Tranquillement mais sûrement, Dushow continue sa marche en avant en accueillant dans son groupe Fa Musique, la pépite rhodanienne de Frédéric André, ainsi que S-Audio, Video Events et aussi Harkan via Alabama.
Tout juste trois ans après un reportage sur la naissance du groupe Dushow, nous sommes retournés voir son président Eric Alvergnat pour faire le point sur le paquebot amiral de la prestation française.
Un moment toujours passionnant avec un homme qui préfère accrocher le bois que de l’avoir à la place de la langue.
FA Musique rejoint Dushow avec l’adhésion des salariés
SLU : Une nouvelle étoile rejoint la constellation de Dushow, FA Musique.
Eric Alvergnat : Oui, en suivant notre mode d’intégration douce. Cela fait des années que nous parlions avec Frédéric André de son entrée dans le groupe. Le jour où nous avons appuyé un peu plus sur le champignon, il y a maintenant deux ans, la première chose que nous avons faite, avant même de parler d’argent, a été de réunir les salariés de FA et sa filiale S-Audio dirigée par Jean-Paul Tridon à Valence pour discuter de la façon dont nous allions travailler ensemble et recueillir leur avis.

Frédéric « Kerde » Kerdekachian était bien sûr aux premières loges puisque c’est lui qui reprendra la présidence de Fa au 1er Janvier 2016 pendant que Fred nous accompagnera pour les 2 prochaines années. Nous avons remporté l’adhésion d’un grand nombre de salariés et nous nous sommes donc lancés.
Dans le cas contraire je pense que nous n’aurions pas finalisé l’opération. C’est une méthode de derniers des Mohicans, qui peut sembler atypique voire caricaturale, mais nous y tenons. Cette manière de procéder ne durera pas aussi longtemps que les impôts (rires).
SLU : Que se passe-t-il ensuite avec ces sociétés qui vous rejoignent ?
Eric Alvergnat : Dès le départ nous harmonisons les structures comptables, c’est impératif, pour deux raisons : La première est de nous permettre de lire de la même façon l’activité et les performances de toutes les entreprises du groupe. La deuxième tient à la consolidation des chiffres. Les sociétés doivent être traitées de façon identique, compte par compte, pour que les résultats consolidés soient cohérents.
Pour le reste, les entreprises continuent à travailler selon leur mode initial et petit à petit, l’esprit de groupe se créé. C’est plutôt soft. C’est construit avec Philippe Borentin, notre expert comptable et fiscal historique. Nous avons démarré ensemble il y a plus de 30 ans et créé ou repris plus de 40 sociétés. Le Lucky Luke du juridique, pas le temps de finir d’expliquer le projet qu’il a déjà pondu les statuts !

SLU : Dushow reste un groupe totalement privé, mais avec sa taille qui ne cesse d’augmenter, n’y a-t-il pas d’envies de s’ouvrir par exemple à la bourse ? Avez-vous reçu des apports en capitaux extérieurs ou étaient-ce essentiellement vos fonds ?
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Eric Alvergnat : Nous ne sommes pas dans les critères qui permettraient d’aller vers la bourse. Nous nous sommes débrouillés seuls jusqu’à présent. Nous maintenons un niveau d’investissement très élevé, le rythme d’il y a déjà 10 ou 15 ans, malgré l’augmentation de la taille des entreprises et des frais fixes.
Nous gardons ce cap parce que nous aimons les beaux et nouveaux produits et surtout parce que nous nous sommes rendus compte que nos clients sont contents lorsque nous leur fournissons ce qu’ils souhaitent ou bien ce qui est le plus récent. Et ça va de plus en plus vite. Les cycles de vie des équipements se raccourcissent, les constructeurs innovent et accélèrent le rythme. Nous suivons.
SLU : Vous êtes combien de personnes maintenant si on intègre FA, tu as une idée ?
Eric Alvergnat : Ces chiffres changent d’un jour à l’autre mais nous sommes environs 300 CDI plus une centaine d’équivalents temps plein avec les collaborateurs intermittents. Pour bien comprendre, il faut faire le tour de l’ensemble. La holding de tête s’appelle Groupe Dushow SA. Elle n’a pas d’activité commerciale directe. Son rôle est de fédérer, aider, apporter de la réflexion et du conseil, à l’ensemble des 12 sociétés commerciales dans lesquelles elle est directement ou indirectement actionnaire majoritaire. Elle sert aussi de banque interne.
J’en suis le Président à plein temps depuis le 1er Juillet dernier. Auparavant je m’en occupais à mi-temps en assurant également la Présidence de Dushow SAS, la plus importante de nos filiales. Compte tenu de l’augmentation des charges de travail et de la nécessité de faire progresser nos jeunes dirigeants, nous avons nommé, ce même 1er juillet, François Soutenet à la présidence de la Dushow SAS.
François Soutenet, le nouveau Président de Dushow SAS, très bien entouré

