Franchement, il n’avait pas besoin de ça pour briller. Séducteur en diable, drôle à en avoir mal au bide, Gad Elmaleh a fêté en fanfare ses 20 ans au Palais des Sports de Paris nanti d’une installation au bas mot superlative !
Spécialiste des « comiques » et partenaire de longue date, MPM a offert à cet événement un écrin de son et de rayons que nous avons pu visiter grâce à la complicité de David Nulli.
Matos en exclu, trouvailles en pagaille et franchise à tous les étages, on vous Gad en 2015, à tel point qu’on vous offre ce gros reportage en deux épisodes !
A peine franchi la porte du mythique Palais, un dôme autoportant bâti tout en alu par la société Eiffel au début des années 60 et qui a vu tant de combats de boxe s’y dérouler, c’est un gros, gros son qui nous colle au tapis, un air connu qui annonce la couleur de l’invité surprise du surlendemain : Johnny. Toute la musique que j’aime résonne fort et clair, joué d’une très belle façon par les musiciens, et des bons, d’un Gad en pleine forme et qui s’escrime dessus. La surprise est de taille même si David nous a prévenus de l’envie de l’artiste de se faire plaisir à lui comme aux presque 100 000 personnes qui sont venues parfois de très loin pour ces 20 représentations exceptionnelles.

Nous sommes accueillis par Thibaud Le Boucher qui assiste Eric Gabler à la face. Merci à lui pour la visite guidée. Un passage devant le plateau laisse apercevoir la pression qui y règne.
Deux sides de 6 Kara en douche épaulés par un SB28 au sol par côté ainsi que des Arcs en arrière scène, l’immergent de bonnes ondes à défaut d’être très étanches. Outre ces quelques boîtes dévolues aux retours, ce qui laisse pantois c’est le système.
On est loin du petit bois juste bon à allumer le feu comme dirait un rockeur bien connu, là on a le nécessaire pour un concert, un vrai. Quelques volées de marches et nous arrivons dans la régie du Palais des Sports, très haut perchée mais bénéficiant de ce fait d’une vue imprenable et d’une écoute très « public ».
C’est là qu’on retrouve Eric Gabler en train de finir les répétitions des musiciens et de Gad pour Johnny et aussi en pleine rigolade. Normal, Claudia Tagbo prend possession du plateau. La vue de là-haut est encore plus belle à cause d’un subterfuge qui rappelle furieusement le piano d’un certain Gilbert Bécaud.
Eric Gabler, le patron du son
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SLU : On voit bien pourquoi tu l’as placée aussi basse ta console, mais c’est agréable à travailler ?
Eric Gabler (Ingé son façade) : Je suis celui qui met toujours la console au ras du sol. Souvent on est placé à l’aplomb de la scène, je suis donc obligé de trouver une parade. Je n’aime déjà pas avoir un mur devant, ce n’est pas bon pour le son, et puis, quand tout est noir, les écrans numériques te flashent à la figure et plus ils sont bas, moins c’est gênant ! D’autre part je suis assis et même très bien assis (sourires). Si j’ai des tops main droite, si j’ai besoin de toucher quelque chose dans mes racks, je suis bien comme ça.
SLU : Gad et toi c’est depuis longtemps ?
Eric Gabler : Depuis 15 ans ! Du coup comme d’année en année je suis toujours là, je suis un peu fiché « comique », ce qui m’a encore plus poussé dans la sono des comiques avec Michael Youn, récemment Kev Adams. Je suis connu comme un spécialiste du « one man show ».
SLU : Tu dois être assez sollicité comme mec pour des places (son portable n’a de cesse de s’illuminer NDR)
Eric Gabler : Ahh tu crois (rires)? Oui beaucoup en effet…

