OK, on n’a ni Broadway ni West End à Paris, mais Stage Entertainment continue à égrener des super musicaux dans son Théâtre Mogador refait à neuf et très bien équipé. Visite complète des lieux en compagnie de Bertrand Billon, son audio manager et de l’équipe de Chicago.
D’une jauge de 1600 places sur trois niveaux, Mogador et passé sous contrôle du néerlandais Stage Entertainment en 2005 et depuis, programme des comédies musicales anglosaxonnes du calibre du Roi Lion, Mamma Mia, Sister Act, Cats, Grease ou, depuis la fin septembre 2018, Chicago.
Le 25 septembre 2016, quelques jours avant le lancement du Fantôme de l’Opéra, un incendie a contraint Stage d’annuler la saison de cette œuvre afin d’entamer une profonde refonte des lieux, velours comme technique. Bertrand Billon, Audio Manager mais aussi Event Technical Coordinator (il y a plein d’événements en plus du musical NDR) nous fait la visite plus que commentée de Mogador. Merci à lui pour son temps. Il ne pensait pas qu’on lui on aurait piraté autant;0)
Bertrand Billon
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Bertrand Billon : Je revois encore la scène démontée, sorte de grille de barbecue tordue, et la salle entièrement remplie de Layher avec des dizaines de personnes nettoyant et décontaminant au chiffon chaque centimètre carré de mur qui a ensuite été repeint et redoré. Tous les cintres, la scène, certains des foyers attenants ont été changés ou rénovés. Le système son d’époque a été décroché et restitué.
Il était loué et certaines boîtes ont eu chaud. L’ensemble du surround qui nous appartient a aussi été décroché et a été renvoyé chez le fabricant pour être contrôlé et décontaminé. Dans le laps de temps entre l’incendie et la réouverture de Mogador avec Grease, on a acheté notre intercom numérique Clear-Com. Pour la rentrée 2018, on y a ajouté la SD7T DiGiCo, les liaisons numérique Shure et la diffusion en Meyer.
Une doublette made in Marcoussis. Côté face une 5XT pour le surround et côté pile une 8XT en délai.
SLU : Il y a un mélange de marques de diffusion assez original…
Bertrand Billon : (sourire) Et historique. Les ambiances et les délais datent du Roi Lion dont le design sonore avait requis l’installation de nombreuses enceintes L-Acoustics qui marchent toujours très bien et le d&b est une demande du Sound Designer de Chicago.
SLU : Contrairement à d’autres, vous avez fait le choix de ne pas louer vos liaisons…
Bertrand Billon : C’est normal. Nous jouons 9 mois par an et répétons le reste du temps. Avoir nos HF cela découle d’une logique comptable mais c’est aussi la volonté du Board de Stage que nous possédions les éléments techniques clés de notre métier : l’intercom et les HF. La console a généré plus de débats. Il s’agit d’une SD7T en double Engine. Mis à part le budget conséquent, c’est un des éléments que les designers souhaitent choisir entre DiGiCo, Yamaha, Avid…
SLU : Yam is back ?
Bertrand Billon : Oui, la Rivage revient dans la danse. Notre choix s’est malgré tout porté sur la SD7T car elle est sur 9 fiches techniques sur 10.
SLU : Et pour le système ?
Bertrand Billon : C’est encore plus simple. Dans notre niche de la comédie musicale anglo-saxonne, il y a deux fournisseurs : d&b et Meyer et c’est d&b qui est le plus employé.
SLU : Tu imagines la question ;0)
Bertrand Billon : Absolument. On a choisi Meyer d’abord pour la flexibilité qu’il apporte car chaque saison, on est susceptible de descendre et raccrocher différemment le système ce qui est très simple avec de l’actif. Le second argument c’est de l’avoir acheté en France, chez Best Audio & Lighting, donc adossé à Dushow et serein en cas de panne ou d’ajout ponctuel. Enfin on a opté pour le Leopard et pas uniquement le Lina pour pouvoir accueillir aussi des concerts sans devoir à chaque fois tout changer dans la salle.
