J’aime bien ton son. Tu ne voudrais pas t’en occuper ? » Sans être féru de rap je dis oui, et rencontre Dawala le producteur général de Wati B qui est le label de nombre d’artistes dont bien sûr la Sexion.
SLU : Bref, tu mets le pied dans la famille !
Raphael Maitrat : Exactement ! C’est ainsi que je suis parti en prenant Stéphane Petitjean à la lumière, et en m’occupant de la régie en plus du son.
Je le faisais déjà pour Fabrice Eboué si ce n’est qu’entre un comique avec un micro et sa bande son et un groupe entier, la différence est de taille. Petit à petit j’ai initié tout le monde à ce qu’une tournée implique de papiers, d’administratif, de rigueur budgétaire ; quelque chose que par ailleurs j’apprécie.
Depuis, je navigue entre le label Wati B et Yuma, la boîte de prod lyonnaise d’Eric Bellamy, qui mérite d’être connue. Elle est d’ailleurs devenue une entité d’Asterios. Il s’est instauré un super rapport de confiance entre nous. J’ai tellement mis la main à la pâte que c’est devenu vraiment mon bébé malgré le fait que dans ce métier on n’est jamais à l’abri de rien.
SLU : Les rapports ici paraissent famille, potes mais le tout bien encadré !
Raphael Maitrat : C’est tout à fait ça. Une vraie famille. Quand la tournée a beaucoup grossi, j’ai fait venir Laurent Ballin, qui a été régisseur de Jamel pendant sept ans, pour s’occuper de la technique et Yann Le Clezio qu’on ne présente plus pour nous épauler à l’artistique.
SLU : Pour toi aussi à la console ce sont de grands débuts ?
Raphael Maitrat : Devant des Zéniths archi combles, c’est certain. C’est ma première grosse affaire. Pour l’instant ça se passe bien.
SLU : Pour Fa Musique aussi c’est une belle tournée.
Raphael Maitrat : Qui est due au fait qu’Eric Bellamy et Fa sont lyonnais, et que ces derniers quand Yuma était une toute petite boîte, leur ont toujours arrangé les ballons.
Quand la tournée est devenue énorme, il y a eu un logique renvoi d’ascenseur, et on m’a demandé de bosser avec eux.
Ça se passe super bien. C’est aussi par leur biais que j’ai rencontré Boule (Alex Borel NDR) avec qui on forme un super binôme, moi à la face et lui au système.
Brieuc « la bretonnie » (Guillet NDR), je l’ai fait venir car on travaillait ensemble au dépôt de Dushow, et je connaissais sa valeur et ses velléités d’intermittence.
La délicate gestion des sub
SLU : Boule, puisque t’es là, tu m’expliques ton choix de mettre les subs derrière les têtes ? Ça sonne bien…
Boule : On a commencé à le faire avec Tintin de Fa Musique, et on s’est rendu compte que ça marche plutôt pas mal.
Tu te retrouves avec une sorte de HP coaxial et des antennes plus directives.
Chaque sub est raccordé au suivant avec 2° d’angle, ce qui crée un délai.
Je reconnais que j’ai été un peu sceptique au début, et Tintin qui me disait : ”tu verras, ça marche !”
SLU : Ne faire qu’une seule grosse antenne centrale…
Boule : Ça fait deux, trois dates que j’y pense pour simplifier notamment les couplages mais après je dois trouver la place de la mettre, et j’ai pas mal de scénographie et un écran qui m’en empêchent.
SLU : Une dernière question. Vous tournez avec les horloges des consoles ?
Boule : Oui, ce ne sont pas des bouffons chez Midas. Ils ont bien pensé leur truc. Franchement ça sonne. Leur horloge est super stable et puis, quand tu commences avec un rack externe, des rallonges, des connecteurs, je me demande si tu vas en enlever beaucoup du jitter !
RM : La musique d’ambiance est shuntée ! Boule : Ecoute, tu vas voir, la première note est à 43 Hz !
L’écoute
Pas de doute, le 43 Hz est bien là. Comme déjà dit lors de la première partie de ce reportage, un grand bravo à Boule pour un bas du spectre laissant filer ce qu’il faut pour être dans le trip rap, sans dégouliner ou au contraire oublier certaines fréquences.
Bon travail aussi de Raphael au niveau de son mix. Pour quelqu’un qui n’avait pas d’atomes crochus avec ce style musical avant de partir avec la Sexion, il respecte bien les codes musicaux du rap.
Le raccord entre les titres DJ et les titres orchestre marche, même si naturellement le rendu est plus dynamique et riche lorsque les 4 musiciens envoient le bois et plus stylé et roots quand DJ HCue reprend la main.
Compliments aussi pour la gestion des voix dont le flow s’imbrique bien dans le play-back. Mériadeck aidant (dans le mauvais sens), j’ai malgré tout trouvé par moments une pointe de dureté dans le médium et haut médium des voix, celle du chanteur du groupe nécessitant un nettoyage un peu plus poussé car elle quitte parfois sa gorge et devient dure à gérer.
Très bon rendu de la batterie avec une grosse caisse « Lance Armstrongienne » dopée au DBX. Oui, certains passages du show sont parfois trop forts pour tenir tête à un public chauffé à blanc mais un MAXXBCL Waves et les amplis d&b veillent au gras, sans jamais trop tasser ou colorer le signal.
Puisqu’on parle d&b, ce système convient bien au style musical par sa bonne tenue et sa densité naturelle et j’ai hâte d’écouter les side en V. Le couplage J-Sub et J-Infra marche aussi très bien et permet de bien répondre aux besoins spécifiques de chaque tournée.
Un dernier mot. C’est vrai qu’on n’a pas inventé le rap en France mais on sait le faire, parfois avec les tripes, d’autres avec le cœur. La Sexion mérite 1000 fois son succès même si sa musique et son show teintés de pop dérangent certains puristes. Les éclairages notamment sont très beaux.
Sans cœur les rappeurs ? Le soir de notre reportage, la dernière date de l’année 2012, l’ensemble de l’équipe de la tournée sans exception a reçu un mini iPad en guise de remerciement pour le remarquable travail effectué chaque soir. Plus qu’un long discours…
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