SLU : Mais tu sais mixer autre chose qu’un comique !
Eric Gabler : Oui tu vois, sur ces 20 dates nous avons un chouette micmac de comiques, de musique et de plein d’autres choses. Si une tournée part, on va s’éclater. La décision n’est pas encore prise, sinon je vais reprendre tranquillement mes comiques et l’accueil au Bataclan.
SLU : Tu y as raté Camélia Jordana !
Eric Gabler : Oui exact, mais je ne peux pas être partout.
SLU : Tu fais partie de MPM ou tu es intermittent ?
Eric Gabler : Aucun des deux, je suis gérant de société. J’ai un studio de musique à la porte de Montreuil, le Studio 440 (www.studio440.fr).
SLU : Et c’est par ce biais que tu as appris la prise de son et le mixage orchestre…
Eric Gabler : Oui, mais j’ai aussi grandi au Bataclan, dans son univers de musique, ça facilite les choses !
Le DPA 4066, micro serre-tête incontournable
SLU : On pourra donc faire savoir à la terre entière que tu sais aussi mixer de la zique et pas que mettre des micros cravate (rires) !
Eric Gabler : Merci voilà ! Ahh mais ce ne sont pas des micros cravate mais des tours de tête équipés en DPA 4066.

SLU : Raconte-nous le cheminement de ton signal.
Eric Gabler : D’abord je sors en AES du récepteur Sennheiser, ensuite je rentre directement dans un Lake qui me sert à égaliser…
SLU : C’est la config légère sur la route ?
Eric Gabler : Non c’est *MA* config et c’est la seule que j’utilise, en tournée comme ici au Palais.
SLU : Tu aurais pu profiter ici du stage de ta console et c’était réglé.
Eric Gabler : J’aurais pu oui, mais je ne le fais jamais. Ca fait des années que je ne fais plus ça ! Je me sers très rarement des consoles qui pour moi ne sont plus que des surfaces de contrôle pour avoir des faders. Le son est réglé autrement. J’ai commencé avec des XL42 Midas tant que le numérique n’était pas là ; puis lorsqu’il a été disponible, j’ai fait le choix d’être autonome pour pouvoir régler mon DPA en étant moi-même sur scène car Gad demande beaucoup de pression dans ses retours. J’ai réfléchi à comment être au plus près de lui et de manière autonome pour pouvoir régler au mieux son micro et j’ai fait le choix de l’ordinateur.
SLU : Tu gères face et retours ?
Eric Gabler : Oui absolument. Juste pour ces 20 dates et du fait de la présence de nombreux musiciens et guests, c’est Guillaume Muhlmann qui mixe les retours, sinon je fais les deux depuis ma tablette en WiFi en me baladant partout.
Une régie particulière

SLU : Donc ton idée, c’est de gérer la voix pour face et retours avec un processeur de diffusion pour avoir la main dessus.
Eric Gabler : C’est exactement ça. J’ai commencé avec un XTA géré par Audio Core qui au début récupérait la sortie analogique d’une table qui ne servait que comme préampli. Ce n’était pas très pratique mais je n’étais déjà plus scotché à ma console. Après sont arrivées les consoles DiGiCo que je pilotais à distance et enfin je suis passé aux Galileo Meyer puis les Dolby et aujourd’hui les LM44. Je fais donc le son du micro de Gad à l’aide des outils que comporte ce type de processeur.
SLU : Tu préfères la flexibilité et la puissance d’égalisation d’un LM44 à la commodité d’une console ?
Eric Gabler : C’est ça. Je peux tailler beaucoup plus finement avec des filtres à phase linéaire et je suis sur scène pour bien me rendre compte de leur effet. Je suis le monsieur qui taille, qui taille, qui taille parce que je dois gérer un micro omnidirectionnel au sein de beaucoup de retours. Comme Johnny va venir chanter avec Gad, je vais avoir deux micros main, sinon on ne quitte jamais le DPA, même lors des passages chantés du show. Tout est en omni.