Une partie du système, appelons-là celle à longue portée, tout en Leopard. Remarquez comme la ligne centrale dévolue aux voix et cassée en deux parties pour aller taper au fond de la corbeille et du balcon et doucher l’orchestre.
SLU : Tu devras juste installer du Leopard aussi à l’orchestre
Bertrand Billon : C’était prévu, le Lina qui s’y trouve était réservé à la ligne centrale des voix pour laquelle cette boîte est parfaitement dimensionnée, mais le cadre de scène étant très pris par l’éclairage, on a dû accrocher plus petit.
Par la suite on a fait fabriquer des potences pour pouvoir placer à nouveau du Leopard à l’orchestre mais, la première approchant, on a fait le choix avec le designer sonore de rester en Lina en en musclant le bas avec les subs placés sous le gauche droite et non plus en Arc Sub comme prévu initialement.
Le combo multi marques Mogadorien à l’orchestre à jardin avec les 5 Lina du système principal sur leur potence (un coup de barbouille beige leur irait si bien), un des six 1100-LFC déployés dans la salle et, comme le système est très avancé, une UPJunior plaquée près du cadre de scène pour donner du son et des voix aux spectateurs des premiers rangs. Enfin on aperçoit à droite une E6 d&b en lip.
SLU : Combien de spectateurs sont couverts en deux fois 5 Lina à l’orchestre ?
Bertrand Billon : 800. La salle est découpée en 800 + 400 au balcon et 400 à la corbeille. C’est possible aussi grâce au réseau très dense de délais et à la qualité et puissance de la section aiguë du Lina qui porte loin. On a plus de 80 boîtes dédiées aux délais.
Le perdant est un peu le bas médium, même si on a rattrapé la chose avec les 1100-LFC. On en a deux autres sous la scène et les deux derniers sont dans les coursives du balcon. Je te laisse imaginer le boulot que cela a été de les hisser là-haut et surtout traverser les rangs de sièges (rires !).
SLU : Le designer est content ?
Bertrand Billon : Oui, même s’il avait d’autres marques en tête. T’auras beau acheter une Rolls, certains ne jurent que par Bentley.
SLU : Et puis tu aimes le Meyer (sourire)
Bertrand Billon : Oui, dans ma première vie avant Stage j’en ai beaucoup utilisé et j’aime cet outil. Enfin nous avons rentré suffisamment de Galaxy pour à terme pouvoir faire du beam control, le « « Array Processing » » de Meyer même s’ils n’aiment pas que je le définisse ainsi.
Les quatre Galaxy 816, 32 voies d’entrée et 64 voies de sortie, de quoi processer le système très finement avec, comme l’a fait remarquer Bertrand, les switches désormais omniprésents. Bien visible sous les deux Galileo du haut, un des deux serveurs RMS.
On n’a pas pu le faire cette année car il faut au minimum 10 boîtes par côté pour que cela fonctionne. On aurait pu pour la voix mais le designer a souhaité couper la ligne en deux.
Nous avons aussi acheté les serveurs RMS pour connaître au quotidien et automatiquement l’état du système, ce qui ne nous empêche pas d’écouter, tablette wifi en main, chaque groupe de HP.
SLU : Qui fait ça ?
Bertrand Billon : Le mixeur, chaque jour à la mise sauf le samedi où ça joue deux fois de suite. On se fait aussi avant chaque représentation un line et un sound check avec les musiciens de même qu’on se teste tous les HF.
Statistiquement et sur 12 ans d’exploitation, nous avons eu une panne à la diff, un sub qui est arrivé avec une carte défectueuse. Pour la petite histoire c’était pour Le Fantôme de l’Opéra, le spectacle auquel on avait livré le système mais qui n’a jamais été joué en public à cause de l’incendie.
SLU : Vous en êtes où de l’immersif ?