SLU : Celle qui réunit Dispatch, Arpège et Caméléon ?
Eric Alvergnat : Exactement. Elle est le produit de la fusion de ces trois sociétés effectuée il y a 3 ans. Cette Dushow SAS est encore particulière puisque autour de son jeune président François Soutenet, nous avons un collège de 6 directeurs généraux délégués qui sont Fabrice Allex-Billaud à Marseille, Christian Lorenzi et Philippe Barguirdjian à Nice, ainsi que Xavier Demay, Anthony Robert, et Gérard Trévignon pour Paris.
SLU : François est le plus jeune du lot ?
Eric Alvergnat : Oui, et je suis vraiment content de cette mutation. Préparée depuis plusieurs années, elle a été validée par tous nos actionnaires et tous nos mandataires sociaux. C’est la belle histoire.
Nous avons un jeune de 38 ans qui prend la présidence de Dushow SAS. Il est assisté par 6 artilleurs plus ou moins jeunes et tous très expérimentés. C’est une forte équipe qui l’entoure et qui est formée, c’est important de le dire, de mandataires civilement et pénalement responsables.

SLU : Il a un gros rôle Christian ?
Eric Alvergnat : Bien entendu. Il est, avec Philippe, fondateur d’Arpège qui a réalisé une croissance importante dans les années 2000. C’est un pilier historique de l’équipe. Il est très puissant dans le relationnel et le commerce national. Il est particulièrement présent sur la région sud-est qu’il connaît comme sa poche.
Il est également président de notre société monégasque Accord et très impliqué auprès de Patrick Marenco, le dirigeant fondateur de Mash, notre filiale du sud-est dédiée aux structures scéniques et levages asservis.
Eric Alvergnat, Président de la Holding Dushow SA
SLU : Et toi tu fais quoi alors ?
Eric Alvergnat : Alors le matin j’ai piscine et après le déjeuner j’ai arts plastiques ! Et puis je dois aller dans notre petite filiale de Rio voir Dominique Chalhoub ! Entre les deux, je peux maintenant m’occuper à plein temps du groupe, notamment de sa croissance externe et de son devenir en général.
Outre la venue de FA Musique et de S-Audio, nous avons également accueilli, au cours de cette année, une société marseillaise qui s’appelle Vidéo Events. Nous y sommes associés avec Lionel Carmes, son fondateur.
Dans le même temps l’entreprise de vidéo Alabama, présidée par Dominique Lassarat, a repris la société Harkan et son fondateur Olivier « Jekel » Bussy. Elle est spécialisée dans les média serveurs et l’informatique dédiée.
SLU : Dushow continue son petit bonhomme de chemin !
Eric Alvergnat : Nous n’allons pas vite mais cela prend un peu d’ampleur.
SLU : Et pour ce qui est du ratio entre permanents et intermittents, c’est rare que le CDI l’emporte. On constate plutôt l’inverse.
Eric Alvergnat : L’augmentation de la taille des entreprises conduit inévitablement à un accroissement de l’énergie permanente par rapport à l’énergie intermittente.
Pour autant, et concernant les activités son, lumière et vidéo, le Synpase et surtout la Commission Nationale du Label veillent justement à ce que la masse salariale intermittente ne soit pas supérieure à celle des permanents dans les entreprises du secteur.

SLU : Ton métier est donc de faire prospérer le groupe, la holding. Quelle est la stratégie du groupe. On a eu le sentiment que Dushow à une époque se préparait à changer de main et bétonnait pour éviter l’achat par morceaux.
Eric Alvergnat : Notre stratégie est toujours simple, pour ne pas dire qu’il n’y en a pas, mais ça n’empêche pas de penser !!! (Sourire). Tout d’abord nous n’avons jamais voulu nous implanter dans tel métier, endroit ou pays pour satisfaire des appétits de pouvoir ou d’argent. Nous avons répondu favorablement à des opportunités, ou pas. Nous avons étudié beaucoup de projets qui n’ont pas eu de suite.
La seule et vraie stratégie a été de développer une entreprise indépendante sur une base, pour cette première génération, de partage de l’actionnariat. Nous avons 26 actionnaires dans la holding et encore une trentaine d’actionnaires ou d’associés dans les filiales. Il n’y a pas de personnes morales dans aucune des sociétés du groupe.