SLU : Et s’il s’approche de la batterie ?
Eric Gabler : Tu ne crois pas si bien dire. Il y a une chanson Gospel dans le show et il y va. Je baisse de 10 dB et heureusement en général il ne chante pas quand il est tout près de l’instrument. Au fur et à mesure qu’il s’en éloigne, je remonte le niveau. Année après année, je me suis habitué à ce son de DPA omni.
En tant que technicien cela te pourrit la vie, mais j’ai appris à m’en dépatouiller avec le Lake et mes autres outils qui ont vachement évolué ces dix dernières années. Quand je coupe le micro de Gad, ça change radicalement mon mix, et il en va de même quand parfois je coupe durant les balances, les retours plateau. C’est le jour et la nuit. Je suis DPA dans ma tête.
SLU : Revenons à ta chaîne de voix, le LM44 travaille aussi en dynamique ou seulement en super égaliseur.
Eric Gabler : Je ne fais qu’égaliser avec. La dynamique et la couleur je les gère avec un Tube-Tech. Plus exactement, je me sers d’un compresseur multi-bandes en insert de tranche après EQ, une unité numérique XTA marchant en AES et ensuite j’ai un CL2A Tube-Tech en analogique et sortie de groupe. C’est mon kit de base, et qui me suit partout avec le LM44, l’ordinateur pour avoir la main dessus et mon réseau WiFi. La console n’a que peu d’importance, je prends celle que je trouve et je peux tout faire tout seul même si en général nous sommes au moins deux.

SLU : Ta configuration paraît super maline mais elle nécessite impérativement ta présence pour la mettre en oeuvre non ?
Eric Gabler : Quand le DPA est de sortie, je suis souvent là. Gad aime aussi beaucoup le stand-up à l’américaine avec le brave SM58, en filaire qui plus est. Il a fait plein de voyages et de shows aux Etats Unis où cela se pratique énormément.
Il y a eu une phase où il écrivait et jouait son show dans une petite salle de 300 places à Paris, la Nouvelle Eve, avec guéridons et champagne, et où il avait adopté le 58 filaire. Il ne voulait pas autre chose.
Il s’est produit à Londres dans une salle d’un millier de spectateurs, l’Empire O2 je crois, avec la même config micro qu’à Paris et n’a pas trouvé ça terrible. Grande scène, fil à la patte, ça ne convenait plus.
SLU : Le son est tout de même meilleur avec un fil.
Eric Gabler : Oui ben non (rires). Ca ne me convient pas. Gad joue pas mal avec le SM58, donc le son bouge sans arrêt. Soit il le place très près de sa bouche, soit très loin soit entre les deux. Parfois il le pointe vers le haut, d’autres fois vers son torse. Pour moi c’est beaucoup plus compliqué et ça marche en définitive beaucoup moins bien qu’un DPA, malgré ses contraintes, car ce dernier va rester toujours bien en place. Je ne dis pas que le look du 58 n’est pas dix fois mieux, mais quand tu essaies de faire chanter quelqu’un dans ce micro en réglant le son pour une distance de 15 centimètres et qu’ensuite il le colle aux lèvres, je te laisse imaginer le massacre (rires) !
SLU : L’égalisation que je vois sur ton ordinateur, c’est la base à partir de laquelle tu travailles ?
Eric Gabler : Non, je n’ai pas de « base », c’est celle que j’ai faite à partir de ma voix (bonne et timbrée, idéale pour s’approcher de celle du patron NDR). Tous les jours on est flat, pas ici pour les 20 dates puisque l’acoustique reste la même, mais en tournée on repart toujours de zéro. Même si on a les mêmes enceintes tous les jours, on recommence. Je travaille au paramétrique et au graphique, un peu au feeling du jour. Avant je n’utilisais que le paramétrique mais depuis un an je me suis mis au graphique et pour ce que j’en fais, je le préfère. J’ai donc deux modules distincts qui aboutissent à deux sorties : GAF FOH et GAD MONITOR. Même ici où l’on dispose d’une console de retours, je garde la main sur les retours et le son de sa voix. On se connait très bien et je guette ses éventuels petits signes pour réagir. J’ai par ailleurs une visu bien meilleure que lui de la scène. Je garde le doigt sur deux faders de la table, Gad FOH et GAD Mon.
SLU : A quoi te servent tes autres jouets que je vois dans tes racks ? J’ai l’impression que tu t’es fait plaisir !
Eric Gabler : Il faut bien. On fête les 20 ans, non ? En plus c’est pour Gad, ce n’est pas dans ma chambre ! Le compresseur DBX 160SL sert à finaliser dans un groupe tout le gospel en le compressant. Le Phoenix est inséré sur le groupe des musiciens dans leur ensemble, sans le gospel ni Gad donc, basse, batterie, guitare et claviers et je rentre dedans assez fort.