Bertrand Billon : Ca vient. L-Acoustics communique beaucoup dessus, d&b qui a son système, aussi. On a eu de notre côté une première expérience lors du Bal des Vampires avec un processeur externe hors de toute marque d’enceintes, mais je t’avoue que je suis un peu freiné par la géométrie relative entre le public et la scène. Si je ne peux pas placer le public au centre d’un foyer défini par la diffusion, pour moi cela ne peut pas fonctionner.
La scène de Mogador aux couleurs de Chicago. Le nombre très important de découpes a obligé le système à être avancé. Pas évident de déployer de l’immersif en espaçant suffisamment les lignes et d’accrocher en plus les subs…
La règle numéro 1 dans notre travail c’est la clarté et l’intelligibilité, et tant que les salles ne seront pas spécifiquement faites pour l’immersif tel qu’il est proposé, je préférerai le matriçage et le travail manuel pour suggérer le placement des sources. Mogador ne s’y prête pas trop.
N’oublions pas enfin que la raison d’être de ces gros musicaux c’est de durer le plus longtemps possible et d’être montés dans plein de théâtres sans changer le design scénique et technique original. Ce sont des grosses machines qui reposent sur des designs éprouvés et fiables.
Les 4 racks contenant les dix récepteurs quadruples AD4Q, les distributeurs AXT630 dont un sert de spare, le chef d’orchestre de la HF l’AXT600 et plus si affinités dont un magnifique patch à coupure comme on en manipule depuis des générations de sondiers.
SLU : On imagine que les sommes en jeu sont conséquentes…
Bertrand Billon : Bien sûr et la panne est la hantise du designer. Nous avons par exemple ici des HF numériques et une console numérique. J’ai donc proposé que l’on reste en numérique pour passer l’audio en Dante entre les deux. La réponse a été non, le full numérique manque de recul et de la rapidité de reconfiguration qu’offre un bon vieux patch Bantam en cas de pépin sur une liaison.
Idem pour l’AES. Les canaux sont véhiculés par deux et effectuer du routing dans la console est infaisable pour le mixeur qui est trop pris par son suivi à la main. Nous passons donc des récepteurs Shure au stage de la DiGiCo en analogique et on garde le Dante pour le monitoring.
SLU : Noooon…
Bertrand Billon : Si. C’est un sujet dont on peut débattre des années, mais ça changera avec le temps.
SLU : Sinon tu as toujours ton gros travail sur la mise en phase générale et celle des voix…
Bertrand Billon : Toujours ! La voix par définition est routée dans le central, mais aussi là où il faut sur les côtés où dans les délais débouchant les zones moins bien couvertes. Je me suis d’ailleurs acheté une licence de SMAART complète et une paire de micros. Certains designers travaillent cela dit encore à l’oreille. 3 morceaux de musique qu’ils connaissent par cœur, un enregistrement de caisse claire et c’est parti. Ca force le respect.
Pour le mix on procède par sous-groupes voix lead, chœurs stéréo, musique stéréo, effets stéréo et ensuite on refait un mix de ces groupes par zone dans les matrices. Forcément il faut faire des choix pour la mise en phase puisque le nombre d’enceintes est très important, mais heureusement on n’envoie pas le même mix dans chaque enceinte. Pendant les répétitions, on travaille cet équilibre entre les matrices pour que chaque spectateur où qu’il soit placé, entende tout et bien.
Dans l’antre de la HFrie, Bertrand en train de nettoyer un fil micro après l’avoir soigneusement coincé avec son pied droit. Ou de jouer de la musique sur une seule corde ! Derrière lui, l’habituelle armoire à fournitures, packs et pièces de rechange.
SLU : Le concepteur est à la baguette durant cette phase ?