SLU : Qui quitte la boîte, lâche ses parts ?
Eric Alvergnat : Non, nous ne sommes pas en SCOP. Les actionnaires des sociétés commerciales sont ou ont été fondateurs et salariés. La détention des titres n’est pas liée au contrat de travail.
SLU : Pas de gros risque d’émiettement ?
Eric Alvergnat : C’est déjà tout émietté ! Et c’est la belle histoire des fondateurs mais cela ne passera pas une deuxième génération. L’entreprise n’est pas à vendre mais nous avons maintenant quelques actionnaires retraités qui souhaiteraient réaliser. Nous sommes à l’écoute et recherchons des solutions pour leur sortie totale ou partielle.
SLU : Comment Dushow compte-t-il continuer sa croissance. Par voie interne, externe ?
Eric Alvergnat : Les deux mon général. Nous continuons la croissance interne parce que de plus en plus de gens nous sollicitent. Notre chiffre d’affaires, à périmètre constant, est en variation positive. Evidemment le chiffre d’affaires consolidé du groupe est en augmentation puisque le périmètre l’est également. L’activité est là, c’est la rentrée et il y a beaucoup de spectacles, d’événements et de programmes de télévision à tourner. Beaucoup de business, y compris pour les Voyageurs.
SLU : C’est vrai que vos magnifiques studios mobiles prenaient un peu la poussière.
Eric Alvergnat : En ce moment, ils sont tous sur la route, pour U2 European Tour, les MTV Awards sans parler des Taratata. C’est encore remarquable à une époque où l’on peut enregistrer 96 pistes avec un ordi posé sur la couette de la chambre. Dans un autre domaine, notre studio de répétition est complet.
Ca nous arrive même de nous demander si nous ne devrions pas en construire d’autres tellement nous sommes amenés à jongler. Il y a des spectacles qui sortent à 22h, nous avons la nuit pour faire le ménage et d’autres équipes arrivent à 6h du matin comme dans un Zénith ! C’est formidable parce que les artistes viennent chez nous.

Auparavant, les producteurs et les équipes artistiques ne venaient pas chez les prestataires. Ils pensaient que nous étions dans un garage très loin. Ils découvrent que nous leur offrons des conditions de travail optimales avec le plateau de répétition, le studio de pré et post production, les entrepôts, les ateliers, les loges, les bureaux de prod, le restaurant et le bbq dans le même complexe. Pour les sportifs, le golf mitoyen avec hôtel 4 étoiles et centre de remise en forme est en construction.

SLU : Quels sont les grands secteurs d’activité de Dushow et comment se positionnent-ils en termes de ratio ?
Eric Alvergnat : Les ratios sont légèrement différents selon les entités du groupe. Nous sommes globalement leader sur le terrain du spectacle vivant tout en ayant près de la moitié de notre activité dans l’événement.
Et puis la télévision qui ne cesse de se développer. Dushow Barcelone, Bordeaux ou Toulouse font peu de musique tandis que Dushow SAS est très implantée sur les concerts et festivals.
Chez « Spectaculaires » à Rennes, en Bretagne, comme dirait Benoît Quero son dirigeant fondateur, une des activités principales avec « Les Allumeurs d’Images » est la création d’images monumentales qu’ils diffusent aux quatre coins du monde. Et puis nous avons les secteurs de …
SLU : La vente, l’importation, l’installation …
Eric Alvergnat : Yes sir. L’importation, la vente et l’installation représentent 10 à 15 % de notre chiffre d’affaires. Nous ne sommes pas des marchands dans le sens où nous n’avons pas de force de vente itinérante. Nous sommes d’abord prestataires de service mais nous proposons à ceux qui le souhaitent la capacité d’acheter des systèmes audiovisuels et scéniques tels que ceux que nous concevons pour servir le spectacle, la télévision ou l’événement.
SLU : On connaît la qualité des prestations, on imagine que vos installations ne reposent pas que sur du gaffeur et des dominos (rires)
Eric Alvergnat : Surtout que si nous équipons un lieu, et que 3 semaines après l’inauguration nous revenons avec une tournée, nous avons plutôt intérêt à ce que ça marche ! Nous réalisons beaucoup d’installations en ce moment.