SLU : Et le géné de sub-harmoniques 120A DBX ? C’est pour dépoussiérer les T21 ?
Eric Gabler : C’est ça, et les E218 aussi. Je fais passer dedans la grosse caisse, la basse, tom basse, tom floor. C’est un super appareil.
Le E15 s’impose
SLU : Es-tu satisfait de ton système ?
Eric Gabler : Avant qu’Adamson sorte le E15, on a eu pendant longtemps du Y10 et j’ai eu la chance de pouvoir essayer le gros modèle, le Y18 dans le même genre de configuration, disons un Zénith de 5000 places. Je me suis rendu compte à ce moment-là de l’importance pour moi d’avoir de gros HP pour mon omni. Même si de telles enceintes sont démesurées aux yeux de certaines personnes dans le cadre d’un one man, j’ai réussi à avoir un bien meilleur grave et surtout un meilleur contrôle du bas. Très content du Y18, j’ai énormément apprécié l’arrivée du E15 et j’ai surtout vu le travail que font Guillaume Muhlmann qui cale le système en tournée et David Nulli.

Leurs courbes parlent pour eux. Avec le E15 elles sont beaucoup plus flat qu’à l’époque Y ! J’ai aussi aimé la façon avec laquelle le système réagit immédiatement et très précisément à des coupes que tu entends parfaitement. Même un seul dB s’entend et je travaille au dB près. J’ai aussi constaté qu’entre salle vide et pleine, les réglages varient très peu comparé à la période Y10 et 18 où il fallait beaucoup retoucher durant les 30 premières minutes du show. Le E15 me comble vraiment.
SLU : Tu tournes toujours avec cette référence ?
Eric Gabler : Pour les grandes jauges, oui. Pour celles entre 1500 et 2000, on a décidé de partir en Kara parce qu’elle est aussi très, très bien cette boîte. J’ai ressenti le même plaisir à sa sortie que lors de l’arrivée du E15. L’omni DPA marche très bien avec. Avant que cette boîte apparaisse au catalogue de L-Acoustics, on partait en SpekTrix pour les salles moyennes et je n’étais pas fan avec le DPA. Le Kara au contraire avec les SB28 convient très bien et m’apporte précision et bas du spectre pour bien faire péter les bandes son.
L’arrivée de vrais musiciens dans les dernières tournées a compliqué la tâche de cette petite enceinte ; cela dit on a sonorisé l’Agora d’Evry, 2800 places, avec un bon résultat. Gad ayant eu de très bons retours du E15, sa précision et la pression qui plaisent au public, il nous a demandé de l’employer le plus possible, ce qui fait que j’ai demandé à David Nulli qui me proposait du E12 de rester avec le E15.
SLU : Le 12 par rapport au 15 ne représente qu’une baisse de quelques dB que tu compenses facilement si nécessaire avec quelques boites en plus…
Eric Gabler : Guillaume (Muhlmann NDR) m’a dit qu’effectivement il retient un peu le bas des E15 dans le filtrage…Je n’ai pas encore eu l’occasion d’écouter du E12 mais ça viendra.
SLU : Et le S10 ?
Eric Gabler : Il vient de sortir, j’ai donc demandé à David Nulli de m’en mettre rapidement sur la tournée. Il a pu m’en sortir un peu pour ces 20 dates. Etant un adepte des Zéniths et donc des raccords entre système principal et compléments latéraux, j’ai pu apprécier la qualité de ce raccord entre E15 et S10 ou plutôt de la non différence entre les deux. Ca matche vraiment bien. Quand on change de zone on garde une couleur similaire. Je suis assez content. Je n’ai en revanche pas écouté le S10 en principal.
SLU : Tu aimes compléter tes E15 par quel sub ?
Eric Gabler : Les T21. On a dans le show un effet de guitare perçu que Gad appelle la guitarbouka et qui sort super bien avec ce sub et comme on l’a toujours employé pour le créer, j’en suis fan et surtout aucun autre sub ne le reproduit aussi bien. J’utilise les subs comme des effets et ils sortent sur un aux à certains moments. Nous avons aussi pour ces 20 dates des E218 mais j’avoue ne pas avoir d’avis car ils sont sous la scène mélangés aux T21 et on en a beaucoup d’accrochés ! Après la découverte de la régie et surtout du savoir-faire très spécifique qui est nécessaire pour repiquer et mixer un artiste comique, place à la diffusion avec Thibaud Le Boucher en guise de Monsieur Loyal.
SLU : Nous avons combien de boîtes par côté ?
Thibaud Le Boucher (Assistant son façade) : En principal nous avons 9 x E15, 6 x T21, 6 x S10 en outfill, 6 x S10 en downfill et 6 x S10 en délai. Sous le nez de la scène il y a xix Metrix pour les spectateurs des tout premiers rangs et quatre E218 en complément des T21. Rappelons qu’il s’agit du « petit » sub Adamson initialement prévu pour accompagner les E12 en l’air mais qui est capable aussi, grâce à son rendement et à sa charge passe-bande, de compléter des installations plus ambitieuses et être laissé au sol pour jouer avec ce dernier, ce qui semble le but recherché ici.
SLU : Qui a effectué le design de cette diffusion ?
Thibaud Le Boucher : David Nulli, c’est lui qui a tout conçu. Malgré le fait qu’avec le montage en passe-bande, les 218 tirent un peu plus devant, un des quatre subs sous la scène est tourné à 180°. Tout est contrôlé et amplifié par le triptyque PLM 20000, 10000 et FP7000.
SLU : Quelle est ta fonction précise Thibaud ?
Thibaud Le Boucher : Je suis l’assistant d’Eric. Avant qu’il n’arrive j’allume la diffusion, je vérifie que rien n’ait bougé et je fais le line check.
SLU : Qui dirige les équipes de MPM sur cette prod ?
Thibaud Le Boucher : Eric mixe mais est aussi le chef d’équipe pour MPM et est au contact de l’artiste et de la prod.
SLU : Tu viens de l’est toi aussi ?
Thibaud Le Boucher : Ahh non, je suis parisien. J’ai eu la chance de faire mon stage après le BTS chez MPM et j’ai enchaîné avec eux. Je suis intermittent et étant basé à Paris, je m’occupe beaucoup des prestations de MPM qui se passent dans la capitale et pour le reste je tourne, notamment avec Gad. Cela étant je connais bien la route qui mène à Metz et je vais assez régulièrement au dépôt rendre visite à l’équipe et aussi mettre les mains sur le matos. On a le droit ! La balade du Palais des Rires (Claudia Tagbo est encore plus drôle en répètes qu’en show et elle est déchainée ! NDR) continue avec une halte auprès de Guillaume Muhlmann, le complice de toujours d’Eric Gabler pour Gad et qui, pour ces 20 dates, a délaissé le système pour prendre en charge les retours.
Et les retours ?