Bertrand Billon : Bien sûr, mais au bout de 12 ans, on commence à avoir une certaine expérience et plus de légitimité pour apporter nos idées et notre savoir-faire. Nous ne sommes plus les rookies (rires!) et pendant le montage j’assume désormais le rôle d’ingénieur de production, à savoir la traduction de la fiche technique du designer en liste de matériel et de déploiement de ce dernier. C’est une très grande source d’enrichissement pour moi.
SLU : Venons-en à tes HF, tu en as combien ?
Bertrand Billon : Nous avons acheté 40 liaisons Axient Digital Shure, même si pour Chicago on n’en utilise que 24. Nous en avons d’avance pour les événementiels et les futurs shows. Chaque liaison comporte des émetteurs body, des ADX1M et des micros omnis DPA 4060.
Quand on aime, on ne compte pas. Prêts pour le service, les ADX1M de Chicago. Il n’y a plus qu’à brancher un micro, pousser la batterie jusqu’à son verrouillage et c’est parti.
SLU : Comment gérez-vous les capteurs et quelle est leur fréquence de renouvellement ?
Bertrand Billon : En dehors des cas de casse durant une saison, essentiellement dus à la sueur et plus rarement à la connectique, je prends la totalité des micros de l’année et, en fin de saison, je les nettoie et les teste individuellement grâce à la trace d’un exemplaire flambant neuf.
S’ensuit un lot de micros cuits, mi-cuits et enfin les bons pour le service. Je revends ceux qui ont encore du potentiel et écarte ceux qui sont fonctionnels mais sont cuits. Nous luttons contre deux ennemis : le maquillage et la transpiration. Le maquillage s’arrête à la grille, il est donc facile d’en venir à bout. La transpiration en revanche étant salée et humide, cumule deux gros défauts pour un capteur aussi petit et provoque une nette baisse de ses performances puis sa détérioration.
En route pour les bas-fonds de Chicago !
L’interphonie numérique Helixnet Clear-Com avec les unités maître HMS-4X et l’unité de spare et son switch prêts à prendre la main en cas de panne. Avantage de ce modèle, il passe en XLR ou en RJ45.
Après une visite de la salle et de l’orchestre, Bertrand nous propose de plonger dans les sous-sols de Mogador où se cachent les moteurs des cintres, les racks d’amplis, les DSP de l’intercom et plein d’autres recoins passionnants et refaits à neuf après l’incendie et surtout l’arrosage long et méthodique des flammes par les pompiers.
Cette balade a aussi pour objet l’allumage d’un certain nombre d’appareils qui vont être exploités quelques heures plus tard.
Les LA4 L-Acoustics, rackés en 2007 pour le Roi Lion et fidèles au poste depuis pour alimenter via des kilomètres de câbles, les enceintes de surround et les délais.
Première pièce visitée, la salle des machines sonores où cohabitent les contrôleurs amplifiés L-Acoustics pour les délais et les surrounds, les contrôleurs Galaxy Meyersound, les alimentations spécifiques aux petits modèles Meyer et les CPU Helixnet Clear-Com.
Une partie des racks et de leur contenu appartient à Mogador, typiquement la diff. et l’intercom. En revanche, les amplis et la distribution d&b propres aux retours de scène et aux lip fills en E3 sont loués pour la saison par Orbital Sound, le prestataire anglais de Stage qui fournit quand nécessaire du matériel à Mogador.
Bertrand Billon : Chaque année je vais à Londres préparer avec Orbital le matériel en fonction de la fiche technique et du design propre au spectacle. A noter aussi que cette année les amplis marqués Surr. sont éteints. En effet dans Chicago il n’y a pas d’effets, contrairement à nombre d’autres spectacles.
SLU : Pourquoi les lip fills ne sont pas en Meyer mais en d&b ?
Bertrand Billon : J’ai de quoi le faire, j’ai en stock des UP4XP et des MM4XP, mais j’ai préféré accepter la demande On a donc lip en E6 et side en Q7 d&b. Je les loue ainsi que le monitoring sur scène.
Une des Q7 d&b fournies comme les E6 par Orbital Sound.