SLU : Quelle entité effectuait les achats avant la holding Dushow ?
Eric Alvergnat : Dans les années 90, c’était Dispatch, spécialisée dans l’audio, qui remplissait la fonction de holding. Nous n’avions pas de légitimité pour défendre les entreprises du groupe qui faisaient de l’éclairage. Nous avons créé une holding de tête pour couvrir toutes les activités.
Il y avait déjà Dubo, Dubon, Dubonnet, Duson, Duboi et nous avons donc fait Dushow. Elle n’était pas sensée communiquer ou faire du commerce. Et puis nous nous sommes habitués à ce nom et quand nous avons fusionné Dispatch, Arpège et Caméléon en 2012, qu’il a fallu en trouver un pour remplacer toutes les anciennes marques, nous avons fini par le garder en créant Dushow SAS. Du coup la holding a été baptisée Groupe Dushow SA. De mon côté j’avais proposé LSBL à savoir Lovely Sound and Beautiful Light group. Je me suis fait jeter par tous mes potes (rires !) – J’ai quand même déposé la marque !
SLU : Tout en étant à la tête de la holding, tu es toujours présent au sein de la SAS ?
Eric Alvergnat : Bien sûr. Je dois consacrer tout mon temps aux entreprises du groupe avec un relatif prorata à leur taille et la SAS représente environ la moitié de l’ensemble. C’est une mutation douce. François m’a remplacé mais je reste le représentant de l’actionnaire qui détient 100 % et qui regroupe tous mes petits camarades actionnaires historiques. Pour autant, les choses bougent vite et nous sentons déjà le vent nouveau qui vient avec ce jeune président et sa nouvelle équipe de dirigeants très complémentaires et dotés de quelques milliers d’heures de vol.
SLU : Tu ne vois pas de rosiers dans ton jardin et des sécateurs te pousser dans les mains, pas encore ?
Eric Alvergnat : Il y a des rosiers et un sécateur dans le jardin mais ce n’est pas trop mon truc. Je n’ai pas l’intention d’arrêter. Le travail est passionnant et les équipes formidables. La plupart des entreprises sont en bonne santé et le challenge est toujours aussi séduisant. Je prendrai mon sac pour faire d’autres choses lorsque les actionnaires me feront comprendre qu’il faut passer la main. Je ne serai pas fâché, il y a un temps pour tout. La musique sera toujours là et moi présent pour l’écouter ou la « regarder » avec la même attention et le même plaisir.

SLU : La SAS est le cœur du groupe, les autres sociétés sont détenues à 100% par la holding ?
Eric Alvergnat : Non, elles ne sont pas toutes à 100%. Nous sommes majoritaires partout mais il y en a à 100%, d’autres à 80%, et aussi à 60. Les histoires et les personnalités des entreprises sont différentes et le rôle fédérateur de la holding est important. Les chemins se croisent. Par exemple chez Spectaculaires, nous avons une unité très importante de création d’images. Quand on va se quitter à la fin de cette interview, je vais aller assister à la première de Francis Cabrel. Tout le visuel de sa tournée, c’est-à-dire lumière, déco et vidéo, est créé par Spectaculaires. Ils arrivent dans la musique live en tournée par une porte assez sympa, en l’occurrence par l’artiste lui-même.
SLU : Et le son alors ?
Eric Alvergnat : Francis Cabrel habite dans le sud-ouest de la France et quelque part par là-bas, il y a une société que je connais peu et qui s’appelle Audio Concept. Ils font du bon boulot et l’Artiste est fidèle. Nous ne voulons pas demander aux producteurs ou artistes qui nous font confiance et sont fidèles de ne pas l’être avec nos collègues ou concurrents.
SLU : Revenons brièvement sur votre croissance externe. Un certain nombre de sociétés françaises connues rejoignent d’autres groupes. La naissance de ces nouveaux acteurs est elle stimulante par la concurrence qu’ils créent.
Eric Alvergnat : Et pourquoi pas. Nous ne sommes pas le Synpase et ne voulons ni ne pouvons proposer à toutes les entreprises du secteur de nous rejoindre. La naissance de nouveaux groupes ne créé pas forcément de concurrence dans la mesure où leurs opérateurs prennent des participations majoritaires dans des entreprises existantes.