SLU : Cela aurait été difficile de gérer les retours depuis la face cette fois…
Guillaume Muhlman (Ingé son retour) : Oui, la présence des musiciens sur scène a rendu nécessaire le mix avec toute la proximité requise. J’ai beau être plus porté sur le système et m’occuper de la diffusion de Gad depuis une dizaine d’années, j’ai une certaine connaissance des ears, j’aime beaucoup le mix studio et surtout j’ai un bagage assez complet en diffusion et acoustique pour me mettre au service des musiciens et assurer leurs retours. Je dois avouer que c’est aussi un travail très intéressant, différent mais très complémentaire avec ce qui se passe devant. Le vrai challenge, Eric a dû te le dire, c’est la gestion du DPA omni.
SLU : Je vois que tu as la main sur le niveau de Gad, mais Eric aussi. Comment faites-vous ?
Guillaume Muhlman : Toute la chaîne voix est en AES donc cela n’impacte pas la qualité audio. Il me donne un niveau en sortie de sa table qui rentre en AES dans la mienne. Cela permet à Eric qui voit Gad mieux que moi, puisque je ne dispose que d’un petit monitor, de suivre ses requêtes à la volée. En plus avec ce micro, c’est important d’avoir la main sur les deux niveaux face et retours car 2 dB sur l’un ou l’autre ça change tout. Je garde bien entendu la main sur les sorties vers les différentes enceintes et c’est d’ici que tout est matricé. Si jamais il y avait le moindre problème, je peux tout aussi bien travailler sans son fader et cela est aussi vrai dans l’autre sens si ma table venait à tomber.
SLU : Je vois que tu as la même visualisation qu’Eric sur le LM44 de Gad.
Guillaume Muhlman : C’est normal, nous sommes à deux dessus, on se le partage. Il est maitre et moi esclave mais nous avons accès tous les deux aux mêmes réglages et on visualise en temps réel ce qui se passe sur la sortie FOH ou Mon.