Une des six E6 d&b employées en lip fill sur le nez de scène.
SLU : C’est le designer qui a la main aussi sur les retours ?
Bertrand Billon : Oui, il décide le design complet du système et les retours sont très importants pour que la troupe entende bien où qu’elle se trouve dans le décor et même en fonction de la complexité de ce dernier.
SLU : Comment se passent les achats de matériel chez Stage, chaque pays est libre ou bien avez-vous une politique de groupe ?
Bertrand Billon : Une politique de groupe, car Stage en est un ! C’est important de peser dans le bon sens du terme sur les marques via des achats groupés quand c’est possible, avec des prix négociés. Nous effectuons aussi généralement un tour d’horizon par pays et on ne s’interdit pas d’acheter dans celui où nous trouvons la meilleure offre.
On peut trouver par exemple de grosses différences entre ce qu’offre un distributeur dans un pays, et une filiale dans un autre. Je préfère cela dit, travailler avec des distributeurs français ou bien avec Orbital qui, étant juste de l’autre côté de la Manche, peut intervenir vite et le fait de plus en plus à distance.
Compliquée la mise en phase d’un show de comédie musicale ?? M’enfin !! Rien que sur cette image on compte 24 enceintes… Remarquez l’absence du moindre fil apparent. Pas facile ensuite de changer entre passif et actif !
SLU : Ce mélange de trois marques audio et de deux types de câblages ne te pose pas de problème ?
Bertrand Billon : Non d’un point de vue audio, d’autant que le d&b est ponctuel et on se dirige vers le tout Meyer. Mais oui pour le câblage. Nous avons des boîtes passives et d’autres amplifiées donc pour changer les surrounds et délais cela nécessitera beaucoup de plâtrerie et des reprises de peinture et de dorure ce qui est cher et long.
On hésite actuellement entre remplacer les LA4 par des LA4X et ne pas changer le bois qui est très bon, ou bien tout reprendre avec du Meyer. On doit quoi qu’il en soit décider car les LA4 sont âgés et surtout n’ont que deux entrées ce qui, pour du délai, est loin d’être pratique. Les LA4X ont 4 vraies entrées…
Assez de moteurs pour pousser le Funitel de ValTho !
On descend pile sous la scène pour un coup d’œil sur une vraie machinerie qui sent bon le bobinage, la graisse et l’électronique bien chaude. Ici encore tout est neuf.
La machinerie des perches toute neuve et équipée de moteurs allemands ASM sur galet ! 750 kg par moteur. La serrurerie est française.
Le pilotage des moteurs hollandais Trekwerk permettant de suivre précisément et à distance chaque perche, et qui surtout compense le couple entre deux moteurs levant la même charge totale mais pas le chacun le même poids.
And her Majesty the Desk SD7T
Par un jeu d’escaliers et de portes coupe-feu, on arrive pile à celle qui mène à la régie son. On y retrouve Patrick Bergeron qui prend ses marques devant l’imposant paquebot de DiGiCo qui occupe presque toute la place. Enfin, moins que la double analogique Cadac qui avait été achetée par Dispatch pour le Roi Lion ! (Eric, si tu nous écoutes.)
SLU : Joli bébé, mais tu n’as pas pris le modèle Quantum ?
Patrick Bergeron qui mixe en alternance le show avec Nico Lamperier, toujours entièrement à la main, et à droite Bertrand Billon. Patrick a aussi une autre corde à son arc. Il programme. Cela permet à Mogador d’avoir une belle matrice d’écoute des liaisons en Dante !
Bertrand Billon : On y a pensé, mais elle n’était pas disponible quand on a passé le marché.
On a donc une SD7T, T comme Théâtre, une option assez chère mais indispensable pour pouvoir flécher intelligemment la puissance du moteur vers des fonctions utiles dans la comédie musicale.
L’avantage de la Quantum aurait été l’intégration du Dante plus simple et économique. Du coup on s’est rabattu sur l’Orange Box.