Pour autant, la stimulation est réelle puisque les entreprises, une fois transmises ou reprises, vont changer leurs modes de fonctionnement. A la fois parce que les nouveaux propriétaires ou dirigeants appliqueront des méthodes commerciales où techniques nouvelles mais aussi parce que les modalités d’acquisition par création de dettes seniors vont induire des ratios économiques différents.
C’est nouveau pour la France mais pratiqué à grande échelle depuis longtemps par nos collègues américains qui sont capables de lever des dettes à hauteur de leur chiffre d’affaire annuel.
Au-delà des nombreuses créations d’entreprises sur le secteur, vérifiées par la quantité importante de demandes de Labels, vous constaterez qu’un bon nombre de prestataires actuels ont été créés il y a 30 ans par des personnes qui avaient 30 ans. Ces fondateurs en ont aujourd’hui 60 et cherchent à valoriser leur patrimoine. C’est bien naturel mais il doit y avoir une juste mesure entre les fonds accordés aux sortant et ceux qui restent nécessaires pour que les entreprises continuent d’investir.
C’est l’heure d’une certaine relève et il faut remercier les nouveaux entrepreneurs de s’intéresser à notre secteur.

Nous avons pris l’habitude d’investir dans les entreprises avec l’argent que nous avions gagné et non pas celui que nous allions gagner. C’est un peu old school mais cela nous permet de maintenir des politiques d’investissements techniques solides. Dans notre cas, bien que venant de la même époque, nous ne sommes pas vulnérables au départ d’un actionnaire fondateur car nous sommes nombreux.
Certains d’entre nous, notamment ceux qui ont pris leur retraite, sont prêts à réaliser et nous étudions des solutions pour les satisfaire. Nous ne sommes pas à vendre mais prêts à accueillir de nouveaux actionnaires.
SLU : Peut-être que personne n’a été en mesure de mettre le prix qu’on ne refuse pas.
Eric Alvergnat : Pas faux. Mais pas vrai non plus. Ce n’est pas de la démagogie, bien sûr que tout est à vendre mais nous avons développé depuis trente ans une politique de partage des outils de travail avec un certain nombre de salariés qui sont devenus actionnaires ou associés et tout ne peut pas être balayé d’un coup de chéquier. Encore une fois nous sommes sans doute et, encore pour un temps atypiques, mais un changement total d’actionnaire et un gros chèque pour les fondateurs ne suffisent pas à régler les questions du devenir de nos 300 salariés qui vont changer de vie et d’employeur.
SLU : C’est intéressant comme positionnement, ça permet de clarifier les choses.
Eric Alvergnat : C’est la raison pour laquelle nous pensons plutôt à accueillir de nouveaux actionnaires de façon progressive.

SLU : La santé financière du groupe est-elle bonne ?
Eric Alvergnat : Oui. Nous avons toujours été et nous sommes toujours classés à la note d’excellence à la Banque de France. Nous avons peu de dettes à court et moyen terme, pas de dettes à long terme, et pas de dette senior. Tout au plus, un peu de crédit fournisseur, quelques emprunts et un peu de crédit-bail.
SLU : Dans l’histoire du groupe et encore avant Dispatch, vous avez eu des apports en capitaux ?
Eric Alvergnat : Nous n’avons jamais reçu de capitaux externes. Nous avons eu des actionnaires financiers qui n’ont jamais dépassé 10 %. D’abord le grand groupe anglais de capital risque 3i puis un fond de private equity du Crédit Agricole. Ils n’avaient pas d’acheteurs lorsqu’ils ont voulu sortir et c’est nous-mêmes qui avons racheté nos parts.
SLU : Tu nous as dit qu’il y a du travail, mais les marges restent-elles bonnes ?
Eric Alvergnat : Il faut s’accrocher parce que nos interlocuteurs, producteurs, donneurs d’ordres, diffuseurs ont aussi leurs soucis. Ils cherchent à payer moins cher et ils ne vont pas forcément s’intéresser à nos pauvres 40 000 m² de bâtiments généralement neufs.
Lorsque nos équipes se rapprochent de la conclusion de leurs deals commerciaux, nous les incitons à organiser les réunions chez nous de façon à ce que nos clients visitent nos installations. C’est ensuite plus facile de reprendre la discussion. Il est important qu’ils comprennent que nous sommes des entreprises abouties, avec des moyens techniques et humains onéreux.
Le renouvellement du parc de matériel