SLU : Pourquoi avoir choisi du Kara comme retours ?
Guillaume Muhlman : En tournée nous utilisons de l’ARCS Wide mais pour ces 20 dates on nous a demandé de bien dégager le cadre de scène d’où le Kara. Les ARCS sont sur pied à l’arrière de la scène en débouchage. Je garde ce renfort ouvert tout le temps pour permettre à Gad de se balader librement sans avoir de zones d’ombre.
SLU : J’ai un peu l’impression que devant la scène le remélange des retours et de la face crée des interférences. Les deux ont été alignés ?
Guillaume Muhlman : Oui, la face est calée sur le Kara. Les ARCS sont assez loin derrière et concernent vraiment une zone précise et assez sélective qui ne doit pas venir polluer devant.
SLU : Le Kara ouvre large…
Guillaume Muhlman : Le Kara ouvre très large ! Gad aime bien la proximité et les enceintes traditionnelles. Du coup il n’est pas fan des line-arrays où la pression reste constante quelle que soit la distance avec les boîtes. Il aime bien avoir plus de son en se rapprochant de la source donc on a triché sur le shoot des side de sorte à ce qu’il n’y ait pas trop de recouvrement au point central et qu’il arrive à retrouver un peu de pression en se rapprochant du système. On a réussi à avoir moins de pression au centre et plus sur les extérieurs.

SLU : Comment travailles-tu à la console ?
Guillaume Muhlman : Je « splite » pour avoir des départs side et ears à cause des égalisations très différentes sur les deux. Le Kara est égalisé pour le DPA avec un shelve dans l’aigu qui le tasse pour éviter les problèmes. C’est mieux ainsi, au lieu de tailler dans le micro.
SLU : Combien de signaux gères-tu ?
Guillaume Muhlman : En tout on a un 48 paires qui arrive de la scène et un 24 éclaté qui gère uniquement les HF, la « HFrie » en somme dont le Gospel, les talks, les guess et j’en passe. On a donc une mixette pour le réseau d’ordres et quelques trous dans la grosse table en spare, au cas où.

SLU : Comment travaillez-vous en tournée ?
Guillaume Muhlman : Nous sommes trois. Eric à la face, moi au système et nous avons un assistant. Il se peut qu’il soit absent, dans ce cas je le remplace. Je suis très polyvalent puisque j’aide aussi au plateau en fonction des besoins.
SLU : C’est vrai qu’on a l’impression que vous n’avez qu’un micro à gérer. Vous avez bien plus que ça…
Guillaume Muhlman : On doit faire en sorte que l’ensemble du spectre de ce micro soit toujours parfaitement géré et offrir le meilleur rendu à toute la salle. Même en ce qui concerne la diff, il y a des différences vis-à-vis d’une configuration musicale. Dans notre cas, l’objectif premier est l’intelligibilité, idem pour la couverture et les recouvrements. Le one man est une très bonne école car le DPA peut très bien aller dans certaines salles et pas du tout dans d’autres.
SLU : Vous n’avez pas essayé d’autres têtes plus directives ?
Guillaume Muhlman : Si mais elles ne conviennent pas chez DPA. On a essayé la marque Countryman car ce sont d’excellents micros qui marchent très bien sauf que leur connectique est trop fragile.