Deux réverbérations, mais des belles, des M7 Bricasti. Pareil pour l’horloge, une Nanoclocks de Rosendahl.
SLU : Les racks d’effets ont deux beaux processeurs…
Bertrand Billon : Ce n’est que de la location longue durée. On ne va pas investir alors qu’à chaque design le nombre et les marques des effets changent. Là on nous a demandé deux Bricasti mais cela aurait pu être du Lexicon, TC, Eventide et j’en passe.
SLU : Vous enregistrez le son du show ?
Bertrand Billon : Oui, on a un mac pro bardé de cartes MADI. Cela permet de chiader le mix et surtout de s’entrainer pour que les différents mixeurs aient bien le show dans les doigts. Avec les deux cartes on travaille un maximum de 64 pistes en 96 kHz.
SLU : Combien de SD Racks avez-vous ?
Bertrand Billon : Un seul car je comptais rentrer mes liaisons en Dante. Du coup on en loue un à Orbital pour cette saison.
Retour au plateau pour le show Shure !
On quitte la régie pour rejoindre à nouveau le plateau et, à jardin, la pièce où se trouvent tous les récepteurs mais aussi l’ensemble des chargeurs, packs, micros et pièces de rechange. Dans quelques minutes va commencer le ballet des artistes venant se faire équiper et c’est Bertrand en personne qui s’occupe de « la HFrie »
SLU : Les retours sont gérés par la face ?
L’emplacement du chef d’orchestre avec sa E0 d&b. Chaque musicien en a une lui aussi.
Bertrand Billon : Oui, le mix est fait une fois pour toutes pour l’ensemble des musiciens et de la troupe. Cette dernière baigne dans le son des Q7 d&b, alors que chaque musicien entend naturellement le son de son instrument acoustique et reçoit dans sa E0 d&b essentiellement du piano, de la charley et de la caisse claire qui marquent vraiment le tempo et constituent l’ossature de Chicago.
Le chef d’orchestre outre diriger, envoie aussi quelques effets sonores avec une petite télécommande et prend la parole pour présenter la troupe. Enfin il y a un morceau avec un clic, ce qui fait qu’il dispose avec le batteur et les deux pianistes d’un bon vieux PSM600 sur XLR pour l’entendre.
SLU : Micros ?
Bertrand Billon : On tape bien dans le catalogue DPA sauf pour la batterie qui est essentiellement Shure. Ici encore c’est le designer qui décide de la façon dont est effectué le repiquage.
Le SD-Rack récupérant les lignes musique derrière l’orchestre et alimentant les quatre D20 placés juste en dessous pour faire bouger les E0 des retours. 14 musiciens, 40 lignes. Ca ne se voit pas sur l’image mais des cartes 32 bits in et out garnissent les bacs.
SLU : On a un SD-Rack dans la régie HF, l’autre est sous l’orchestre ?
Bertrand Billon : Non, derrière. Comme le set coulisse, c’est plus simple de placer le stage en fond de scène. On le bouge pour permettre de dégager la scène pour jouer le spectacle Tom Sawyer et accueillir des événementiels.
SLU : Comment se fait-il que le set des musiciens est signé ?
Bertrand Billon : Parce qu’il a déjà été utilisé dans d’autres théâtres qui ont joué Chicago, notamment en Espagne. Chaque équipe le signe ou laisse un petit dessin derrière. A la fin ça devient des œuvres d’art.
SLU : C’est quoi cette contrebasse dans sa housse ?
Bertrand Billon : C’est celle du spectacle qui repart pour une révision. Elle a été fabriquée dans une couleur très foncée pour être raccord avec le code couleurs du spectacle.
C’est une demande du superviseur musical. Il m’envoie sa liste et je me charge de fournir ce qu’il demande sur notre stock, via de la location ou en achetant. Pour Chicago outre la contrebasse on a aussi acheté deux lames de xylo pour jouer deux notes spécifiques (rires).