SLU : Est-ce que vous avez chez Dushow une stratégie pour la revente de matériel d’occasion ?
Eric Alvergnat : Oui nous avons une stratégie scientifique et novatrice, qui consiste à chercher des acheteurs (rires). Nous avons simplement monté d’un cran. Pour la SAS à Paris, François Maze était en charge de la vente d’occasion depuis longtemps. Il vient d’être rejoint par Bernard Vainer qui est venu grossir l’équipe à tel point qu’il prend la direction de ce département.
La vente des équipements d’occasion est nécessaire, pour libérer de la place et parce que l’obsolescence est de plus en plus rapide. Nous avons des prix d’achat souvent corrects, donc nos prix de revente ne sont pas négligeables par rapport aux valeurs de remplacement.
Je pense que tous les loueurs et prestataires sont dans la même dynamique. Il faut renouveler les parcs. Il y a 20 ans on achetait une console de son pour 10 ans. Aujourd’hui, tu sais qu’en 5 ans elle sera dépassée car l’informatique et le numérique sont passés par là.

SLU : Comment décidez-vous du meilleur moment pour vous séparer de certains équipements ?
Eric Alvergnat : Nous regardons leur rotation, nous observons leur fiabilité, la façon dont ils sont prescrits. Nous rajoutons une pincée d’expérience et de méthode puis nous nous décidons de lancer leur remplacement. C’est un sujet qui fait l’objet d’assemblées.
Bernard Vainer, notamment, qui a un nez dans notre dépôt et un autre sur le marché mondial de l’occasion, (oui, il faut du pif pour ce business) fait des propositions. Il nous arrive aussi de remplacer des équipements qui sont très demandés, uniquement pour rafraichir le parc.
Toujours fan de Meyer Sound
SLU : Est-ce que Meyer qui a fait les beaux jours du son, est encore une marque d’avenir ? Je la vois moins spécifiée, moins utilisée en France, est ce que c’est toujours intéressant pour Best de la distribuer ?
Eric Alvergnat : J’entends ta réflexion. Elle est probablement justifiée par une communication trop faible de notre part. Nous ne sommes pas de bons communicants. Ce qui est en revanche intéressant de pointer c’est que notre vie avec Meyer est exactement le contraire de ce que tu perçois. Cela fait 25 ans que nous distribuons la marque.
Nous avons des passionnés chercheurs fous toujours aussi fans de haut-parleurs comme Marc de Fouquières. Le critère de fidélité est largement rempli et nous adorons ça. J’étais chez Meyer il y a un mois et c’est une entreprise formidable. Il y a 300 personnes qui travaillent avec des dynamiques de recherche et développement fantastiques. Nous avons reçu cette nuit en urgence 40 palettes par avion !!!