SLU : Vous n’avez aucun outil à part vos oreilles pour rattraper un accrochage ?
Guillaume Muhlman : Non. Eric a testé un Sabine mais ça n’allait pas et dernièrement il a essayé le 5045 Neve, un appareil qui te permet de gagner en « headroom » de manière plus intelligente et moins audible qu’un Feedback Exterminator. Apparemment le nombre trop réduit de commandes l’a refroidi, mais c’est une machine qui devient très à la mode. Pour le moment donc c’est tout à l’oreille.
SLU : L’émetteur de Gad ?
Guillaume Muhlman : C’est un Sennheiser SK5212. Il en porte un seul et vu sa fiabilité, on ne va pas l’encombrer avec un second pack. Il tient à sa liberté. Il y a en revanche un spare qui l’attend en cas de pépin.
SLU : Tu vas faire les retours de Johnny dans deux jours (rires !)
Guillaume Muhlman : Oui, tout le monde m’a déjà appelé pour me faire part de ses avis. Guitares à fond, batterie à fond (rires !!) On verra bien. On est là pour ça et on fera de notre mieux.
Conclusion provisoire
Pas facile de contenter tout le monde, artiste comme le public. On a une preuve magistrale du dicton « le son n’est que compromis » avec le subtil encastrement entre retours et face, entre Kara + SB28 et Arcs d’un côté et le système en E15 de l’autre complété par un downfill en S10 et des lipfills en Metrix. L’ensemble marche et cela d’autant mieux qu’aux manettes des super techniciens font attention à ne pas laisser filer le moindre dB qui se paie cash avec un omni, et que la salle est saine et tapissée de public. Il n’empêche qu’on aimerait qu’L nous sorte un Kara en Panflex (je plaisante !!).
Peut-être aussi que quelques K2 –fermés- à 70° et dont la directivité du bas mid est aussi très bien gérée, auraient mieux contenu le son dans le cadre de scène. L’alignement temporel effectué entre système et retours a en tous cas bien circonscrit le problème en offrant aux premiers rangs un son certes un peu plus fort et moins linéaire, mais gardant toute l’intelligibilité qui fait le fort de l’installation.
Un grand coup de chapeau à ce sujet à Eric et Jérôme pour la parfaite gestion du fameux omni DPA et pour la mise au point de la chaine numérique auquel il est raccordé, une solution compacte et accessible par ordinateur qui montre la parfaite maîtrise acoustique et ergonomique d’un problème qui n’en est plus. Sur le papier, cela semble moins intuitif qu’une console. Il n’en est rien, et outre la finesse de correction et la qualité des filtres à phase linéaire de Lake, le compresseur multibande et le bon vieux Tube-Tech donnent à Gad un confort et une sérénité d’esprit qui doit lui être précieuse.
La technique n’est jamais aussi belle que quand elle se fait oublier. Quoi qu’il fasse et dise, tout sort fort et clair, sans la moindre distorsion, sifflante, ou dominante. Gad en plus réajuste souvent son micro. Loin du tic, cela dénote une habitude salutaire prise avec le temps et qui lui permet de bien s’entendre tout en facilitant le travail en aval.
Gros clin d’œil à Eric, le plus « comique » des ingés son mais qui sait aussi faire sonner un basse/batt quand l’occasion se présente à grands coups de 120A DBX et de Phoenix dont les aiguilles n’ont pas chômé. Bravo aussi à David Nulli pour son design clairement taillé pour l’artiste et faisant la part belle à la voix, sans oublier d’être patateux, spectaculaire et avec un bas du spectre alliant l’impact des E15 et toute la bave des T21 et des E218.
L’apport de ces derniers n’a pas pu être quantifié, on aura certainement l’occasion de les réécouter dans de meilleures conditions. Il en va de même pour les S10 dont les presets vont probablement encore évoluer pour leur donner un médium et un aigu plus proches de celui des E réputé pour sa précision et finesse outre sa force, sachant que le moteur est identique même si employé différemment.
Rendez-vous très vite pour la deuxième partie de ce long reportage avec l’interview d’un pro au sourire discret qui a été de toutes les aventures et non des moindres, Stéphane Jouve dit Junior et un long entretien avec David Nulli, directeur technique de MPM et toujours amateur de l’orange fluo de Waveform Audio.
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