Le pack du rôle-titre de Chicago, Roxie, et surtout de Carien Keizer qui l’interprète. J’ai beau avoir des grandes mains, ce pack est minuscule. Ne cherchez pas l’antenne, elle est intégrée au corps du pack et auto-adaptative…
L’après-midi s’écoule, le moment est venu de mettre en route les récepteurs AD4Q, les packs ADX1M, de plugger les micros et de commencer à vérifier un par un leur bon fonctionnement grâce à la première version de la matrice Dante de Patrick.
Carien Keizer. Pas de problème, mon cœur est reparti.
Commence alors une mélopée du genre « June, June, c’est June, June, ici c’est June, June » suivi du -c’est bon- de Patrick à la console « Annie, Annie, ici Annie, Annie, ici c’est Annie, Annie, Annie » et le tout 24 fois.
On parvient malgré tout à glisser quelques questions.
SLU : La HF a l’air de fonctionner très bien
Bertrand Billon : Oh oui, ça ne fait que deux semaines qu’on tourne avec ce kit numérique mais c’est une merveille. La gestion des batteries est génialissime, l’absence d’antenne et la miniaturisation du body pack aussi et le fait de changer de fréquence ou régler le gain à distance et à la volée est un vrai plus.
L’absence d’antenne est aussi appréciable car c’est encombrant et source de pannes. Le taux de qualité audio lorsque les conditions HF plongent est aussi unique. On apprend d’ailleurs à ne considérer que le facteur Q et à perdre nos habitudes analogiques.
SLU : Tu émets à quelle puissance ?
Un tour d’oreille fait maison et basé sur un micro DPA. Indispensable quand on porte un gros chapeau durant quelques chansons. Retour après au capteur sur le front.
Bertrand Billon : On tourne en 10 mW ce qui est largement suffisant vu la distance entre les antennes et les émetteurs. Les fréquences ont été choisies par l’AXT600 lui-même.
On a vérifié le bon fonctionnement du basculement automatique de fréquence en cas de parasitage en le déclenchant avec un ancien émetteur analogique et ça marche parfaitement bien en un temps mini.
C’est quasiment inaudible. Tu as juste un message qui s’affiche pour te prévenir de la bascule automatique. On a 40 fréquences déployées sur les récepteurs et 5 compatibles et prêtes à l’usage.
SLU : Tu as déjà eu une bascule en dehors de celle que tu as provoquée ?
Bertrand Billon : Non, mais il faut dire qu’on est tranquille ici question HF. On est très en retrait de la rue avec beaucoup de béton sur la tête et pour ça, c’est l’idéal.
SLU : Les vraies embrouilles ce sont les visiteurs
Bertrand Billon : Exactement, j’ai parfois eu des problèmes avec des télés et une fois avec un DJ qui devait privatiser pour une soirée dansante et avait mis en route des émetteurs pour des ears dans ses racks sans même m’avoir prévenu. Il ne le fera plus (rires) !
SLU : Ton parc d’émetteurs est uniquement en ADX1M ?
Bertrand Billon : Non, en plus de 36 body packs on a aussi 8 micros main ADX2 en SM58 et 4 émetteurs ceinture classiques ADX1. Ces deux références nous servent essentiellement pour les événementiels. J’ai aussi deux bagues pour faire du push to talk sur les émetteurs main.
La visu de 3 des liaisons au travers du Workbench, le soft de suivi et gestion des liaisons de Shure. Tout en haut, les indicateurs à 5 traits concernent la qualité finale de l’audio car on peut avoir de la HF mais autant de bruit de fond et dans ce cas, l’audio souffre, en silence mais il souffre. Entre deux traits et un trait, il vaut mieux changer à la volée de fréquence !
Et pour ça, le Spectrum Manager AXT600 et les AD610 du système Showlink qui répercutent des ordres à distance aux émetteurs, c’est la tranquillité garantie. On les a débusqués bien attachés à un tasseau dans le décor.