SLU : Pour l’exploitation ou pour la vente ?
Eric Alvergnat : Pour la vente cette fois-ci. Les anglais sont très forts sur ces points. Quand ils vendent une console analogique à 6 voies dans un pub de la banlieue de Glasgow, ils diffusent un article dans le monde entier.
Nous, nous envoyons pour un million et demi (en valeur !) de haut-parleurs pour équiper un parc d’attraction et nous n’allons pas en parler. Enfin si, on essaiera de vous faire inviter à l’inauguration (rires !!).
Heureusement nous avons des communicants volontaires. C’est le cas de Xavier Demay, de Christian Lorenzi, de Riad El Abed à Barcelone, de Thierry Perceval à Bordeaux ou Christophe Digne à Toulouse ainsi que de nombreux autres jeunes collaborateurs du groupe. Il se trouve que par notre histoire, notre culture, notre format, notre ADN, je ne suis ni commerçant ni communicant. Il faudrait déjà que je prenne un compte Facebook (rires), mais je dois encore réfléchir !
Pour en revenir à Meyer Sound nous avons une belle équipe chez Best Audio, emmenée par Sébastien Nicolas. Nous sommes fiers de distribuer ces équipements qui surfent actuellement sur une vague de succès formidable avec la nouvelle gamme.
SLU : Comment se fait-il que d&b ou Adamson ont pu ainsi prendre des parts sur le marché français… Est-ce qu’en France on ne veut pas de grosses boîtes avec des amplis dedans. Y a-t-il un phénomène de mode ?
Eric Alvergnat : Je crois qu’il en faut pour tous les goûts et ces deux constructeurs font des équipements de qualité. Côté prestation, il nous est impossible de suivre toutes les marques en même temps. Cependant la quantité de spectacles ou événements traités en Meyer Sound est énorme. En tant que prestataires nous suivons trois marques principales maintenant. Meyer Sound et l’excellent L-Acoustics par la plupart des entreprises du groupe ainsi que d&b avec Fa musique et S-Audio.
SLU : D’où ma question, parce que quand tu me parles du parc Meyer, si tu me comptes la M3D qui sortait peut-être une fois par an, ce n’est pas honnête (rires)
Eric Alvergnat : Effectivement ce sont ces systèmes plus anciens que nous utilisons lorsque l’opération n’est pas « speaker brand sensitive ». En revanche la nouvelle série Leo, Lyon et surtout Leopard est très demandée en raison de ses innovations et résultats.
Pense qu’il y a 25 ans pour sonoriser l’Olympia, nous mettions des compacts 246 SCV de 180 kg. Nous avons pu les remplacer par autant d’UPA Meyer Sound avec leurs subs. Je dis bien remplacer. Ce fut la plus grande fracture, mettre à la place de mastodontes omnidirectionnels, des petites enceintes qui envoyaient du son là où on voulait et encore, ce n’était que le début. Nous étions loin des systèmes actuels, mais on serrait un peu plus la dispersion.

SLU : Est-ce que c’est L-Acoustics qui a pris toute la place dans votre cœur et qui a été le plus prescrit, en France comme désormais dans le monde entier ?
Eric Alvergnat : Non, nous sommes fiers de travailler la marque Meyer Sound et très heureux de tous les succès réalisés avec notre parc substantiel de haut-parleurs L-Acoustics. Je me souviens avoir mis du V-Dosc sur la tournée de Jean Michel Jarre en 1993 à côté des MSL3. C’est un succès incroyable et la longévité du V-Dosc a été gigantesque. Depuis la durée de vie des systèmes est plus courte chez tous les fabricants.
SLU : Donc avec Meyer tout se passe plutôt bien.
Eric Alvergnat : Nous réalisons un très bon chiffre d’affaire avec Meyer. C’est une belle aventure, avec des gens que nous aimons bien et qui sont très efficaces. Leurs capacités de livraison sont surprenantes. Et puis il faut bien se serrer les coudes car la parité avec le dollar ne nous aide pas ces temps-ci.
SLU : Ce qui n’est pas le cas de tous les fabricants…
Eric Alvergnat : Yes, Euro is cheaper ! Pour les livraisons c’est plus long avec L-Acoustics et sans doute la rançon du succès. Mais nous jouons tous le jeu.
SLU : Tu ne vends pas de L-Acoustics
Eric Alvergnat : Bien sûr que si et dans des propositions non négligeables, surtout dans le sud de la France, en raison des appels d’offres que nous remportons et qui sont prescrits en L-Acoustics.
SLU : Quelques chiffres ?
Eric Alvergnat : Le chiffre d’affaire du groupe est d’environ 75 M€
SLU : Et en termes de vente ?
Eric Alvergnat : C’est assez variable. Nous avons une équipe réduite mais présente à Paris, Nice, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Rennes ou Lyon. Dans le groupe la vente représente environ 10 à15 % du chiffre d’affaires.
SLU : Un message à faire passer, le mot du président (rires !!)
Eric Alvergnat : Simplement que nous avons eu de la chance jusqu’à présent, et aujourd’hui nous avons de bons paramètres. Les équipes sont polyvalentes et enthousiastes, le groupe est rentable et nous avons des clients fidèles. Nous nous interrogeons comme tout le monde sur notre avenir mais nous ne sommes pas prêts à faire n’importe quoi.
Nous accueillerons certainement de nouveaux actionnaires mais ce sera dans une démarche collégiale comme cela a toujours été le cas. Je suis particulièrement heureux de voir les jeunes prendre les choses en main. Mais je peux te dire que je ne suis pas près de quitter le bateau car c’est la fête tous les matins et le soir du show must go on ! Euh, presque 🙂
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