Ca sent bon la conclusion. Enfin ;0). Et là ça se complique. Le défilé commence entre les différents artistes venant se faire équiper et les musiciens venant serrer la pince par ailleurs occupée de Bertrand. On attend la fin de l’orage en passant en revue nos photos au son des cuivres qui chauffent le métal et leurs soufflets.
SLU : Comment fais-tu à remettre en phase la voix qui sort de la ligne centrale et celle des délais…
Bertrand Billon : C’est tout l’intérêt d’avoir une console conçue pour le théâtre car, effectivement, tu ne peux pas séparer voix et musique dans le délayage par boîte effectué dans le Galileo. On a des délais à cet effet dans les matrices. La SD7T est ultra puissante. Et ça prend beaucoup de temps à tout aligner.
Conclusion
Et puis le moment vient de se faire tout petit. Le plateau s’est mué en place du Tertre un samedi en plein été, l’orchestre fait son habituel potin désordonné, sorte d’amuse oreille avant les choses sérieuses. Il est temps de rejoindre notre place en salle. Le système Meyer tout de noir vêtu se voit beaucoup. Il mériterait un petit coup de barbouille pour le fondre dans la masse de ses congénères.
Où qu’on regarde il y a une enceinte entre principal, renfort de proximité, délai, surround ou évac. Quelle que soit la marque déployée, on sent un savoir-faire technique, un respect du spectateur et un vrai amour du son qui font que chaque paire d’oreilles assise à Mogador, dispose d’un rendu convaincant.
Le plateau et ses mille dorures vu depuis la régie son. L’antre de Nicolas Lemperier et Patrick Bergeron.
On assiste au show à l’orchestre au huitième rang près du mur à jardin et dès les premières notes on est frappé par la dynamique. Il y a un grand écart entre les dialogues et les fortissimi, quelque chose à laquelle on n’a plus du tout l’habitude, même dans le spectacle vivant. Peut-être qu’un joli limiteur très doux sur le groupe musique pourrait tenir certains passages où la proximité des Lina décidément musclés, rend le haut du spectre un peu mordant ; limiteur qui pourrait être débrayé pour laisser passer les frappes de caisse claire simulant des coups de feu et qui sont redoutables !
Les voix lead et plus encore les cœurs sortent avec fluidité et naturel. La balance tonale de l’ensemble est très équilibrée avec un grave présent et sec comme il le faut. Les suivis sont discrets, donc bien exécutés. Un dernier mot pour le spectacle et surtout la troupe qui joue comme si c’était le premier ou le dernier show. Bravo à toutes et tous.
Chicago à Mogador
Conclusion Mk II
Imaginez maintenant ce que serait le son de Chicago et ses très belles voix si la liaison en Dante évitait la première boucle DA>AD entre récepteurs Shure et stage DiGiCo souhaitée par le Sound Designer.
Imaginez aussi si Meyer accélérait le déploiement de l’entrée AVB sur ses nouvelles boîtes (mon petit doigt me dit que le futur est en marche NDR) et ne forçait donc pas le Galileo à sortir un signal analogique pour alimenter des enceintes qui sont désormais 100% numériques, filtrage comme protection, avant de repasser en analogique pour attaquer les amplis. Cela éviterait une seconde boucle DA>AD. On n’aurait plus qu’un convertisseur AD 96/32 dans les cartes de luxe John Stadius des SD-Rack dont Bertrand est très friand et un DA dans chaque boîte Meyer…Rhââ Lovely © Marcel Gotlib
L’équipe son :
Nicolas Lemperier : ingé son mixage
Patrick Bergeron : ingé son mixage
Leslie Marc : tech HF
Arnaud Dannenberg : tech HF
Sébastien Pavageau : ingé HF, période de création
Les Fournisseurs (avec les liens) :
Orbital Sound, Londres
Best Audio, Paris